mercredi 2 août 2017

Hébron, la ville où l’essence de l’apartheid israélien éclate au grand jour

Gidéon Levy           

L’apartheid israélien en résumé, exposant au grand jour ses entrailles immondes : c’est Hébron.
Gideon Levy, “le journaliste le plus haï d’Israël”, et Yehuda Shaul, co-fondateur de “Breaking the silence” témoignent.
Gideon Levy : 

“Si vous voulez voir l’apartheid israélien en résumé, allez à Hébron. Il n’y pas d’endroit où l’on puisse voir avec une telle clarté éclatante toute une communauté expulsée des maisons de ses ancêtres, des milliers de personnes chassées de leurs magasins… Vous y verrez une ville fantôme où ne vivent pratiquement plus que des Juifs, après que tous les Palestiniens ont été obligés de fuir à cause des menaces qui pesaient sur eux, de la violence dont ils ont été la cible, … et à cause de l’armée.
Vous verrez des rues dans lesquelles seuls les Juifs ont le droit d’aller, et des routes réservées aux propriétaires juifs. Qu’est-ce que c’est, si ce n’est pas de l’apartheid ?”

Yehuda Shaul connaît bien ces rues, il est un ancien sergent de l’armée israélienne qui a [pendant son service militaire obligatoire] été en garnison à Hébron et y a patrouillé la nuit. Il témoigne que les ordres qu’il recevait étaient clairs : détruire la vie des Palestiniens de toutes les manières possibles.
“L’idée était théoriquement que j’étais supposé protéger la vie de ceux qui vivent ici. Mais comme soldats sur le terrain c’était en fait tout différent. On nous disait que nous étions là pour protéger les colons. Si on voit un colon qui agresse un Palestinien, c’est pas notre affaire, c’est le boulot de la police israélienne. Donc, je me trouvais à un poste de garde, et devant mes yeux j’ai vu des douzaines de fois des colons jeter des pierres, briser des fenêtres, battre des gens, arracher les lignes électriques des maisons palestiniennes… et les ordres étaient de ne rien faire.
On devait aussi faire en sorte que les Palestiniens aient la sensation que l’armée est présente partout et tout le temps, pour qu’ils aient trop peur pour attaquer. Donc on devait faire sentir notre présence. Il y avait trois patrouilles dont le boulot était de faire sentir notre présence.
La patrouille de nuit, de 22 heures à 6 heures du matin, choisissait une maison au hasard. Le sergent qui conduit la patrouille – donc moi-même dans certains cas – fait irruption dans la maison et réveille la famille qui y vit. On sépare les hommes et les femmes, et on fouille tout. Je vous laisse imaginer ce que ça donne quand une patrouille militaire se rue dans votre maison à deux heures du matin. Ils entrent, ils sortent, il vont dans la rue, frappent aux portes, font un maximum de bruit, vont à la maison suivante et réveillent une autre famille. Et c’est à cela qu’ils passent principalement la nuit.
Mon officier de compagnie adjoint a balancé une grenade lacrymogène sur un enfant palestinien qui pouvait avoir 3 ou 4 ans, qui se trouvait sur un balcon en train de manger de la pastèque, en prétendant que cet enfant était là pour réunir des informations sur les opérations de l’armée. Ce gamin était haut comme 3 pommes [geste]. 
Il y avait une compétition entre cet officier et un opérateur radio, pour savoir qui parviendrait le premier à tirer deux grenades lacrymogènes dans la maison d’une famille palestinienne pendant qu’elle se trouvait à l’intérieur après l’heure du couvre-feu et ne pouvait donc pas sortir. Un sergent de ma compagnie a tué un jeune Palestinien en lui tirant une balle enrobée de caoutchouc en plein visage à dix mètres de distance. ”

Traduction de la vidéo : Luc Delval

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