L’eau du robinet de notre chroniqueuse est de bonne qualité. Nonobstant la présence d’un mystérieux éthidimuron. Quid ?
Elle a cherché à savoir de quoi il s’agissait, plongeant dans les
méandres de la réglementation sur les produits chimiques. Résultat ? Mystère et boule de gomme.
Il y a quelques jours, j’ai trouvé dans ma boite aux lettres un dépliant de l’Agence régionale de santé (ARS),
qui doit régulièrement effectuer un bilan de la qualité de l’eau et en
informer la population. Plutôt bien fichu, des conclusions claires et
des visuels pour six critères : bactériologique, dureté, nitrates,
fluor, pesticides et autres. Je jette un œil et constate que tout va
bien, à l’exception d’un point : « La valeur maximale a été observée pour le paramètre : Éthidimuron. »
Fatalement, je n’ai aucune idée de ce que c’est, donc je tape le terme
dans mon moteur de recherche. Le début d’une petite épopée ubuesque.
Je trouve vite qu’il s’agit d’un herbicide qui fait partie des
polluants de l’environnement, et qu’il a notamment été utilisé jusqu’en
2000 par la SNCF pour désherber les voies de
chemin de fer. Je m’égare un peu dans un passionnant diaporama sur la
réduction de l’utilisation des herbicides à la SNCF,
puis reviens à mes recherches. Mais sortie de là, peu d’informations :
des liens vers le Lindane, où je ne retrouve nulle trace d’éthidimuron,
des liens vers des bases de données sécurisées auxquelles je n’ai pas
accès. Rien par mot clé sur Legifrance, rien sur la France agricole, rien sur Actu environnement, rien sur le site de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail).
Jusqu’à ce que je lui découvre un autre petit nom — désuet, impropre,
mais davantage utilisé : le sulfodiazole. Hormis une entrée
scrabblesque vers les mots en 12 lettres avec ADFU (3e résultat
Google), il semblerait que le sulfodiazole ait été retiré du marché en
France en 2002. Mais on le retrouve cette même année dans la liste des
substances actives qui ne sont pas inscrites en tant que substances
actives à l’annexe I de la directive 91/414/CEE
du Conseil du 15 juillet 1991 concernant la mise sur le marché des
produits phytopharmaceutiques, modifiée en dernier lieu par la
directive 2002/81/CE de la Commission, et notamment son article 8, paragraphe 2 selon le règlement (CE)
no 2076/2002 de la Commission du 20 novembre 2002 prolongeant la
période visée à l’article 8, paragraphe 2, de la directive 91/414/CEE
du Conseil et concernant la non-inclusion de certaines substances
actives à l’annexe I de cette directive, ainsi que le retrait des
autorisations relatives à des produits phytopharmaceutiques contenant
ces substances (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) (Version consolidée : 15/07/2014).
Il y a le français, ma langue maternelle, et puis il y a le français des institutions européennes
Vous n’avez rien compris ? Moi non plus.
Sérieusement, j’ai relu dix fois le rapport en ligne sur le site de la
Commission européenne, sans réussir à comprendre en définitive sur
quelle liste ce fichu sulfodiazole émarge, s’il est interdit ou non, et
depuis quand. Étonnant, non ? Il y a des
moments où on se dit que, franchement, l’information aux citoyens n’aide
pas à exercer son propre jugement. Google a beau systématiquement me
proposer de traduire les pages ouvertes, ça ne sert systématiquement à
rien. Le problème, c’est qu’il y a le français, ma langue maternelle, et
puis il y a le français des institutions européennes, et je me dis que
la francophonie a intégré un nouveau dialecte. Le problème, c’est que
très peu de personnes sont en capacité de le pratiquer.
Alors, bien sûr, j’aurais pu approfondir mes recherches, par exemple à partir de la nomenclature UICPA
(Union internationale de chimie pure et appliquée) qui pour
l’éthidimuron parle d’éthylsulfonyl, de thiadiazole et de diméthylurée.
Mais, comment dire ? En réalité, ce qui
m’importe dans cette aventure aqueuse, ce n’est pas finalement tant
l’éthidimuron que l’accès à l’information. L’objectif de transparence de
l’ARS est louable, le dépliant est simple et
pas mal fait, mais pourquoi diable ne pas indiquer un nom de substance
qui permette à tout le monde de savoir de quoi on parle ? Au moins, indiquer entre parenthèses : herbicide, interdit en France depuis 2003.
Car, finalement, l’éthidimuron a été retiré de la commercialisation,
et son utilisation interdite en 2003. Cela fait donc près de 14 ans que
ce produit n’est plus utilisé. Donc, soit il est très persistant soit
l’interdiction n’est pas respectée. Soit j’ai raté un onglet.
Corinne Morel Darleux est secrétaire nationale à l’écosocialisme du
Parti de gauche et conseillère régionale Auvergne - Rhône-Alpes.
Les petits pois sont rouges
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