Ce qu’a subi Théo est le scandale de trop. C’est un évènement d’une
exceptionnelle gravité. Du fait de l’acte dont il est question.
Des
policiers violeurs, torturant par pur sadisme un passant dans la rue que
leur avait signalé sa seule couleur de peau. Une inspection générale
qui veut faire croire qu’enfoncer une matraque dans l’anus d’une
personne en contrôle d’identité puisse être un accident. Une absence
quasi-totale d’anticorps dans la profession qui ne dit pas un mot pour
son honneur alors qu’elle est en majorité écœurée par le comportement
de ses collègues, preuve qu’elle est déjà sous l’emprise d’un régime
interne d’intimidations. Des syndicalistes policiers qui ont
l’exclusivité de la parole pour la profession et qui couvre le crime et
l’aggrave encore par des complaisances affichées avec le racisme le plus
trivial (« bamboula » !!) complaisamment relayé par tout l’appareil
médiatique rivalisant d’obscénité.
Exceptionnelle gravité du fait du contexte. Car tout ceci a lieu dans
le cadre d’un contrôle d’identité d’un passant dans la rue ! Aucune
menace, aucune tension, sinon celles créés par les violeurs en uniforme.
Bref aucune circonstance atténuante pour un crime qui peut valoir
jusqu’à quinze ans de réclusion criminelle à son auteur ! Cela dans un
commissariat dont le journal L’Humanité nous apprend qu’il est
dirigé par un homme qui est toujours dans la police nationale alors
qu’il s’est déjà rendu coupable dans le passé d’actes voisins par leur
barbarie. Le tout au moment où, à l’initiative du PS, se discute une loi
pour étendre le droit pour les policiers de faire feu en légitime
défense ! De sorte que les tirs à balles réelles reconnus par la
préfecture à Aulnay pourraient à l’avenir se faire sur les gens !
Exceptionnelle gravité enfin, et ce n’est pas le moindre, du fait de
ce qui a été ensuite mis en mouvement pour provoquer une vague d’émeute
urbaine. Les propos tenus par les syndicalistes policiers, les images en
boucle des incidents en marge de la manifestation à Bobigny, tout
méthodiquement a été fait pour provoquer un embrasement général.
L’irresponsabilité médiatique éclatait dans la journée de la
manifestation à Bobigny. Deux heures de discours les plus variés et
passionnants par les contenus et la construction des pensées. Pas un
mot, pas une image ! Une voiture brûle et aussitôt les caméras, comme
des mouches affolées par la lumière, bobinent autour du feu. Puis les
autorités s’attribuent la gloire d’un enfant sauvé des flammes pour
mieux accabler ceux qui ont mis le feu. Mais il s’avère que c’est faux.
Et ainsi de suite. Tout se passe comme si un groupe politiquement engagé
avait provoqué des incidents au démarrage de la campagne de madame Le
Pen pour obtenir un embrasement favorable aux thèses de
l’extrême-droite.
Ils ont compté à juste titre sur le sensationnalisme des médias et
sur leur irresponsabilité sociale. Ils ont compté sur des responsables
politiques épuisés trop occupés à faire leurs cartons de déménagement.
Ils ont réussi. Et à présent voici les unes de journaux papier avec
leurs images de flammes et de jets de pierre. Les mêmes qui ont flétri
et stigmatisé les manifestants contre la loi El Khomri. De propos
délibéré. Et pendant tous ces épisodes, la faillite de l’autorité a
éclaté aux yeux de tous. L’État républicain a été mis en impasse totale.
Ses dirigeants ont été plus absents que jamais. Et ce n’est pas une
visite au chevet de la victime qui fera oublier l’abyssale absence de
parole publique du premier magistrat aux heures où chaque mot comptait.
Pas un mot pour faire respecter l’honneur du pays abaissé par des
policiers dévoyés, indignes de leur uniforme et de la mission pour
laquelle ils sont payés.
Je crois que les chefs de l’État, les Cazeneuve et Hollande, déjà
lourdement compromis par leurs comportements face aux violences du
Testet puis dans toutes les manifestations contre la loi El Khomri, ont
peur. Ils ne seraient plus obéis par ces forces désormais incontrôlées
auxquelles ils ne sont même plus capables de faire au moins une leçon de
morale et de civisme même à propos de quelques individus ! Pire, en
souscrivant à la thèse de l’accident, le ministre de l’intérieur, Bruno
Le Roux, qui avait d’abord renvoyé à la justice le soin de qualifier les
faits, s’est tout simplement éliminé de ce qui se joue à cet instant
dans la conscience du pays. L’État, ainsi, est à vau-l’eau dans
l’appareil sécuritaire du pays. L’incurie et l’absence de gestion
sérieuse éclatent aux yeux de tous.
Ainsi quand on découvre que les quatre chefs des agences de sécurité
française partent en même temps à la retraite, rompant la continuité de
l’action de l’État dans un secteur clef de sa sécurité ! Comment en
est-on arrivé là, comment a-t-on pu tomber si bas ?
Cet effondrement en
cours de l’autorité de l’État sur lui-même est un des signes les plus
inquiétants de la crise de régime qui le mine à cette heure. Je crains
que nous soyons désormais à la merci de toutes les provocations !
Jean-Luc Mélenchon
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