samedi 15 avril 2017

Dans la « pétaudière » de la maison d’arrêt de Nîmes

Julie Brafman       
  
Avec 460 occupants pour 192 places, l’établissement, vétuste, illustre le drame de la surpopulation carcérale.  Libération a pu le visiter.

« Quand on s’entend bien avec ses codétenues, ça va », glisse avec une retenue polie Sandra, 50 ans, en désignant le lit de fortune : un matelas posé sur une armoire couchée. Si le stratagème permet de ne pas dormir à même le sol, il réduit un peu plus l’espace de 9 m2 occupée par les trois détenues. Chacune bénéficie finalement de 1,33 m2 Tout le quartier pour femmes de la prison de Nîmes est à l’image de cette cellule : décati et saturé, obligeant 13 des 52 détenues à camper. Dans le reste de la maison d’arrêt - qui accueille les personnes en détention provisoire et les condamnés à des peines inférieures à deux ans - c’est la même chose. Au total, 460 personnes sous écrou se partagent actuellement les 192 places. Alors, « on jongle. On en prend un ici, on le remet ailleurs », raconte un gardien. Une sorte de Tetris humain, toujours sur le fil pour éviter les violences. Dans ce contexte, impossible de séparer les prévenus des condamnés, les primodélinquants des voyous aguerris, les fumeurs des non-fumeurs. Le directeur, Daniel Klecha, évoque « une gestion sur un mode dégradé » : « On recherche un équilibre permanent dans la façon dont nous répartissons les détenus. Il faut prendre en compte les affinités, les convictions personnelles, la situation pénale. C’est presque 50 % du travail des surveillants. »
« Plus hard ». En attendant le nouvel établissement qui doit être implanté à Alès, une rénovation est à l’étude dans la maison d’arrêt, qui « pourrit par l’intérieur » pour reprendre les termes d’Alfred, un surveillant. L’eau chaude est l’invitée des grands jours, les murs pleurent l’humidité, la lumière naturelle reste un vague souvenir qu’on emporte de l’extérieur. Dans le couloir du rez-de-chaussée, une série de collages intitulés l’Enfer, la Tristesse, la Colère résumerait presque la situation.
Ce n’est donc pas un hasard si le garde des Sceaux, Jean-Jacques Urvoas, et l’ex-Premier ministre Manuel Valls avaient choisi cette prison devenue le symbole du pire, « une pétaudière » avec 200 % à 240 % de surpopulation carcérale, pour annoncer en septembre leur plan « concret, détaillé et financé » de construction.
Sept mois plus tard, Libé est revenu sur les lieux avec Christophe Cavard, député écologiste du Gard et familier de la question carcérale - il en est à sa sixième visite - pour interroger les détenus à l’heure où la campagne bat son plein. Sandra, cheveux noirs et tee-shirt flanqué du mot « Escape », incarcérée pour huit mois, se désole que « les candidats ne parlent pas des prisons. Pourtant c’est préoccupant. Quand on est là pour la première fois, c’est très dur, surtout à 50 ans. Je ne pensais pas que l’on mettait tout le monde ensemble, tous délits confondus ». Tandis que la douche accompagne la conversation d’un bruit lancinant de canalisation, elle ajoute : « Soi disant, les peines de moins de deux ans sont aménageables. Mais ce n’est pas fait dans 70 % des cas. » 

Le regard se pose sur le magazine Sciences et Vie, sur la table en plastique vert : « Les cauchemars enfin expliqués .»

liberation.fr

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