jeudi 15 juin 2017

Tempête du Golfe dans un verre d'eau et de pétrole

Jacques-Marie Bourget             

Dans le torrent de promesses, souvent contradictoires, généré par un Donald Trump alors en campagne, aucun n’a suffisamment noté ses diatribes contre les Frères Musulmans. Philippiques lancées par le candidat mais susurrée à son oreille par le diable Stephen Bannon, son conseiller intime, son pivot d’extrême droite.

En se délestant de l’encombrante amitié du Qatar, ce qu’il a fait le 5 juin dernier, le président américain ne faisait que tenir parole. S’il y a un endroit, et là c’est incontestable, qui aide soutien et encourage la Confrérie des Frères à conquérir le monde, c’est bien le pouvoir installé à Doha. En flétrissant le Qatar, Trump touchait les disciples d’Al-Banna en plein cœur.
Mais comme souvent, le nouveau maître de Washington, et de la planète, a oublié de lire ses fiches cuisine. Il ignorait qu’au Qatar, sur la base Al-Udaï aimablement mise à la disposition des Etats-Unis, onze mille militaires estampillés USA séjournent-là. Que depuis cette base gigantesque, jadis proposée à la France qui l’a refusée, les Américains envoient des aéronefs qui, au choix, bombardent la Syrie, l’Afghanistan ou l’Irak. Comment insulter un ami si précieux ? Certes, le Qatar n’est pas un vrai pays mais seulement une bouteille de gaz. Pour y changer le régime, envoyer une escouade de gardes-champêtres suffit ! Les Etats-Unis ont naguère donné leur feu vert à l’installation sur le trône de l’émir Hamad, puis c’est Washington encore qui a donné le top départ au même Hamad prié de laisser la place à son fils Tamin moins conquérant.
Lors du barnum qu’il a organisé pour son passage à Riyad, Trump a promis au roi Salman de mettre le Qatar au coin, on ne refuse rien à un homme qui vient de signer 800 milliards de contrats. Pour s’en convaincre il suffit de prendre l’exemple de Hollande qui, pour des promesses à 3 milliards, a failli – en remerciement – demander la nationalité saoudienne !
Reste que le Qatar a beau faire la grenouille, et se gonfler, contrairement à ce que propagent nos amis de la presse, ce n’est pas un « pays de 2,5 millions d’habitants », mais de 200 000 seulement, les autres sont des travailleurs étrangers, traités en esclaves, prisonniers dans des camps et qui ne sont pas plus citoyens que les migrants de la « jungle » de Calais sont français. Donc, après quarante-huit heures d’abandon de la part de Trump, le Qatar a fait l’objet d’un retour d’affection. Autre point de vue à ne pas négliger celui de Wall Street, qui a signalé au président soupe au lait que les banques américaines regorgeaient des dollars gaziers de Doha. Le Qatar et ses alliés sont donc priés de « s’entendre ».
Les brouilles entre le petit émirat et ses voisins, principalement le saoudien, sont courantes. C’est un jeu vieux comme l’histoire, quand, au XVIIIe siècle les gardiens de La Mecque ont chassé une tribu accusée de vol vers la péninsule voisine, qui deviendra le Qatar. Cette fois la querelle est plus sévère. Doha est même accusée de « pactiser avec l’Iran »… Comment faire autrement quand on a un puissant voisin, un vieil empire, avec lequel on partage la deuxième réserve de gaz naturel au monde ? La nouveauté est, enfin, que le Qatar est accusé pour ce qu’il est, de « soutenir le terrorisme ». La belle affaire ! Il y aura bientôt dix ans que tous les experts, les vrais et non ceux convoqués à la télévision pour un « C dans l’air », ont lancé l’alerte. Dans le vide et mieux encore puisque la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, et bien sûr le parrain américain, ont toujours trouvé ce petit pays en tous points remarquable, jusqu’à l’exonérer d’impôts.
Les faits sont documentés, du Mali à la Syrie, à l’Irak et jusqu’en Asie, le Qatar n’est pas avare de subventions au jihad. Pas avare pour donner refuge puisqu’à Doha, proche de la base Al-Udaï, et tout près aussi de la représentation israélienne – les relations entre l’émir et Tel-Aviv sont excellentes – on trouve des « ambassades » très rares. Comme celle des Talibans, des Tchétchènes, du FIS algérien, et le bureau des fous de Dieu libyens… parfois Doha leur demande seulement de ne pas faire flotter le drapeau du jihad sur le toit de « l’ambassade ».
Mais poutre et paille dans l’œil, les Saoudiens sont, en la matière, les derniers à pouvoir jeter à Doha la pierre qui lapide. Dix-sept des 19 individus impliqués dans les attentats du 11 Septembre 2001 étaient porteurs de passeports saoudiens ! Plus discret mais plus généreux encore, Riyad n’a cessé de financer le salafisme, le jihad mondial à sa façon. Sa plus fine fleur étant Oussama Ben Laden, pur produit du système et de la volonté royale. Un Ben Laden, alors conforté et financé pour aider les Etats-Unis à vaincre l’URSS en Afghanistan, avant qu’il ne soit utilisé à d’autres besognes nécessaires à l’Amérique.
Résumons. Un pays voyou, en expert, accuse un autre membre du gang d’être malhonnête…
Le Président des Etats-Unis applaudi, puis se ravise. Cette affaire n’est pas « Tempête du désert » mais « Tempête du Golfe », c’est-à-dire dans un verre d’eau. Après les jours de boycott mutuel, de déclarations haineuses, le printemps, si cher au Qatar, va revenir par l’entremise de l’arbitre, l’émir du Koweït.

Pour la France, l’essentiel reste que le pays, toujours ferme au sein d’une coalition d’où le Qatar est maintenant exclu, soit toujours membre de la si douce coalition qui détruit un peu plus le Yémen et son peuple, ainsi que Bahreïn…

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