Sous les habits neufs de M. Macron,
le néo-libéralisme continue sans changer. Marginalisant l’écologie, et
oubliant l’inégalité sociale.
Emmanuel Macron est un personnage remarquable : on ne gravit pas
aussi rapidement les échelons de la pyramide du pouvoir si l’on n’est
pas doté de qualités exceptionnelles. Et même si la chance a largement
joué son rôle – la faillite de François Fillon, la déliquescence plus
rapide que prévue du Parti socialiste -, la capacité à s’engouffrer dans
les opportunités est un talent que tous n’ont pas. Il ne fait pas de
doute que cette énergie ascensionnelle va continuer à se déployer dans
les premiers mois de la nouvelle présidence.
Il reste que M. Macron n’a pas gravi la montagne à la force de son
seul poignet. Massivement soutenu par tous les médias des dominants
(faut-il encore rappeler que la “presse” est aujourd’hui l’instrument des Arnault, Bolloré, Bouygues, Dassault, Drahi, Lagardère, Niel, Pigasse, Pinault… ?),
il n’a pas gagné à la loyale. Plutôt qu’un duel Macron-Le Pen, on
aurait pu assister à un duel Macron-Mélenchon bien plus stimulant si la
presse oligarchique n’avait pas pilonné dans la dernière ligne droite le
candidat de la France insoumise. Mais l’oligarchie avait bien sûr
choisi son camp. Ce serait Fillon ou Macron. Fillon tombant à l’eau, ce
fut Macron.
Homme remarquable, appliquant les méthodes entrepreneuriales en vogue
– En marche a appliqué tous les outils marketing et a fonctionné en
mode “start-up”, comme l’a raconté Mediapart -, M. Macron n’en est pas moins porteur des idées du vieux monde. Le vieux monde ?
Celui où l’on croit que la croissance reste le moteur de l’équilibre
social, que la question écologique est secondaire, et qu’une société
peut vivre sans désordre avec de fortes inégalités.
Pour grimper rapidement, M. Macron a adopté les idées de ses parrains. Ou étaient-ce les siennes ?
Peu importe. Deux hommes en particulier l’ont propulsé vers les hautes
sphères : Henry Hermand, millionnaire ayant fait fortune dans la
construction de centres commerciaux dévoreurs de terres agricoles et
propageant l’étalement urbain, et Jacques Attali, qui l’a recruté en
2007 dans sa “Commission pour la libération de la croissance”. Le
nom de cette commission créée par M. Sarkozy en disait tout. Parmi les
prescriptions qui révélaient la pertinence de ses analyses, il y avait
la libération accrue des règles du marché financier parisien, un an
avant que n’éclate la grande crise financière… Mais l’oligarchie n’a
cure de ses erreurs, et M. Attali continue à parader, tandis que ses
poulains galopent dans les prairies du pouvoir. Et de l’argent, puisque
M. Macron est passé par la banque Rotschild.
Béton, croissance et finances
Béton, croissance et finances, voilà donc le terreau idéologique sur
lequel M. Macron s’est épanoui. Le nouveau président a déjà quatre ans
d’expérience gouvernementale à son actif, à l’Elysée où il a conseillé
François Hollande dans son orientation néo-libérale, puis au ministère
de l’Economie.
Et la liste des actes ou intentions de M. Macron parle d’elle-même :
travail le dimanche, facilitation de l’affichage publicitaire, permis de
recherche de gaz de schiste, soutien au projet nucléaire d’Hinkley
Point, autorisation de l’extraction de sable à Lannion, accord très
favorable aux sociétés autoroutières, encouragement à l’exploitation
minière en Guyane, amendement législatif sur les déchets nucléaires à
Bure – l’écologie est le cadet des soucis du nouveau président.
Et les signaux qu’il a lancé ne sont pas très positifs : en matière d’agriculture, il veut « continuer le combat » de son « ami »
Xavier Beulin, chantre de l’industrialisation agricole et de la
compétitivité. Son programme d’investissement sur la transition
écologique s’élève à un modeste 15 milliards d’euros sur cinq ans,
moins, rappelait Thomas Porcher lors de notre Alter soirée électorale
que le coût du projet nucléaire d’Hinkley Point en Angleterre. Quant à
son entourage proche, il vient pour partie du monde du béton de son
parrain Henry Hermand : avant de rejoindre En marche comme porte-parole,
Benjamin Griveaux était chez Unibail Rodamco, grand promoteur de
l’immobilier commercial (qui veut par exemple lancer Val Tolosa). « Le programme Macron fait saliver les promoteurs », signale La Lettre A, en laissant notamment prévoir l’abaissement des possibilités de recours contre les permis de construire.
Sur les autres domaines que l’environnement, n’attendez pas de progrès. Le mot « inégalité » n’apparait pas dans le programme de M. Macron, pas plus que celui d’évasion fiscale.
Une nouvelle loi Travail sera imposée par ordonnances (une variante du
49.3, consistant à forcer la main au Parlement pour légiférer), et pour
la « sécurité », on embauchera 10.000 policiers et gendarmes supplémentaires et l’on construira 15.000 places de prison.
Tout cela n’est guère encourageant. Le néo-libéralisme continue sous
de nouveaux habits, l’écologie est marginalisée, le vieux monde perdure.
Mais il craque. Le niveau étonnamment élevé des votes blancs ou nuls
au deuxième tour de l’élection présidentielle montre que de plus en plus
de gens ne supportent plus le chantage qui nous est imposé entre le
fascisme et le néo-libéralisme.
L’assise de M. Macron n’est pas solide.
Et autre tournant porteur d’espoir de cette campagne présidentielle, le
camp de la gauche a solidement intégré l’écologie dans sa vision du
monde et dans sa politique. Il reste à ce que ce camp s’unisse. Sinon
les vieilles idées de M. Macron continueront à détruire le monde.
Source : Reporterre, , 09-05-2017
Les Crises
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