jeudi 8 juin 2017

Crève ! Souffre ! Sale pute !

Gidéon Levy   

Les soldats de Tsahal ont retenu la leçon du procès Azaria : au lieu d’achever un « terroriste », il faut le laisser se vider de son sang tout en lui vomissant des insultes.

Il s’est encore passé quelque chose d’horrible dans les Territoires occupés mardi dernier.
Quelque chose encore plus révoltant que tirer sur un terroriste blessé et à terre comme l’a fait Elor Azaria. La vidéo qui a été prise à cette occasion vous retourne le cœur…
C’est révoltant et désespérant mais aucun média en Israël n’y a prêté attention ce qui reflète bien la profondeur de l’apathie dans laquelle nous avons sombré.
Ce jour-là, un groupe de militaires se tenait autour d’une jeune Palestinienne qui se tordait de douleur sur la route en perdant son sang alors que ceux-ci faisaient une sorte de concours d’insultes les plus obscènes. Ce sont tes soldats, Israël ! Ce sont leur langage, ce sont leurs valeurs et leurs références. Aucun d’entre eux n’a offert à cette jeune fille aucune aide médicale, personne n’a pensé à faire cesser ce flot d’obscénités détestables qui volait autour d’une écolière agonisante. C’était le cadeau qu’il fallait pour compléter les célébrations du jubilé - du défilé des superbes et admirables paras au Mur des lamentations jusqu’à la bestialité de cet acte au checkpoint de Mevo Dotan. Voici où nous ont amenées cinquante années d’occupation.
La vidéo nous montre une jeune Palestinienne qui avance lentement vers le checkpoint. Peut-être quelqu’un l’appelle-t-elle pour lui demander de s’arrêter mais on ne peut l’entendre sur l’enregistrement. On ne voit pas ni lame ni coup de couteau non plus. Puis on voit la jeune fille s’enfuir, deux Israéliens, apparemment des soldats la poursuivant à toute vitesse. Ce n’est que le préambule.
« Neutraliser » (c’est-à-dire tuer en hébreu) des jeunes, garçons ou filles, qui cherchent à blesser des soldats - qui savent que le plus souvent c’est au prix de leur propre vie – est devenu une sorte de routine. Dans la plupart des cas c’est ni plus ni moins qu’une exécution alors qu’il est le plus souvent possible d’arrêter les assaillants sans les tuer. Mais l’armée est héroïque quand elle est face à des jeunes filles et ses soldats savent tuer. Les militaires tirent alors pour abattre l’écolière, ce qui était attendu de leur part.
Et maintenant : la jeune fille est étendue sur la route ; les hommes armés l’entourent comme dans un rite païen, lui aboyant un flot d’injures. La vidéo ne montre que leurs corps, pas leurs visages. Parmi eux, il y a au moins un homme armé en short, portant des sandales, probablement un colon. La fille pousse des plaintes, se retourne, se tord, gémit pendant que les soldats disent : "J’espère que tu meurs, fille de pute", "Fuck you", "Crève, souffre, toi kahba (putain en arabe)". Ils ne se comporteraient même pas comme ça auprès d’un chien mourant. Au milieu de cette folie on peut entendre quelqu’un demander "Où est le couteau ?", "Ne la touchez pas", "Vous êtes génial" et, d’un téléphone, "Où êtes-vous ? à la maison ?".
Elle est morte quelques heures plus tard. Elle s’appelait Nouf Iqab Enfeat, elle avait 16 ans et venait du village de Yabad, près de Jénine, en Cisjordanie. Un soldat a été légèrement blessé. Seuls des lâches peuvent tuer une écolière d’une telle façon.
Toutefois dans ce cas, l’exécution de routine a été accompagnée d’une « cérémonie de requiem ». Il faut l’avoir vu pour le croire. Même pas un soldat avec le moindre fétu de compassion ou d’humanité. On a du mal à imaginer l’ampleur de la haine des soldats de l’armée d’occupation envers la nation qu’ils dominent. Il faut voir à quel point ils ont perdu leur humanité. Comment quelqu’un peut-il être joyeux en voyant une écolière qui se meurt ? Maltraiter de cette façon quelqu’un qui souffre n’est pas moins pernicieux, maléfique que de l‘abattre.
C’est la leçon qu’on tirée les soldats de Tsahal du procès d’Elor Azaria : au lieu d’achever le « terroriste », laissez-le perdre son sang jusqu’à ce qu’il meure tout en le couvrant d’injures. Et ils l’ont fait, non par vengeance de sa tentative de poignarder un soldat mais parce qu’avant tout c’était une Palestinienne. De toutes évidences, ils ne se seraient jamais comportés ainsi si c’était une fille de colon qui avait essayé de les attaquer.
Ce n’était pas l’attitude d’un individu isolé ; ils sont nombreux dans ce cas. Ce n’était même pas un événement extraordinaire. Ce sont vos soldats, peuple d’Israël ! Quelqu’un devrait le rappeler au chef d’état-major Gadi Eizenkot qui, pour différentes raisons est perçu comme quelqu’un qui se préoccupe de l’image « Tsahal-armée la plus morale du monde ».
Vous avez cinq enfants chef Eizenkot, que penseriez-vous de quelqu’un qui se serait comporté ainsi avec l’un des vôtres ? Qu’est-ce que tout père ou toute mère pense en Israël ? Est-ce que de voir un couteau dans la main d’une écolière désespérée justifie n’importe quelle sorte de comportement ? Et n’apparait-il pas clairement que c’est d’envoyer nos enfants servir dans les Territoires occupés qui les transforme ainsi ?

Si les soldats de ce checkpoint ne sont pas poursuivis et punis, une chose sera alors claire : la barbarie est le vrai code moral qui a cours chez Tsahal.

Source : Haaretz

Union juive Française pour la Paix 

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