Dans le torrent de promesses, souvent contradictoires, généré
par un Donald Trump alors en campagne, aucun n’a suffisamment noté ses
diatribes contre les Frères Musulmans. Philippiques lancées par le
candidat mais susurrée à son oreille par le diable Stephen Bannon, son
conseiller intime, son pivot d’extrême droite.
En se délestant de
l’encombrante amitié du Qatar, ce qu’il a fait le 5 juin dernier, le
président américain ne faisait que tenir parole. S’il y a un endroit, et
là c’est incontestable, qui aide soutien et encourage la Confrérie des
Frères à conquérir le monde, c’est bien le pouvoir installé à Doha. En
flétrissant le Qatar, Trump touchait les disciples d’Al-Banna en plein
cœur.
Mais comme souvent, le nouveau maître de Washington, et de la
planète, a oublié de lire ses fiches cuisine. Il ignorait qu’au Qatar,
sur la base Al-Udaï aimablement mise à la disposition des Etats-Unis,
onze mille militaires estampillés USA séjournent-là. Que depuis cette
base gigantesque, jadis proposée à la France qui l’a refusée, les
Américains envoient des aéronefs qui, au choix, bombardent la Syrie,
l’Afghanistan ou l’Irak. Comment insulter un ami si précieux ? Certes, le
Qatar n’est pas un vrai pays mais seulement une bouteille de gaz. Pour y
changer le régime, envoyer une escouade de gardes-champêtres suffit !
Les Etats-Unis ont naguère donné leur feu vert à l’installation sur le
trône de l’émir Hamad, puis c’est Washington encore qui a donné le top
départ au même Hamad prié de laisser la place à son fils Tamin moins
conquérant.
Lors du barnum qu’il a organisé pour son passage à Riyad, Trump a
promis au roi Salman de mettre le Qatar au coin, on ne refuse rien à un
homme qui vient de signer 800 milliards de contrats. Pour s’en
convaincre il suffit de prendre l’exemple de Hollande qui, pour des
promesses à 3 milliards, a failli – en remerciement – demander la
nationalité saoudienne !
Reste que le Qatar a beau faire la grenouille, et se gonfler,
contrairement à ce que propagent nos amis de la presse, ce n’est pas un
« pays de 2,5 millions d’habitants », mais de 200 000 seulement, les
autres sont des travailleurs étrangers, traités en esclaves, prisonniers
dans des camps et qui ne sont pas plus citoyens que les migrants de la
« jungle » de Calais sont français. Donc, après quarante-huit heures
d’abandon de la part de Trump, le Qatar a fait l’objet d’un retour
d’affection. Autre point de vue à ne pas négliger celui de Wall Street,
qui a signalé au président soupe au lait que les banques américaines
regorgeaient des dollars gaziers de Doha. Le Qatar et ses alliés sont
donc priés de « s’entendre ».
Les brouilles entre le petit émirat et ses voisins, principalement le
saoudien, sont courantes. C’est un jeu vieux comme l’histoire, quand,
au XVIIIe siècle les gardiens de La Mecque ont chassé une tribu accusée
de vol vers la péninsule voisine, qui deviendra le Qatar. Cette fois la
querelle est plus sévère. Doha est même accusée de « pactiser avec
l’Iran »… Comment faire autrement quand on a un puissant voisin, un
vieil empire, avec lequel on partage la deuxième réserve de gaz naturel
au monde ? La nouveauté est, enfin, que le Qatar est accusé pour ce
qu’il est, de « soutenir le terrorisme ». La belle affaire ! Il y aura
bientôt dix ans que tous les experts, les vrais et non ceux convoqués à
la télévision pour un « C dans l’air », ont lancé l’alerte. Dans le vide
et mieux encore puisque la France, la Grande Bretagne, l’Allemagne, et
bien sûr le parrain américain, ont toujours trouvé ce petit pays en tous
points remarquable, jusqu’à l’exonérer d’impôts.
Les faits sont documentés, du Mali à la Syrie, à l’Irak et jusqu’en
Asie, le Qatar n’est pas avare de subventions au jihad. Pas avare pour
donner refuge puisqu’à Doha, proche de la base Al-Udaï, et tout près
aussi de la représentation israélienne – les relations entre l’émir et
Tel-Aviv sont excellentes – on trouve des « ambassades » très rares.
Comme celle des Talibans, des Tchétchènes, du FIS algérien, et le bureau
des fous de Dieu libyens… parfois Doha leur demande seulement de ne pas
faire flotter le drapeau du jihad sur le toit de « l’ambassade ».
Mais poutre et paille dans l’œil, les Saoudiens sont, en la matière,
les derniers à pouvoir jeter à Doha la pierre qui lapide. Dix-sept des
19 individus impliqués dans les attentats du 11 Septembre 2001 étaient
porteurs de passeports saoudiens ! Plus discret mais plus généreux
encore, Riyad n’a cessé de financer le salafisme, le jihad mondial à sa
façon. Sa plus fine fleur étant Oussama Ben Laden, pur produit du
système et de la volonté royale. Un Ben Laden, alors conforté et financé
pour aider les Etats-Unis à vaincre l’URSS en Afghanistan, avant qu’il
ne soit utilisé à d’autres besognes nécessaires à l’Amérique.
Résumons. Un pays voyou, en expert, accuse un autre membre du gang
d’être malhonnête…
Le Président des Etats-Unis applaudi, puis se ravise.
Cette affaire n’est pas « Tempête du désert » mais « Tempête du Golfe »,
c’est-à-dire dans un verre d’eau. Après les jours de boycott mutuel, de
déclarations haineuses, le printemps, si cher au Qatar, va revenir par
l’entremise de l’arbitre, l’émir du Koweït.
Pour la France, l’essentiel
reste que le pays, toujours ferme au sein d’une coalition d’où le Qatar
est maintenant exclu, soit toujours membre de la si douce coalition qui
détruit un peu plus le Yémen et son peuple, ainsi que Bahreïn…
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