mercredi 18 octobre 2017

La semaine perplexe


Jean-Luc Mélenchon

Je fais le point sur cette étrange semaine. Est-ce celle où nous avons perdu une bataille sur le Code du travail si mal conduite? 

Puis, je vais sur des enjeux qui ont retenu mon attention et le besoin de mettre mes idées au net, le crayon à la main. Et au milieu de tout ça, je suis allé à GE Hydraulique à Grenoble où l’on m’avait demandé de venir soutenir la lutte, puis aux Baumettes à Marseille. Et mardi, j’ai prononcé un discours à la tribune de l’assemblée nationale sur la construction européenne.
Comme tout cela est disponible en vidéo ou texte ou reportage sur Facebook, je n’en surcharge pas ces lignes déjà si longues. Et je garde pour moi quelques autres épisodes du chemin. Et parmi eux, le moment si douloureux des funérailles de mon très cher Alain Billon, mercredi 11 octobre au cimetière de Saint-Maur-des-fossés. Dimanche je m’exprimais au Grand Jury de RTL. Puis, je conclus ces lignes après avoir failli mourir d’ennui en écoutant le président de la République sur TF1. Ma semaine a été longue comme pour beaucoup d’entre vous. Mais je n’ai pas aimé son ambiance incertaine politiquement après le bien petit résultat de la réunion syndicale unitaire.

Des hauts et des bas de l'humeur politique 
 
Cette semaine aura été celle des hauts et des bas de l’humeur politique. Rappelons que nous sommes toujours dans la bataille à propos des ordonnances sur le code du travail. La semaine précédente avait vu le front du refus syndical s’élargir de façon spectaculaire avec l’entrée en opposition de Force Ouvrière puis le rendez-vous unitaire au siège de la CGT. Nous pensions tenir l’occasion de voir le mouvement social se reprendre en main face à l’adversaire. Le 23 septembre, dans mon discours place de la République, j’avais dit que nous demandions aux syndicats de prendre l’initiative et que nous nous placerions à leur suite. L’idée était de réduire le niveau de tension créé par les remarques acides du secrétaire général de la CGT et de celui de FO. Nous voulions aussi stopper d’un coup la grosse campagne selon laquelle nous serions en compétition pour diriger la lutte. Bref, nous avons passé la main de la conduite du combat pour faciliter son déroulement et surtout son élargissement. La suite a été bien décevante.
Car de ce leadership, que sort-il ? Fort peu. À vrai dire : rien. La réunion syndicale unitaire a convoqué une autre réunion unitaire pour « envisager une journée d’action en novembre ». Pendant ce temps, les corporations, abandonnées à elles-mêmes, négocient séparément. Les plus puissantes obtiennent des résultats spectaculaires. Ainsi les routiers et les dockers. Leurs acquis confirment notre procès contre ces ordonnances. Ils obtiennent que l’accord de branche s’impose à l’accord d’entreprise ! Mais toutes les autres professions où le rapport de force est plus difficile à construire et où le niveau d’organisation n’est pas le même, restent clouées au sol. Tout semble se dessiner pour une défaite du mouvement ouvrier traditionnel. Elle sera sans précédent. La situation du droit dans l’entreprise sera ramenée des décennies en arrière. La représentation salariale amoindrie, le contrat de travail réduit à une peau de chagrin et son contenu contractuel quasi réduit aux obligations du salarié et au bon plaisir de l’employeur. En tout état de cause, le renversement de la hiérarchie des normes et l’abandon du principe de faveur sont des évènements considérables. Car le Code du travail est le cœur de l’organisation des rapports sociaux de production.
De son côté, le groupe parlementaire « La France insoumise » continue ses rencontres bilatérales en vue d’une large action commune de tout le champ impliqué dans cette lutte. Il est clair que les confédérations CGT, FO et CFDT n’en veulent pas. Pour l’instant, la probabilité de la victoire de Macron par KO sur ces ordonnances augmente d’un bon cran. Et cela alors que les conditions semblaient s’être considérablement dégradées pour lui. Pour nous ce doit être un sujet de réflexion approfondie. Le « vieux monde » impuissant à vouloir et à changer quoi que ce soit, ce n’est peut-être pas qu’un thème politique. Les directions des corps intermédiaires peuvent-elles être autre chose que des rouages à l’intérieur d’une réalité qui fonctionne comme un bloc ?
Je demande que l’on réalise la violence de ce que nous sommes en train de subir, pieds et poings liés. Et l’ampleur de la défaite qui se dessine sous nos yeux. Mieux que Reagan, plus vite que Thatcher, mieux que Blair, avec un seul texte et en quatre mois, Emmanuel Macron va-t-il renverser cent ans de compromis social ? Et il ne faudrait pas en tirer des conclusions ?

En tous cas après avoir tenu son poste de combat sans faiblir, «la France insoumise» ne doit se résigner d’aucune façon.

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