lundi 6 février 2017

Ukraine : quid crimen prodest ?

Raoul Marc Jennar        

À qui profite le crime ?  Ce vieil adage du droit romain a gardé toute sa pertinence. Appliqué avec rigueur, il permet souvent de déconstruire les propagandes gouvernementales et les manipulations médiatiques. A qui profitent les récents affrontements dans l’est pro-russe de l’Ukraine ? La question mérite d’être posée face au torrent de propagande diffusée à grands flots par la presse au service des intérêts US/OTAN.

Rappelons qu’avant et après son élection, D. Trump a annoncé son intention de normaliser les relations des USA avec la Russie, allant même jusqu’à envisager la levée des sanctions contre la Russie.
Quels sont les opposants à une telle politique ?
1) Une coalition guerrière au Congrès des USA dont le leader le plus éloquent est le sénateur républicain John McCain. Elle rassemble des républicains et des démocrates qui, avant même que débutent les évènements de 2014 en Ukraine, désignaient la Russie comme « la plus grande menace ».
2) le complexe militaro-industriel américain et ses prolongements en , toujours inquiets à la perspective de voir un conflit se terminer.
3) l’OTAN dont la raison d’en perpétuer l’existence après la disparition de l’URSS est de conserver un ennemi russe au prix de multiples provocations dont la première fut de renier les engagements pris après l’effondrement de l’URSS de ne pas prolonger sa sphère d’influence au-delà de l’Allemagne réunifiée.
4) certains pays de l’est de l’Union européenne qui entretiennent un climat revanchard à l’égard de la Russie.
5) l’Union européenne, membre en tant que telle de l’OTAN depuis le traité de Lisbonne.
6) enfin et surtout l’Ukraine, dont tout accord avec la Russie l’obligerait au minimum à respecter les accords de Minsk.
La Russie avait-elle intérêt à susciter les affrontements qui sont intervenus dans l’est de l’Ukraine depuis quelques jours ?
On sait que le bon sens et la logique ne président pas toujours aux choix politiques. Mais s’il est une qualité dont on peut créditer Vladimir Poutine, c’est d’une remarquable intelligence tactique.
Disposé à rencontrer les intentions affichées de D. Trump, connaissant les adversaires américains et européens d’un rapprochement entre les USA et la Russie, il n’avait aucun intérêt à ce que des incidents de cette nature surgissent avant même une première rencontre entre les deux dirigeants.
Néanmoins, tout étant possible dans le monde tel qu’il est, avançons l’hypothèse que c’est bien la Russie qui a provoqué ces récents incidents, avec comme raison, tester la détermination de Trump à ne pas tenir compte des opposants à son projet.
Cette hypothèse ne résiste pas à une réalité : Poutine sait parfaitement que Trump va avoir besoin du Congrès pour obtenir la ratification des décrets qu’il signe depuis qu’il a prêté serment. En effet, le droit public américain impose des limites strictes aux « executive orders » :
(a) lorsqu’ils abrogent une loi (ex : Obama Care), cette abrogation doit être confirmée par une loi votée par le Congrès ;
(b) ces décrets ne peuvent provoquer de dépenses nouvelles (ex : le mur contre le Mexique) ; 
(c) seul le pouvoir législatif peut modifier ou abroger un traité (ex : OTAN), 
(d) une loi du Congrès peut annuler un décret.  La Cour Suprême aussi. Un décret a moins de valeur qu’une loi. C’est ce que vient de rappeler avec éclat John McCain.
Trump va donc avoir besoin du Congrès alors que celui-ci est opposé de manière « bipartisane », comme on dit là-bas, à un rapprochement avec la Russie.
Poutine sait cela. En aucun cas, donc, il ne pouvait prendre le risque de faire un tel cadeau aux opposants américains à un rapprochement entre les USA et la Russie.
Donc, en aucune façon, le déclenchement des incidents ne pouvait être le fait de la Russie et des éléments pro-russes du Donbass qu’elle contrôle aujourd’hui plus que jamais.
La puissante machine de propagande US/OTAN s’est mise à l’œuvre pour dissimuler que ces incidents ont été provoqués par le pays le plus concerné et le plus hostile à un tel rapprochement : l’Ukraine. Un seul pays n’est pas tombé dans le piège : l’Allemagne dont les services de renseignement ont parfaitement identifié le rôle de Kiev.
Et Trump, piégé, n’a pu faire autrement que de suivre. D’où les déclarations de son ambassadeur à l’ONU.

Quant à la plupart des médias, sans effectuer la moindre analyse indépendante, ils véhiculent les mensonges fabriqués de toutes pièces par l’OTAN.

jennar.fr

Aucun commentaire: