Jean-Luc Mélenchon
Je fais le point sur cette étrange semaine. Est-ce celle où nous
avons perdu une bataille sur le Code du travail si mal conduite?
Puis,
je vais sur des enjeux qui ont retenu mon attention et le besoin de
mettre mes idées au net, le crayon à la main. Et au milieu de tout ça,
je suis allé à GE Hydraulique à Grenoble où l’on m’avait demandé de
venir soutenir la lutte, puis aux Baumettes à Marseille. Et mardi, j’ai
prononcé un discours à la tribune de l’assemblée nationale sur la construction européenne.
Comme tout cela est disponible en vidéo
ou texte ou reportage sur Facebook, je n’en surcharge pas ces lignes
déjà si longues. Et je garde pour moi quelques autres épisodes du
chemin. Et parmi eux, le moment si douloureux des funérailles de mon
très cher Alain Billon, mercredi 11 octobre au cimetière de
Saint-Maur-des-fossés. Dimanche je m’exprimais au Grand Jury de RTL.
Puis, je conclus ces lignes après avoir failli mourir d’ennui en
écoutant le président de la République sur TF1. Ma semaine a été longue
comme pour beaucoup d’entre vous. Mais je n’ai pas aimé son ambiance
incertaine politiquement après le bien petit résultat de la réunion
syndicale unitaire.
Des hauts et des bas de l'humeur politique
Cette
semaine aura été celle des hauts et des bas de l’humeur politique.
Rappelons que nous sommes toujours dans la bataille à propos des
ordonnances sur le code du travail. La semaine précédente avait vu le
front du refus syndical s’élargir de façon spectaculaire avec l’entrée
en opposition de Force Ouvrière puis le rendez-vous unitaire au siège de
la CGT. Nous pensions tenir l’occasion de voir le mouvement social se
reprendre en main face à l’adversaire. Le 23 septembre, dans mon discours place de la République,
j’avais dit que nous demandions aux syndicats de prendre l’initiative
et que nous nous placerions à leur suite. L’idée était de réduire le
niveau de tension créé par les remarques acides du secrétaire général de
la CGT et de celui de FO. Nous voulions aussi stopper d’un coup la
grosse campagne selon laquelle nous serions en compétition pour diriger
la lutte. Bref, nous avons passé la main de la conduite du combat pour
faciliter son déroulement et surtout son élargissement. La suite a été
bien décevante.
Car de ce leadership, que sort-il ? Fort peu. À vrai dire : rien. La
réunion syndicale unitaire a convoqué une autre réunion unitaire pour «
envisager une journée d’action en novembre ». Pendant ce temps, les
corporations, abandonnées à elles-mêmes, négocient séparément. Les plus
puissantes obtiennent des résultats spectaculaires. Ainsi les routiers
et les dockers. Leurs acquis confirment notre procès contre ces
ordonnances. Ils obtiennent que l’accord de branche s’impose à l’accord
d’entreprise ! Mais toutes les autres professions où le rapport de force
est plus difficile à construire et où le niveau d’organisation n’est
pas le même, restent clouées au sol. Tout semble se dessiner pour une
défaite du mouvement ouvrier traditionnel. Elle sera sans précédent. La
situation du droit dans l’entreprise sera ramenée des décennies en
arrière. La représentation salariale amoindrie, le contrat de travail
réduit à une peau de chagrin et son contenu contractuel quasi réduit aux
obligations du salarié et au bon plaisir de l’employeur. En tout état
de cause, le renversement de la hiérarchie des normes et l’abandon du
principe de faveur sont des évènements considérables. Car le Code du
travail est le cœur de l’organisation des rapports sociaux de
production.
De son côté, le groupe parlementaire « La France insoumise » continue
ses rencontres bilatérales en vue d’une large action commune de tout le
champ impliqué dans cette lutte. Il est clair que les confédérations
CGT, FO et CFDT n’en veulent pas. Pour l’instant, la probabilité de la
victoire de Macron par KO sur ces ordonnances augmente d’un bon cran. Et
cela alors que les conditions semblaient s’être considérablement
dégradées pour lui. Pour nous ce doit être un sujet de réflexion
approfondie. Le « vieux monde » impuissant à vouloir et à changer quoi
que ce soit, ce n’est peut-être pas qu’un thème politique. Les
directions des corps intermédiaires peuvent-elles être autre chose que
des rouages à l’intérieur d’une réalité qui fonctionne comme un bloc ?
Je demande que l’on réalise la violence de ce que nous sommes en
train de subir, pieds et poings liés. Et l’ampleur de la défaite qui se
dessine sous nos yeux. Mieux que Reagan, plus vite que Thatcher, mieux
que Blair, avec un seul texte et en quatre mois, Emmanuel Macron va-t-il
renverser cent ans de compromis social ? Et il ne faudrait pas en tirer
des conclusions ?
En tous cas après avoir tenu son poste de combat sans
faiblir, «la France insoumise» ne doit se résigner d’aucune façon.
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