Le pactole colossal versé par le Qatar pour « acheter » Neymar
(reconnaissons que dans le domaine du sport-spectacle, le langage
esclavagiste du capital est totalement décomplexé !) vise surtout à
permettre à la pétromonarchie suspecte de financer l’extrémisme
religieux de se refaire une virginité internationale sous le masque du
plus grand club « parisien ».
N’empêche : du point de vue socio-économique, l’ « achat » de Neymar
et le « salaire » énorme qui va lui être versé, sans compter les
retombées des produits dérivés, est une vraie gifle pour les cinq
millions de chômeurs, pour les millions de précaires, pour les
« travailleurs pauvres » et pour les dix millions d’individus qui vivent
en France sous le seuil de pauvreté. Surtout quand de surcroît, le
gouvernement euro-macronien ne sait plus quoi faire pour raboter les
acquis sociaux, bloquer les salaires, détruire les services publics,
diminuer les pensions et complaire au MEDEF…
Cela dit, disons tout net que la dénonciation médiatique unilatérale
de Neymar et des très hauts revenus pseudo-salariaux dans le domaine du
sport ne saurait être notre « tasse de thé ». Quand les actionnaires du
CAC-40 en arrivent à ne plus payer d’impôts en France alors qu’ils se
gavent de privatisations, de cadeaux fiscaux, de sous-traitance
esclavagiste et de délocalisations ravageuses, quand Carlos Ghone
détourne à son profit une part non négligeable de la plus-value produite
à grand peine par les ouvriers de Renault, quand les 280 000 foyers
français les plus riches se gaveront cette année (en moyenne) de 15 000
euros de cadeaux fiscaux nouveaux offerts par Macron, alors que les
étudiants titulaires d’APL verront raboter leur maigre allocation, la
question centrale en France reste bien celle du rapport capital/travail
en général : en clair, celle de l’exploitation, voire de la
surexploitation capitaliste des ouvriers, des employés, des techniciens,
des cadres moyens, des ingénieurs, des petits et moyens fonctionnaires,
des chercheurs, mais aussi celle des paysans, des artisans, des
travailleurs « ubérisés », des prétendus « auto-entrepreneurs » et de
tous ceux qui mesurent encore mal à quel point leur sort réel les
rattache au monde prolétarien…
L’indigne marchandisation des sportifs, avec toutes les dérives qui
sont à l’arrière-plan sur le plan biomédical et pharmaceutique
(avons-nous déjà oublié Armstrong et croyons-nous une seconde que le
foot soit plus propre que le cyclisme ?) doit donc être comprise sous
cet angle : non pas comme un moyen de couper court à la mise en
accusation de l’aberrant et suicidaire mode de production capitaliste,
mais comme un symptôme supplémentaire de l’insulte permanente à la
dignité humaine que représente à notre époque ce système grossièrement
prédateur où l’on vend de l’homme comme on vend des gadgets ou des clés
de douze !
On peut évidemment comprendre l’attachement de millions de gens à
« leur » club, qui reste parfois le seul ancrage visible pour leur
identité collective mise à mal : quand le capital broie les hommes, les
langues nationales, les pays, la mémoire des luttes, la conscience de
classe – souvent avec la complicité honteuse d’organisations qui sont
censées les promouvoir ! – faut-il s’étonner que certains concitoyens en
arrivent à ne plus se vivre en « nous » qu’à travers le « maillot »
d’un club professionnel… Alors même que ni les joueurs, ni l’entraîneur
(pardon : le « coach »), ni les capitaux ne sont du crû et qu’en
conséquence, investir ledit club d’une fonction de porte-drapeau
identitaire et « local » est une pure fiction. Qu’est-ce au final que le
PSG a de « parisien », l’OL de « lyonnais », l’OM de « marseillais »,
si ce n’est – et encore ? – leurs tiroirs-caisses respectifs ? Ainsi va
l’ « identité » par gros temps néolibéral…
Mais ce n’est pas ces millions de supporteurs, au comportement la
plupart du temps très « bon enfant », qu’il faut accabler de mépris
alors que, avouons-le, bien des intellectuels qui méprisent le foot, ont
leur armoire « identitaire » pleine d’idoles (européistes, bellicistes,
anticommunistes, antimarxistes, technomaniaques…) qui sont souvent bien
plus dangereuses pour la paix et pour la planète !
Et si on convertissait toute l’énergie négative que les médias
veulent nous faire déverser sur Neymar, en énergie positive et
revendicative pour que l’EPS, parente pauvre de la contre-réforme du
collège, dispose à nouveau de la considération et des moyens nécessaires
pour favoriser l’accès de millions de jeunes à des formations physiques
et sportives de qualité, effectuées dans un esprit d’ouverture aux
autres, de refus du chauvinisme et de lien structurant avec toutes les
autres disciplines qui forment la culture humaine « en marche » ?
Initiative Communiste
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