François Cocq
M. Macron ne supporte décidément pas l’altérité. Hors sa personne et
ses idées, rien ne saurait exister.
Ainsi, au moment même où Jean-Luc
Mélenchon prononçait à la tribune de l’Assemblée nationale un discours
sur l’Europe qui fera date, le Président de la République tentait de
faire diversion en annonçant qu’il ferait reconnaître par la France le
drapeau européen lors du prochain conseil européen des 19 et 20 octobre
prochains.
Il ne faut pas s’y tromper : il s’agit bien là d’une provocation à
l’endroit de Jean-Luc Mélenchon dont le Président ne se cache pas : « Au
moment où certains en France ont des débats où on se rétrécit et
voudraient enlever le drapeau européen, je veux vous dire que lors du
prochain Conseil européen, j’affirmerai officiellement que la France
reconnaît le statut de l’hymne européen et du drapeau européen, ce qui
ne permettra pas à certains d’enlever le drapeau européen de l’hémicycle
français ou de tout autre lieu ».
En choisissant le moment même où Jean-Luc Mélenchon prononçait son
discours, M. Macron cherche clairement à faire diversion pour ne pas
avoir à répondre sur le fond. On comprend que M. Macron craigne que le
transfert de souveraineté qu’il réclame (« Pour la France, le lieu
où construire les outils de notre puissance et apporter la juste réponse
aux défis qui se présentent, le lieu de notre souveraineté aujourd’hui,
c’est l’Europe », discours aux ambassadeurs le 25 août) fasse peu
de sens là où Jean-Luc Mélenchon a notamment rappelé la définition
historique de la souveraineté, « l’autorité sans partage d’un groupe
sur la population qui le compose et le territoire qu’il occupe et la
légitimité de cette autorité sans partage, c’est la démocratie », pour mieux la remettre dans les mains du peuple puisque « c’est parce que la Loi est votée par tous qu’elle s’applique à tous. Il n’y a donc de souveraineté que dans le peuple » qui incarne « la
puissance de la France qui est liée à la souveraineté de son peuple et
pas à son commerce extérieur ou à ses échanges commerciaux ». M. Macron préfère donc créer une polémique médiatique pour court-circuiter le débat et éteindre la voix de Jean-Luc Mélenchon.
La méthode est médiocre. Et bien peu démocratique si l’on y jette un
oeil. M. Macron s’apprête en effet à décider seul dans son coin, comme
il s’en vante dans ses propos (« j’affirmerai officiellement que la France reconnaît le statut de l’hymne européen et du drapeau européen »),
de ce que la Franc juge bon de reconnaître ou non quand, en termes de
méthode, la France Insoumise avait au contraire proposé un amendement à
l’Assemblée nationale pour permettre le débat sur la place du drapeau
européen, chargé historiquement et religieusement, au sein de
l’hémicycle.
La méthode est aussi bien peu convenable. Une fois encore, c’est
depuis l’étranger, cette fois Francfort, que M. Macron fait des annonces
qui concernent notre pays. Les Françaises et les Français mériteraient
au moins que ce soit à eux que le Président fasse l’annonce d’un drapeau
et d’un hymne qu’ils sont sensés reconnaître.
La méthode est enfin brutale. C’est dans moins de 10 jours que M.
Macron entend imposer ces codes nouveaux chargés symboliquement et
politiquement. Ce faisant, il cherche à étouffer le débat. Nous aurons
pourtant l’occasion de lui rappeler dans les jours à venir pourquoi
seulement 16 des 28 pays de l’Union ont reconnu drapeau et hymne
européen, que cette reconnaissance a pris la forme de la signature d’une
déclaration annexée au traité de Lisbonne qui était un coup de force
institutionnel de l’Union européen contre les peuples qui avaient rejeté
le traité constitutionnel européen (TCE) trois ans auparavant. Nous lui
rappellerons une fois encore le signifié du drapeau européen, de la
vierge Marie et de ses étoiles. Et nous reviendrons sur la place
centrale de la souveraineté populaire dont M. Macron fait décidément
bien peu de cas lorsqu’il s’agit de donner des gages à ses amis de
l’oligarchie bruxelloise.
L’urgence est-elle à une telle reconnaissance quand le pays s’est
prononcé comme il l’a fait lors de la présidentielle ? Autant par ses
provocations que par son refus du débat argumenté pour chercher une
sortie apaisée et utile pour le pays, M. Macron est un facteur de
déséquilibre. Il feint l’affrontement sur la forme pour mieux se
soustraire au débat sur le fond. Dans ces conditions, c’est le peuple et
c’est La France qui payent le prix de son comportement de matamore.
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