Avant la loi El Khomri,
promulguée le 8 août dernier, nous avons eu droit à la loi Macron,
visant à « déverrouiller » l’économie.
La première année de son
adoption, là aussi à marche forcée, est l’occasion de revenir sur
l’application de sa disposition la plus emblématique, non pas
l’extension du transport en car qui a certes trouvé sa place mais au
détriment du train et avec un développement qui marque le pas, mais
celle du travail dominical.
On est loin de l’accord
« gagnant-gagnant » vanté à l’appui de cette mesure : en premier lieu,
les retombées en matière de création d’emplois sont loin d’être avérées
alors que le pays compte un million de chômeurs supplémentaire depuis le
début du quinquennat. La faute à « pas de bol » pour Hollande, qui a
fait de la baisse durable du chômage la condition sinéquanone pour se
représenter (une promesse qui sera probablement enterrée elle-aussi), ou
tout simplement à l’inefficacité de sa politique économique ?
L’augmentation du chiffre d’affaires
n’est également pas au rendez-vous : le dimanche ne représente le plus
souvent que le deuxième, voire le troisième jour, en terme de
fréquentation commerciale, avec une part sous la barre de 20 %. Plus
encore, le surcoût engendré par ces ouvertures est loin d’être absorbé
par une augmentation au moins correspondante du chiffre en question.
On objectera que le nombre limité
d’accords, dont les enseignes les plus importantes doivent
nécessairement se doter, les permettant (une vingtaine à ce jour dont
deux de branches) tarde à rendre perceptible l’impact de la dite mesure
sur l’économie. Or, le PROCOS (fédération patronale pour l’urbanisme et le développement du commerce spécialisé)
a, cet été, souligné elle aussi ce qui précède, faisant entendre une
petite musique sur le coût occasionné par ces ouvertures, prélude à une
remise en cause des compensations qui s’y attachent. Le personnel des
entreprises de moins de onze salariés n’a lui déjà même pas cette chance
comme la loi prévoit que ces dernières sont arrêtées unilatéralement par
l’employeur.
Des dimanches en pagaille
La loi, qui porte le nombre maximum
annuel d’ouverture dominicale des commerces de cinq à douze après
autorisation municipale, a trouvé là son expression la plus visible :
avec généralement un recours à tous les dimanches du maire, les
ouvertures se multiplient, englobant tout à la fois les soldes d’hiver,
ceux d’été, la rentrée des classes et les fêtes de fin d’année. C’est
cependant le régime le plus favorable pour les salariés : outre le
doublement de la rémunération, le Code du travail prévoit la
récupération du jour travaillé ainsi que le volontariat.
Des entreprises s’engouffrent dans la
brèche : ainsi, Tati vient d’adresser au Préfet, arguant entre autre du
résultat significatif obtenu lors des derniers soldes, une demande de
dérogation permanente pour son magasin du 18ème qui n’a pourtant pas été retenu dans le périmètre de la zone touristique internationale (ZTI) de Montmartre.
Quand le tourisme a bon dos
Les ZTI justement sont désormais au
nombre de vingt et une dans toute la France : aux douze parisiennes,
créées dès septembre 2015, sont venues s’ajouter six autres en février
dernier et trois en août. Certaines étaient déjà couvertes par le statut
de zone touristique comme Deauville ou Cannes or leur classement en
ZTI, qui permet en outre de baisser le rideau à minuit, a poussé
d’autres stations balnéaires situées à proximité à faire de même.
Plus incongrues encore, celles du centre
commercial Val d’Europe, implanté lui près d’une zone commerciale déjà
ouverte le dimanche à proximité de Disneyland Paris, et de Dijon, dont
l’influence du maire, par ailleurs ancien ministre du travail, n’est pas
étrangère à ce choix.
Le hic, c’est que la pérennité de ces
zones repose avant tout sur un afflux de touristes étrangers or un
événement géopolitique majeur ou la multiplication des attentats sur
notre sol, dont le dernier en date à Nice, entraine rapidement une
baisse sensible de leur fréquentation. Des pertes d’emplois sont donc à
prévoir, à commencer dans l’hôtellerie, avec l’application de l’article
30 de la loi El Khomri qui prévoit que de un à quatre trimestres de
baisse d’activité, en fonction de la taille de l’entreprise, justifient
des licenciements pour motif économique.
Les grands magasins parisiens, épicentre de la bataille
Effective depuis le 3 juillet dernier au
BHV après le forfait du syndicat SUD de l’entreprise, l’ouverture tous
les dimanches est en revanche retardée aux Galeries Lafayette suite à un
contentieux qui porte sur la représentativité de l’ex-syndicat CFDT de
l’entreprise, opposé lui à la mesure. Elle est aussi en cours de
négociation au Printemps et au Bon Marché avec, à chaque fois, la
problématique des démonstrateurs (les vendeurs recrutés directement par
les marques) qui eux ne peuvent être couverts par les accords de
l’entreprise donneuse d’ordre alors même qu’ils composent la majorité de
l’effectif de ces magasins.
Passé l’effet d’aubaine, en particulier
pour le personnel en place souvent mieux loti en matière de majoration
salariale que celui embauché pour l’occasion, il faut s’attendre à des
révisions déchirantes : ainsi, Abercrombie veut d’ores et déjà
renégocier son accord jugé trop généreux. Enfin, l’entrée en vigueur de
la loi Travail va dégrader davantage les conditions de travail des
salariés du commerce, plus spécialement avec le raccourcissement par
accord d’entreprise du délai de prévenance pour les salariés à temps
partiel de sept à trois jours et la possibilité, via le référendum
d’entreprise, de contourner les résistances syndicales comme celle qui
s’est exprimée à la Fnac…
Il y a donc tout intérêt pour les
syndicats du secteur à lier la reprise de la mobilisation contre la loi
El Khomri avec la nécessaire résistance à l’application de celle de
Macron.
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