L’hôpital a-t-il attrapé la grippe ? Non bien sûr. Mais il est très
malade. De tous côtés, des alertes me sont lancées. Les urgences sont
débordées et les hôpitaux incapables de faire face à l’épidémie de
grippe.
Je dis que ce n’est pas d’abord la faute de la maladie en
question. Bien sûr, je ne néglige pas la violence de la grippe. J’ai lu
que 18 000 personnes seraient mortes de l’épidémie il y a deux ans, lors
de l’hiver 2014-2015. D’ailleurs, il y avait déjà eu par exemple cette
année 13 morts dans une seule maison de retraite ! À Paris, tous les
indicateurs d’activité des pompes funèbres vont dans le même sens. D’une
année sur l’autre aux mêmes dates, l’activité mensuelle de janvier est
d’ores et déjà dépassée. Tout cela alors que le pic de l’épidémie ne
serait pas encore atteint. Sur le terrain, tous les témoignages
convergent : notre pays est devenu incapable de faire face à une
épidémie pourtant prévue, cyclique et finalement sans difficulté
thérapeutique.
Tel est le bilan d’une politique du manque chronique de personnel et
de lits aux urgences et dans tout le système hospitalier. Celui-ci est
aujourd’hui au bord de l’effondrement. Les hôpitaux ne tiennent encore
debout que grâce à l’incroyable dévouement de tout leur personnel, des
médecins urgentistes aux infirmiers, aides-soignants, brancardiers etc.
Mais cela ne durera pas toujours. La vidéo
de Sabrina Aurora, (photo) l’interne en médecine, a été vue par huit millions
d’internautes. Cela montre qu’il existe une opinion de masse que la
situation inquiète au plus haut point.
Cette épidémie est un donc un parfait révélateur de ce qu’est devenu
notre système de soins sous la férule du libéralisme. Il est temps de
rappeler que ce système politique a toujours justifié ses diktats et la
récitation permanente de ses mantras par son efficience. Une belle
arnaque. Là où le libéralisme s’applique, très vite, plus rien ne
marche ! Une bonne occasion de montrer que les soi-disant
« compétents » qui gouvernent ne font rien d’autre que créer les
conditions du chaos. Dans la santé, il faudra faire tout autrement dès
que possible. Pour l’instant c’est le règne du bavardage au sommet de
l’État.
La Ministre de la santé a donc demandé mercredi 11 janvier aux hôpitaux de « reporter les opérations non urgentes ». Pourquoi ? Pour soulager les urgences face au pic de grippe. Mme Touraine explique ainsi que les urgences sont « aux limites de leurs capacités ».
En effet, pour faire face, ici on rappelle des retraités, là on rajoute
des lits dans des chambres individuelles, ailleurs on cherche des
vacataires pour épauler le personnel en sous-effectif. Diantre, les
urgences hospitalières de la sixième économie du monde sont mises en
tension maximale par une simple grippe !
Mais, non, Mme la Ministre, l’hôpital n’est pas malade de la grippe.
L’hôpital est malade de votre politique depuis cinq ans et de celle de
vos prédécesseurs. Marisol Touraine se vante d’avoir réduit le déficit
de la Sécurité sociale. Mais elle ne dit pas à quel prix ce résultat a
été obtenu. Depuis 2015 et jusqu’à cette année 2017 s’applique un plan
d’austérité à l’hôpital. Sur ces trois ans, le gouvernement applique 3
milliards d’euros de coupes budgétaires dans l’hôpital. Cela revient à
fermer 16 000 lits ou à supprimer 22 000 emplois ! La cause du désordre
vient d’abord de là avant de venir de la grippe !
Cette épidémie sonne comme un désaveu pour tous mes concurrents à la
présidentielle. D’abord pour les anciens ministres Macron ou Valls qui
portent la responsabilité des budgets en question adoptées quand ils
étaient encore membre du gouvernement aux plus hauts rangs. Notez aussi
que Benoît Hamon a voté pour deux des trois lois de financement de la
Sécurité sociale en question là où d’autres « frondeurs » s’abstenaient.
La grippe prouve aussi par l’absurde que les propos de M. Macron, de
M. Fillon ou de Mme Le Pen sur la santé sont déconnectés de la vie
réelle. M. Macron et M. Fillon prétendent que les Français devraient se
« responsabiliser » en matière de santé. M. Fillon l’a encore dit le 12 décembre dernier dans sa tribune publiée dans Le Figaro. Selon lui, « Il
convient, par ailleurs, de responsabiliser chacun en simplifiant les
nombreux dispositifs de franchise actuels et le ticket modérateur qui
sont un maquis incompréhensible ».
Emmanuel Macron a dit la même chose le 2 novembre sur Médiapart : « Je propose que chacun puisse se responsabiliser et payer en fonction de ses propres risques ». Mais que veut dire « se responsabiliser »
à propos de maladie ? Cela veut-il dire éviter de tomber malade en même
temps que tout le monde ? Savent-ils ce qu’est une épidémie ? C’est
lorsque de nombreuses personnes sont contaminées par la même maladie. Et
pourquoi plusieurs personnes sont-elles contaminées par la grippe au
même moment ? Parce que c’est un virus, et que c’est donc contagieux !
Comment se responsabiliser dans ces conditions ? Comment éviter de
tomber malade en même temps que les autres en pleine épidémie ? Faut-il
arrêter de parler avec ses voisins ? Arrêtez d’aller travailler ?
Arrêter de vivre pour éviter d’être contaminés ? C’est grotesque.
Le programme M. Fillon est aussi mis en cause sur un autre aspect,
commun avec Mme Le Pen. Les deux projets reposent sur la suppression des
remboursements partiels ou totaux de soins par la sécurité sociale. Par
exemple, quand Mme Le Pen propose de supprimer l’aide médicale d’État
pour les étrangers sans-papiers. Ou quand M. Fillon a proposé de « focaliser
l’assurance publique universelle [c’est-à-dire la Sécu] sur des
affections graves ou de longue durée, et l’assurance privée sur le reste
» comme cela était écrit dans son programme sur la santé dans la primaire.
Depuis, ce programme a été effacé du site internet du candidat et François Fillon assume de l’avoir « retiré ». Mais ce projet était bien avancé : notez ainsi que dans Les Échos
du 25 novembre dernier, la porte-parole de M. Fillon pour la santé, Mme
Dominique Stoppa-Lyonnet, envisageait explicitement de dérembourser… « la grippe » ! Elle estimait que celle-ci, comme « l’optique, le dentaire, les audioprothèses n’ont pas à être financés par l’assurance-maladie de base ». Il
reste à M. Fillon et Mme Le Pen à apprendre que les microbes et le
virus de la grippe passent d’un individu à l’autre sans se soucier de
savoir s’il a des papiers, ou si sa complémentaire va le rembourser. Et
que par conséquence, pour protéger les Français et ceux ayant une
complémentaire, la méthode la plus efficace consiste à … soigner et
rembourser tout le monde !
Une autre idée aberrante de M. Fillon est d’imposer un jour de
carence pour les fonctionnaires en arrêt-maladie. Il explique que c’est
pour aligner les fonctionnaires sur les salariés du privé qui peuvent se
voir imposer trois jours de carence. Un jour de carence, c’est un jour
où vous n’êtes pas indemnisés par l’assurance-maladie lorsque vous êtes
en arrêt maladie. Pourquoi ne pas aligner tout le monde en le supprimant
dans le privé ? Ce serait nettement plus pertinent du point de vue de
la santé publique. Parce que le principe du jour de carence est
particulièrement absurde en cas de maladie contagieuse. Car pour éviter
de perdre un jour ou plusieurs jours de salaire, le salarié va
travailler, même s’il est malade. Et avec la grippe, il contamine ses
collègues au lieu de rester au chaud chez lui. Là encore, la mesquinerie
et la jalousie sont mauvaises conseillères pour aborder efficacement
les questions de santé.
Notre programme en matière de santé me parait nettement plus efficace
et pertinent. Peut-être parce qu’il part de la réalité humaine et non
des objectifs comptables ou de l’intérêt financier des actionnaires des
assureurs privés. Ainsi, la suppression des dépassements d’honoraires
chez le médecin et le remboursement à 100% par la Sécurité sociale des
soins permettraient de faciliter une prise en charge rapide des malades
évitant ainsi une aggravation de leur maladie. Aujourd’hui, un Français
sur trois renonce à des soins pour des raisons financières ! Et ensuite,
quand son état est devenu trop grave, il se présente aux urgences
venant participer de l’embouteillage à cet endroit du système de santé.
Pour faciliter l’accès aux soins, il ne suffit pas de mieux les
rembourser. Il faut encore les rendre physiquement accessibles.
C’est-à-dire combler les déserts médicaux. Pour cela, nous proposons la
multiplication des centres de santé, combinant médecins généralistes et
spécialistes. Dans ces centres officieraient des médecins publics,
fonctionnaires. Je suis certain que des milliers de jeunes gens sortants
des études d’infirmiers ou médecine seraient tout à fait disposés à
travailler dans ce cadre, avec un rythme, des conditions et
environnement de travail compatibles avec les projets qu’on peut avoir
pour soi et sa famille à l’âge de 30 ans ou en fin de carrière.
Évidemment, une forte priorité devra être donné à reconstruire
l’hôpital public. Il a été tellement mis à mal par l’austérité. Mais
aussi par l’absurde système de « tarification à l’activité »,
généralisée par M. Fillon quand il était Premier ministre ! Ce système
fait dépendre le financement de chaque hôpital sur le nombre et le type
de pathologies prises en charge. Ainsi, il faut faire du chiffre sur
certaines pathologies même si les opérations ne sont pas absolument
nécessaires car elles « rapportent ». Après quoi et en toute hypothèse,
il faut pousser les patients à sortir au plus vite pour faire baisser la
« durée moyenne de séjour », etc...
Il faut mettre fin à ce système fou.
Jean-Luc Mélenchon
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire