dimanche 23 octobre 2016

Défense de la police ?

Patrick Mignard             

Des policiers sauvagement et froidement agressés, caillassés, brûlés, menacés… Certes, ce n’est pas le seul corps de métier qui actuellement est victime de la violence, les enseignants, entre autres, ont aussi leur part, mais toucher à la Police apparaît aujourd’hui comme quelque chose d’exceptionnel ! Au delà de la surprise et de la réprobation des pouvoirs publics, demeurent un certain nombre d’interrogations. 

Comment en est-on arrivé à cet état de violence ?

Nous sommes indubitablement dans une société décadente, c’est-à-dire une société qui voit se désagréger le tissu social, le lien social. Ce qui faisait la cohérence du corps social, le salariat, se délite progressivement sous les coups de la mondialisation du Capital : L’économique et le financier au détriment de l’humain. Conséquence : la stabilité sociale passée (conflictuelle mais acceptée) disparaît, les liens sociaux se distendent (individualisme), les valeurs qui fondaient la société perdent de leur contenu. L’autorité, l’État, complètement défaillant dans une situation de mondialisation marchande incontrôlée, perd tout crédit et par voie de conséquence tout ce qui représente l’autorité est remis en question. Cette remise en cause ne pouvant s’exprimer politiquement – changement politique verrouillé par les partis politiques – elle se fait par la violence dont les principales victimes sont la police, les pompiers, les médecins, les facteurs, les assistantes sociales, le personnel hospitalier, les enseignants... La classe politique en grande partie corrompue et discréditée n’a plus aucune prise pour « donner des leçons de civisme et d’honnêteté ».
Autrement dit, le malaise de la Police et les violences anti policières ne se comprennent que dans le contexte général de la décadence sociale.

Le cas particulier de la Police

La Police, tout comme la Gendarmerie, n’est pas un corps de fonctionnaires comme les autres. Parce qu’existe dans sa fonction un volet qui s’appelle la répression. En effet, la Police qui nous est présentée par l’État comme un corps de fonctionnaires au « service des citoyens », de « la paix civile », et autres fonctions plus ou moins de bienfaisance… est, de fait et de Droit, utilisée comme force armée en cas de conflits sociaux. La répression consiste à agir par la contrainte et sous l’autorité de l’État à l’égard de citoyens considérés comme agissant en dehors de la loi.
Dans le cas où l’on considèrerait l’État comme le représentant du bien public et de l’intérêt général – ce qui est généralement la définition donnée officiellement – cette fonction répressive serait acceptable et acceptée !... Or ce n’est pas le cas. L’État n’est pas ce qu’il affirme être, même s’il est le produit d’un processus dit démocratique. L’État est avant tout le garant d’un système économique et social. Or ce système – le salariat - est profondément inégalitaire (dans la répartition des richesses), confiscatoire (en matière de pouvoir économique) et excluant (en matière de conditions d’existence – voir le chômage). Cette situation ne peut que générer des conflits réprimés par l’État pour permettre au Capital de se valoriser.

C’est la Police qui est chargée de cette besogne

Autrement dit, le policier n’est pas tout à fait un salarié, un fonctionnaire, comme les autres, il est aussi celui qui, sous les ordres de l’État, réprime les travailleurs qui se battent pour leurs revendications et l’amélioration de leur niveau de vie. Celles et ceux qui ont subi – et ils sont légions - les violences policières lors de manifestations revendicatives et souvent pacifiques, ne peuvent pas exprimer la même solidarité vis-à-vis de ces drôles de fonctionnaires qui souhaiteraient être aimés. C’est leur métier dira-t-on ? Certes, mais c’est leur choix et donc leur problème. Accepter dans son métier l’obéissance à des ordres injustes, voire abjects, accepter de violenter des hommes et des femmes qui se battent pour une juste cause, entraîne inéluctablement un isolement au regard de l’opinion publique. L’argument de l’ « obéissance aux ordres », n’a aucune valeur morale et politique… l’Histoire l’a montré !

Qu’il y ait un désarroi de la part des policiers est parfaitement compréhensible, encore faut-il qu’ils posent le problème dans les bons termes. Le poser simplement en terme de moyens matériels est évidemment absurde, c’est tomber dans le piège que tend l’État : il n’y a pas d’autre moyen que la répression. Si la Police veut être crédible il faut qu’elle s’interroge sur le système qu’elle sert ! Exercice difficile mais indispensable ! Quand on voit des policiers, manifester de manière illégale, sans autorisation, et ne pas être réprimés, le travailleur, le salarié, le jeune, le retraité… ne peuvent que s’interroger sur ce qu’est la Police, sur son statut particulier,… et sur la tolérance dont elle bénéficie, elle et elle seule, de la part de l’État.
En l’absence d’une réflexion sur sa fonction, un dernier danger, et pas des moindres, menace le policier. La démagogie d’un néofascisme – le Front National - persistant dans notre société veut faire du policier un héros qu’il n’est pas, pas plus que d’autres d’ailleurs. Céder à ces sirènes serait replonger la Police dans un des épisodes les plus noirs de son Histoire, celle où, sans aucun état d’âme, elle a totalement perdu sa dignité : Collaboration 1940-45 ; répression de 1947 contre les mineurs, massacre des algériens (1961), massacre de Charonne (1962), répression en 1968…

Alors, défendre la Police ? Encore faut-il qu’elle soit défendable !

Patrick Mignard - 21 octobre 2016 -

fedetlib

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