samedi 17 juin 2017

La proie aime les barrières

Olivier Cabanel  

Contrairement à une idée reçue, la compétition ne serait pas une bonne nouvelle pour l’espèce humaine, serait porteuse de souffrances, générant un nationalisme de mauvais aloi.

Mais cette réflexion sur la compétition n’est qu’un des sujets sur lesquels Etienne Chouard, l’enseignant blogueur, s’est exprimé ouvrant ainsi de nouvelles réflexions pour une autre humanité.
À quelques heures du bac de philo, voilà des sujets qui auraient sûrement bien inspiré les futurs bacheliers...
« La proie aime les barrières » affirme Étienne Chouard... il dénonce un angélisme basé sur l’idée que la Terre n’aurait pas de frontières, et que nous serions avant tout des « citoyens du monde »...sauf que, affirme-t-il : « pour pouvoir être accueillant, j’ai besoin d’avoir un « chez moi » (...) il faut que je me sente bien, il faut que je n’aie pas peur de toi (...) le prédateur n’aime pas la frontière, n’aime pas la clôture. La proie aime bien la clôture... et ce sont des prédateurs qui écrive la doxa, la propagande, mondialiste, anti-frontière, anti nation, des forts du moment qui veulent que règne la « loi du plus fort »(...) On nous rebat les oreilles avec la compétition.... les jeux olympiques sont une saloperie de ce point de vue. Ils développent chez nous une habitude de la compétition, avec un qui gagne et tous les autres qui pleurent ! C’est idiot ! Nous pourrions jouer autrement, en collaborant... nous pourrions trouver notre plaisir non pas à gagner et à voir les autres pleurer, alors qu’on est le seul à rire, on pourrait jouir de la collaboration, de l’entraide, et aurait gagné celui qui aurait le plus aidé les autres.
Il rappelle la pratique de ces sociétés primitives dont les règles sur le jeu sont autres : « tant qu’on n’est pas à égalité, il faut continuer à jouer, jusqu’à ce qu’on soit à égalité ».
 (...) il s’agit d’une éducation qui cesse de nous apprendre à nous opposer les uns aux autres. L’espèce humaine a probablement survécu que parce qu’elle s’est entraidé ».
Le blogueur s’exprime aussi sur l’argent...
 (« Ceux qui fabriquent la monnaie ont intérêt à ce qu’elle soit rare ») et il fait un parallèle entre le sang et la monnaie : « la monnaie sert à échanger, le sang aussi... nous avons besoin de sang, nous avons besoin de monnaie... et nous avons besoin d’une quantité adéquate de monnaie, tout comme nous avons besoin d’une quantité adéquate de sang. (...) or ce qui détermine la quantité de monnaie dans notre pays est complètement idiot. La monnaie est crée par les crédits. Au moment où vous empruntez, vous créez de la monnaie. (...) Quand la période est à l’optimisme, tout va bien, on croit à l’avenir, les produits sont de moins en moins chers, on est bien payés, on va avoir tendance à emprunter beaucoup. En période de pessimisme, on n’a plus confiance en l’avenir, on a plus envie d’emprunter, les banquiers n’ont plus envie de prêter, (...) pourtant il faut toujours rembourser les crédits, la baignoire se vide toujours à vitesse régulière, mais elle ne se remplit plus. La masse monétaire diminue, et arrive le chômage.
Si aujourd’hui tout le monde remboursait ses dettes, il n’y aurait plus d’argent... et pourtant on aurait encore besoin d’argent. (...) on a donné la responsabilité de créer de l’argent à des acteurs qui ont un intérêt personnel puissant à ce que cet argent soit rare ».
Et il enchaîne sur l’Union Européenne  :
« Nous sommes dans un piège... Cette Union Européenne a été crée, voulue, défendue mordicus, financée par des banquiers, les institutions européennes sont anti sociales et elles sont faites pour fabriquer du chômage. La seule mission de la banque centrale, c’est de protéger la monnaie, fusse au prix d’un chômage de masse (...) qui arrange bien les riches qui l’ont voulu. (...) quand ils luttent contre l’inflation, ça se paye en chômage. (...) ils veulent du chômage parce que ça va être intimidant pour les salariés, ça va permettre de payer des bas salaires, et des bas salaires ce sont des hauts profits pour eux. (...) ceux qui dépensent l’argent créé, ce ne sont pas les riches, ce sont les pauvres. (...) le pauvre par définition ne satisfait pas tout ses besoins. »
Le scandale Carlos Ghosn, qui vient d’éclater, grâce aux révélations du « Canard Enchaîné », en est la parfaite démonstration.
Sur l’air de « j’en veux toujours plus », le dirigeant Renault/Nissan aurait mis au point un montage qui a permis discrètement de récupérer 25 millions de bonus supplémentaires pour lui-même et 6 autres grands actionnaires.
Le montage de l’opération est simple : une société de service, détenue par une fondation de droit néerlandaise reçoit 8% du montant des synergies additionnelles dégagées par ces entreprises, et un tiers de ces fonds sont reversés à 6 actionnaires, dont Carlos Ghosn, évidemment. lien
Mais revenons à la réflexion d’Étienne Chouard.
Il s’interroge sur l’inflation.
« Ça veut dire, une augmentation de quantité. (...) si vous augmentez la quantité de monnaie, avec en face une augmentation de la quantité des biens, il n’y a pas d’inflation, car pas de rareté. Si par contre vous créez beaucoup d’argent, mais sans les biens, vous créez de la rareté, et vous faites monter les prix. (...) la réserve fédérale crée en ce moment un milliard et demi de dollars par jour, et pourtant il n’y a pas d’inflation, parce que ce n’est pas à nous que l’on donne ces milliers de milliards.
Par contre regardez ce qui ce passe du coté des riches, du coté des marchés financiers, ces marchés qui devraient s’effondrer parce que ce sont des crapules, qui ont triché, qui devraient être en faillite, et pourtant la bourse ne s’effondre pas parce que les milliers de milliards vous les mettez dans ce monde de riches où vous poussez les prix à la hausse, vous injectez du pouvoir d’achat, avec notre argent à nous, cet argent qui est si précieux, qui devrait garder de la valeur, vous êtes en train de l’injecter dans les marchés financiers afin de maintenir en respiration artificielle des cours de bourse qui devraient s’effondrer. (...) imaginez que vous ayez beaucoup d’argent, que vous puissiez acheter sans limite, vous achetez 2 millions la villa sur la Cote d’Azur qui en vaut 1... et en faisant monter les prix, vous validez le pari que faisait l’acheteur, en disant ça va continuer à monter, ce sont des prophéties auto-réalisatrices... ils alimentent une bulle avec de l’argent facile. Quand elle s’effondrera, elle ne ruinera pas les acteurs qui ont triché, parce qu’ils vont se retirer, toujours à temps, grâce aux mécanismes de délits d’initiés.
La Grèce s’est fait endetter comme les autres, elle est la première à sombrer, mais ne traitez pas la Grèce comme un cas particulier... la Grèce, c’est la France ! Nous sommes tous grecs ! Et je vous prédis la suite, parce que ce n’est pas fini, nous sommes en train de régresser. (...) quand nous serons à poil, ce sera trop tard, malgré tout ce que nos parents ont mis en place pour que nous puissions nous défendre »
On retrouve là, la métaphore de la grenouille dans la marmite : elle sent la température s’élever, et elle éprouve du plaisir, puis la température continuant de s’élever, elle n’aura plus la force de sortir de l’eau, et finira par périr, complètement cuite....
« quand ce sont les mêmes personnes qui vous ont endetté jusqu’au dernier degré qui poussent des cris d’orfraie pour prétendre que l’urgence est au désendettement, et si vous n’êtes pas complètement idiots, vous allez faire le lien entre le gars qui vous a endetté, et le gars qui est en train de vous dire, maintenant il faut se désendetter (...) il m’a endetté en baissant les impôts des riches, et il essaye de me faire croire qu’il va me désendetter en augmentant les impôts des pauvres. (...) Le bout de la logique du capitalisme, c’est Dachau, Auschwitz, c’est le camp de concentration, elle va jusqu’au bout de sa logique du profit, si vous ne lui résistez pas, elle finira par vous faire travailler pour rien, et quand vous serez morts, c’est pas grave, il y a d’autres fourmis qui arrivent derrière par trains »..
Il fait donc un parallèle osé entre les entreprises, et les camps de concentration : « quelqu’un qui sortirait d’un camp de concentration, et qui verrait la vie des entreprises, il penserait, c’est la même logique, c’est le même mépris humain, c’est la même mécanique qui tue, et qui asservit ». lien
En effet, en Allemagne, (et bientôt probablement bientôt chez nous), le gouvernement, avec les lois socio-libérales Hartz a fait passer le chômeur de la case chômage à la case misère, obligé qu’il est d’accepter des travaux parfois incompatibles avec sa formation, et pour des prix défiant toute concurrence...
1,4 million d’allemands ont accepté un salaire de moins de 5 € l’heure. lien
Les français vont-ils accepter ça ? Nous seront bientôt fixés, mais apparemment, ils ne sont pas nombreux à voir ça d’un bon œil...

Comme dit mon vieil ami africain : « qui mendie en silence, meurt de faim en silence ».


agoravox.fr

Aucun commentaire: