samedi 29 avril 2017

L’Etat de droit et la citoyenneté

eldorado-le-tresor-de-la-cite-perdue.jpgGilles Devers         

Vu le sens politique acéré du fluet, la force de son implantation dans les réalités sociales, et le génie de son staff, il vaut mieux se préparer sagement à la victoire de Le Pen, histoire de voir ce que ça pourrait donner.
 
En fait, je ne vais pas parler de son programme, car mon psychiatre, pour une fois d’accord avec mon cardiologue, m’a déconseillé les efforts inutiles, et donc de le lire.
Ce que fera Le Pen n’est pas mon problème, la question, c’est ce que nous ferons.
Ici, il faut déjà mettre à l’aise nos amis abstentionnistes et adeptes du vote blanc : la citoyenneté dans un État de droit ne se résume pas au fait de voter. Voter, ce n’est qu’une petite partie de la citoyenneté... et heureusement, car il est désormais bien clair que nous votons pas en fonction de nos attachements, mais à partir des candidats désignés.
- Je rejette les politiques du fluet ou de Le Pen…
- Certes, mais tu es obligé de voter pour l’un d’eux, ou alors tu es un mauvais citoyen.
- Donc, être citoyen, c’est voter une fois tous les cinq ans pour celui qu’on rejette le moins ?
- Exact. Après tu rentres dans ton trou, et on te sifflera dans cinq ans.
- Sauf que non…. Le vote, c’est si un candidat me va. La citoyenneté, c’est tout ce que je vais faire, à titre personnel et dans des associations, chaque jour pendant les cinq ans, pour défendre les libertés publiques, les droits sociaux et la démocratie contre les abus des autorités étatiques.
- Non, non, ça c’est pas bon. Tu as voté, donc tu as donné ton avis dans une démocratie représentative, et tes représentants doivent pouvoir gentiment exercer le pouvoir pour lequel tu les as mandatés.
- Arrête ton char, on croirait les cours de morale citoyenne pour le cours élémentaire. En 2012, on a voté « gauche » contre El Blanco et se ramassait avec 5%, et il a été nommé premier ministre. De même, explique-moi si la déchéance de nationalité était dans le programme… Et la refonte des accords européens pour obtenir un plan de relance, elle est passée où ? Et le mignon banquier, nourri par le monde de la finances ?… Plus aucune confiance.
- Si tu n’es pas d’accord, tu voteras contre eux cinq ans après. Correct ?
- Correct, rien du tout, car tu auras trouvé d’autres candidats sympas pour « rénover la vie politique ». - Stop. La politique française n’a pas été détruite par l’abstention des électeurs, mais par les acteurs du jeu politique. Un jeu politique se résume à des postures, et le but est de nous faire filer droit. Ça ne marche plus. Car attention : en même temps que la politique s’est affaiblie, le droit s’est renforcé. La France est un État de droit, qui prend place dans deux institutions européennes, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, qui sont également des communautés de droit, et dans un régime international, affaibli par les impérialismes, mais qui reste aussi une communauté de droit, avec le statut de l’ONU, outil de la paix dans le monde, et du Pacte des droits civils et politiques de 1966, sous la protection du Comité des droits de l’homme de l’ONU.
- Mais ce ne sont que des mots, que du juridisme, rien de concret…
- Détrompe-toi, c’est un système qui marche pas si mal que ça. La loi est l’œuvre des majorités politiques, mais elle n’est légitime que dans le respect des principes. L’unité d’un pays se structure autour des principes du droit. Pour construire ce type de recours, il faut de vrais professionnels, des spécialistes, mais ces techniciens inventifs n’agissent qu’en fonction des demandes qui leur parviennent. La notion fausse, c’est celle de désobéissance civile, comme si, en 2017, fallait passer dans l’illégalité pour défendre le droit. La notion de désobéissance civile peut parler à qui ne connaissent droit, mais c’est une pure illusion, inventée justement pour sauvegarder l’ordre établi. On veut nous faire croire que pour défendre les droits, il faut se placer dans l’illégalité… Dans cette logique, il faudrait demander aux fonctionnaires de refuser de respecter les ordres des autorités hiérarchiques… N’importe quoi. Dans un État de droit, chaque citoyen est garant de la légalité, et en dehors du vote qui l’occupe cinq minutes tous les cinq ans, et qu’il assume avec un choix très libre, il s’investit sur le terrain, opposant la force du droit aux majorités politiques qui s’égarent. Pour tenir l’outil, il faut des spécialistes, les professionnels du droit, mais concevoir le plan de bataille est l’œuvre des citoyens.

- Donc d’après toi, une personne qui refuse de voter remplit son devoir de citoyen à partir du moment où elle va agir pour la défense des droits, par l’action militante et par des recours en justice ciblés, pour défendre les principes qui fondent la société ?
- T’as tout compris. Dans une cité perdue, le droit est un trésor. 

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