La fin de la période glaciale approche-t-elle ? Le patron du syndicat patronal, Pierre Gattaz, a choisi d’inviter la candidate frontiste à présenter son projet, rompant avec une tradition anti-FN.
Le FN n’a, à l’évidence,
jamais été un parti révolutionnaire – ni avec ni sans couteaux entre les
dents – ni même un parti anti-système : la famille Le Pen appartient à
l’élite financière, et dès les premiers succès électoraux, de nombreux
cadres et dirigeants sortaient des « grandes écoles » d’élites (Bruno
Mégret hier, Florian Philippot aujourd’hui…). Néanmoins ses relations
avec le grand patronat, surtout avec sa partie organisée, ont rarement
été au beau fixe.
Pierre Gattaz
veut toutefois se distinguer de celle qui l’a précédé, Laurence
Parisot, par sa volonté de traiter le FN comme les autres partis à
l’occasion de la présidentielle. Ce qu’il lui était reproché n’était
évidemment pas d’être anti-capitaliste, de faire partie des «
affreux partageux ». La doctrine du parti d’extrême droite disant au
contraire qu’il n’y aura jamais assez à partager pour tout le monde
(…pour ajouter : « il convient donc d’exclure les étrangers, ou les
mauvais Français, en premier de l’accès au gâteau »). Mais il lui fut
reproché de pratiquer une sorte de « primat du politique », mettant ses
propres critères – ceux du prétendu intérêt d’une « communauté nationale
» fantasmé – et sa recherche d’une base dans les classes populaires
au-dessus des purs critères d’« efficacité économique » au sens
patronal. Et puisque la mondialisation économique, le libre-échange
transfrontières, les délocalisations sont devenus un angle d’attaque du
FN depuis les années 1990 (dans la mesure où le parti d’extrême droite
explique tous les maux de la société capitaliste par le prisme du «
mondialisme »), cela peut gêner un certain patronat. Dans la mesure où
celui-ci cherche avant tout à exploiter, à produire et à vendre… y
compris au-delà des frontières, il crie au « protectionnisme », sauf si
ses propres intérêts se trouvent menacés par des capitaux étrangers plus
forts, auquel cas il peut lui-même devenir très vite très «
protectionniste ».
Bref,
le grand capital organisé, surtout celui qui commerçait avec succès à
une échelle dépassant les frontières nationales, pince quelque peu le
nez à l’écoute des thèses… justement protectionnistes prônées par une
Marine Le Pen ou un Florian Philippot. Certes, tout le monde au sein du
FN et de sa mouvance n’est pas exactement sur la même ligne, la députée
Marion-Maréchal Le Pen affirmant des positions plus libérales en
économie.
Les temps ont changé,
dans la mesure où le successeur de Laurence Parisot à la tête du MEDEF –
Pierre Gattaz – semble avoir rompu avec la rupture, effectuée par ses
prédécesseurs. Lundi 16 janvier 2017, lors d’une réunion du Conseil
exécutif du MEDEF, la direction de l’organisation patronale a ainsi
décidé d’inviter le Front national à présenter ses thèses économiques
devant ses principales fédérations. Pour Bernard Monot, l’un des deux
créateurs du programme économique de Marine Le Pen, l’invitation sonne
comme un début de consécration. « La position de Gattaz est pour une
fois intelligente, elle est démocratique. Surtout que le FN est l’ami
de toutes les entreprises, du petit commerçant, au géant français du CAC
40 »…
Non,
il ne s’agit pas de se faire de grands mamours, et les poids lourds du
MEDEF voudront avant tout faire pression sur le FN,toujours est-il que
cette nouvelle ligne de conduite se situe en rupture avec celle qui
prévalait du temps de Laurence Parisot. Au sein du FN, cela a même
poussé l’économiste libéral et eurodéputé Bernard Monot à entonner
publiquement une mélodie fortement pro-patronale : « Je rappelle que
nous sommes de vrais libéraux, partisans sans ambiguïtés de l’économie
de marché et de la libre entreprise. J’espère que cette rencontre sera
l’occasion de rassurer les chefs d’entreprise. »
Toujours est-il
que cette tonalité, qui correspond aux positions libérales en matière
économique que Monot a toujours défendues, ne fera pas l’unanimité à
l’intérieur du FN, ne serait-ce que pour des raisons de tactiques
électorales vis-à-vis des classes populaires.
Transmit par Alexandre
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