mardi 14 mars 2017

La cruelle castration des humoristes français

Théophraste       

Pour Henri Bergson « Toujours un peu humiliant pour celui qui en est l’objet, le rire est véritablement une espèce de brimade sociale. […] Le rire doit répondre à certaines exigences de la vie en commun. Il doit avoir une signification sociale […] Sa fonction est d’intimider en humiliant. »

Brimade, intimidation, humiliation… Nos amuseurs les plus en vue y excellent sans avoir les audaces du « fou du roi » de jadis qui se moquait du souverain. Prudence d’autant plus grande qu’ils savent qu’à présent le vrai pouvoir est entre les mains de « mon adversaire la finance » (détenteur des médias) dont les hommes politiques ne sont que les serviteurs, les gestionnaires des sans-dents.
Dès lors, et à condition de ne pas parler du patron, il est permis d’ironiser sur le personnel politique et surtout sur les Français d’en-bas (1).
Les « importants » de l’équipe d’Hanouna (C8) rient aux éclats d’une technicienne exposant sa détresse, ceux de chez Ruquier (France 2) font de même en traitant des modalités de licenciements, Riss de Charlie-Hebdo s’amuse du cadavre d’un petit immigré noyé et en l’imaginant (second dessin, tant le sujet est désopilant) ayant survécu pour devenir violeur d’Allemandes à Cologne, Canteloup consacre (Europe 1) un sketch trash au jeune Théo et au policier violeur à la matraque (« Ils pourront s’épouser »), Charline Vanhoenacker (France 2) offre à Jean-Luc Mélenchon une veste Adidas avec, en fond d’écran, une immense photo d’un Fidel Castro, hagard, le poil rare et hirsute, nonagénaire à l’article de la mort (rires).

La finance a créé les « bouffons du peuple » qui, après l’ablation des lobes de la maturité politique et la greffe de la glande de l’égoïsme, peuvent faire rire (2) de n’importe qui, sauf du roi par qui ils s’enrichissent.

Théophraste R. (Chef du bureau d’investigation : « Recherche du rire chez Buster Keaton »).

(1) Citer quelques humoristes qui échappent à ce constat obligerait à remplir des colonnes avec les noms des autres.
(2) En fait, ils se font rire entre eux. Leur moindre mot déclenchant sur les plateaux des artificiels « Ha ! ha ! ha ! » en cascade, destinés à nous convaincre de l’esprit de ces pitres.

Le Grand Soir

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