Le Parlement européen a voté à une très large majorité, le jeudi 1er juin, une nouvelle résolution
sur l’antisémitisme.
Il va sans dire que nous déplorons, une fois
encore, la singularisation de l’antisémitisme vis-à-vis des autres
formes de racisme. D’elles pas un mot, alors que, par exemple,
l’islamophobie sévit partout en Europe et que la rromophobie tue. Mais
il y a plus grave. À y regarder de plus près, ce n’est pas tant
d’antisémitisme que de limitation de la liberté de parole et de
criminalisation de la critique d’Israël qu’il s’agit.
La résolution, par le biais du paragraphe 2, fait sienne les critères
proposés par la très sioniste Alliance internationale de la mémoire de
l’holocauste (International Holocaust Remembrance Alliance, IHRA) pour
définir l’antisémitisme. Si celle-ci reconnaît que l’antisémitisme,
c’est la haine du Juif en tant que juif, le paramètre de la définition
ne s’arrête pas là. « Nier au peuple juif (sic) le droit à
l’autodétermination, en prétendant par exemple que l’existence de l’État
d’Israël est une entreprise raciste » relèverait de l’antisémitisme.
« Avoir deux poids deux mesures en demandant de l’Etat d’Israël un
comportement que l’on attend ni ne demande de n’importe quelle autre
nation démocratique (sic) [1] » ? Antisémitisme !
Le Royaume-Uni et l’Autriche ont récemment adopté cette définition,
et les effets catastrophiques n’ont pas tardé à se faire sentir. C’est
notamment sur cette base qu’a failli être annulée il y a une dizaine de
jours la Palestine Expo 2017 de Londres qui aura bien lieu début juillet [2].
En France aussi, la petite musique qui amalgame insidieusement la
moindre critique d’Israël et/ou du sionisme à de l’antisémitisme bat son
plein. Pas besoin de la définition de l’IHRA pour cela ! Et pourtant,
si le vote de cette résolution au Parlement européen n’a aucune valeur
juridique contraignante, il contribue à renforcer ce climat nauséabond
où la parole critique à l’encontre d’Israël est bâillonnée et
criminalisée. Ce vote, c’est une attaque sournoise contre la liberté
d’expression de la part de la seule institution démocratique de l’Union
européenne.
À l’exception notable de la Gauche unitaire européenne (GUE/NGL) et
des Verts, tous les groupes parlementaires ont écouté plus ou moins
religieusement les doléances des lobbies hyperactifs pro-israéliens – au
premier rang desquels, l’IHRA et le Congrès juif européen – qui ont
finalement réussi à obtenir gain de cause après une longue et coûteuse
bataille. Mais ne nous y trompons pas, cette résolution ne s’est pas
obtenue que sous la pression. Il s’agit d’un vote d’adhésion. Elle a été
approuvée à une large majorité comprenant une alliance pas si
hétéroclite qu’elle n’en a l’air au premier abord : de l’aile droite de
la social-démocratie à l’extrême droite souverainiste et antisémite,
tous, à de rares exceptions près, ont voté en faveur de la résolution.
Sans un accord idéologique tacite fondé sur une islamophobie plus ou
moins assumée et le choix stratégique néoconservateur du soutien
indéfectible à Israël, une telle alliance aurait été inconcevable. Il
suffit de prendre la peine de gratter le vernis des bonnes intentions de
cette résolution pour que se laisse apercevoir sa véritable raison
d’être, qui ne fait d’ailleurs que peu de cas de la situation des Juifs
en Europe. Il faut rappeler qu’il n’y a pas de politique d’état
antisémite en Europe, et que ce vote vise clairement à empêcher non pas
l’antisémitisme réel mais la critique politique légitime d’un État, de
sa politique et de son régime.
Le vote de cette résolution nous rappelle, qu’ici comme en Europe, le
droit à la critique d’Israël fait partie de la liberté d’expression
politique en général – un acquis aussi précieux que fragile qu’il nous
faut défendre à tout prix.
Notes
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