Si jamais, si jamais je mourrais sans
mourir, je demanderais à Dieu une rivière, un lac, une canne à pêche, et
un grand ciel bleu, des mots, des pinceaux, et des rires d’oiseaux.
Je trouverais une femme, au hasard d’un
arbre sans pomme, et j’aurais des yeux grands comme toutes les questions
du monde. Le temps n’existerait pas, et nous serions luisants, quasi
translucides comme cette eau de rivière qui bruisserait à longueur de
jour,longueur de nuit. Nous passerions nos jours à nous amourer, à
marcher, à cueillir des toiles-papillons aux vols fous. Il n’y aurait ni
bitume, ni auto, ni gens de misères, ni calculateurs frigidaire, et
menteurs d’affaires. Notre maison aurait des siècles, et la chaleur
viendrait de nos respirs.
De temps en temps, sans temps, la pluie
viendrait faire un tour pour éponger la soif des sols et la nôtre. Les
eaux feraient de tricots d’eau en contournant les grosses pierres ayant
émergées des sables du sol. On y nagerait comme dans les ventres des
mères.
Nous aurions des enfants pour peupler une
terre, des enfants à l’âme de lumière, des enfants qui s’en iraient
ailleurs-ici, dans ce non espace, pour n’apprendre que vivre en amour
est déjà prier.
Photo : Eliora Bosquet : Eros et Thanatos ( L’amour et la mort)
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