Le jour du dépassement a eu lieu cette année le 2 août. Nous avons voulu le marquer d’une pierre blanche en demandant à Loïc Prudhomme de poser une question d’actualité
publique au gouvernement. Les conséquences de cette situation sont
incommensurables.
Déjà on perçoit qu’il existe un impact du changement
climatique sur notre vie et sur la nature qui nous entoure. Par exemple,
mes amis vignerons me disent que la vendange de cette année sera le
millésime le plus précoce de tous les temps. Aussi, le manque d’eau,
l’assèchement des sols, la dessiccation des feuillages, tout concourt,
comme on le sait, à l’éclatement, de multiples incendies plus nombreux
et plus dévastateurs que jamais.
Ces causes ont peut-être un remède comme on le sait, si nous sommes
capables de changer à temps notre mode de production, d’échange et de
consommation. L’avancement au 2 août de la date d’entrée en dette de la
planète, venant après tant d’autres signaux d’alerte sans effet, font
douter que quoi que ce soit puisse changer avant qu’une catastrophe
décisive impose le changement. Un groupe de chercheurs vient d’établir
que nous n’avons plus que 5% de chances d’échapper à une progression de
plus de deux degrés du réchauffement climatique. Autant dire aucune.
L’important est d’analyser l’impact d’une situation dans le contexte
politique ou économique qu’elle rencontre. Par exemple, on ne saurait
limiter la compréhension de ce qui se passe avec la multiplication des
incendies de forêt, dans le sud du pays et de l’Europe, aux seuls
aspects climatiques qui en sont la cause profonde ou facilitatrice.
D’autres causes sont à l’œuvre. Elles nous rappellent le prix à payer
pour les politiques d’austérité et de destruction des services publics.
Les feux démarrent d’autant plus facilement qu’il n’y a aucune politique
de gestion sérieuse de la forêt qui se préoccupe d’y pratiquer des
éclaircies et des ramassages de broussailles. Les feux se propagent
d’autant plus rapidement que les moyens manquent de les empêcher de le
faire.
En 10 ans, de 2005 à 2015, il y aura eu 5500 sapeurs-pompiers de
moins professionnel ou volontaire. Les moyens alloués aux services
départementaux d’incendie et de secours sont passés de 83 € par habitant
à 81 €. 2200 centres de secours ont été fermés. Pourtant dans la même
période, les interventions des sapeurs-pompiers ont augmenté de 21 %.
Voilà pour les effectifs affectés à cette tâche. Pour le matériel
utilisé c’est tout aussi désolant. Depuis 2010 les dépenses
d’investissement matériel ont baissé de 26 %. Selon la fédération
nationale des sapeurs-pompiers de France : « deux tiers des camions
spécialisés feux de forêt ne sont plus aux normes modernes et ne
contribuent pas à une sécurité optimale pour les équipes engagées. »
On a lu aussi un peu partout que quatre Canadair de la flotte des
bombardiers d’eau sont restés cloués au sol par défaut de maintenance.
Il est important de rappeler que la maintenance des Canadairs français a
été placée sous la responsabilité d’une société privée, Sabrena
Technics. On voit que l’incurie est aussi une vertu du privé. Et il est
indispensable de rappeler que cette concession de service est faite dans
le cadre d’un de ces coûteux et inutiles partenariat public-privé qui
étaient, paraît-il, la combinaison miraculeuse de notre époque. Enfin,
mais ce n’est plus qu’un détail, signalons que cet accord lamentable a
été signé par Jean-Yves le Drian, l’homme à la veste retournée.
Cette situation globalement désastreuse a été dénoncée à de
nombreuses reprises par les organisations syndicales professionnelles et
par nombre d’élus. Le programme « L’Avenir en commun » de la France
insoumise a décliné dans un de ses livrets
les mesures à prendre pour traiter la forêt en tant que secteur
économique décisif. Mais il s’est surtout attaché à décrire comment
mettre l’objectif économique en relation harmonieuse avec l’exigence de
protéger et d’étendre la réserve de biomasse sylvestre.
Rien de tout cela n’est entendu. Les libéraux continuent à décider de
tout et surtout les sujets avec la même métaphysique aveuglée qui
attribue des fonctions magiques de régulation des activités de l’homme,
comme celle de la nature, par « le marché » et sa main invisible, cette
fumisterie. À mes yeux cette question des incendies est une illustration
tragique de la façon avec laquelle ce système économique se dirige vers
sa propre destruction en détruisant les racines mêmes de toute
activité.
Je ne voulais pas clore ce billet de fin de saison sans avoir trouvé
l’occasion de vous rappeler qu’en plus des motifs politiques, notre
temps est celui de l’imminence d’une nouvelle ère dans la vie de la
planète dans laquelle les êtres humains mettent en jeu leur existence en
tant qu’espèce.
Tiré de l'article " Penser après l'hémicycle "
Jean-Luc Mélenchon
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