Victor Ayoli
- T’as vu Victor, on a un ministre de l’éducation nationale qui est
du métier et qui veut apprendre aux minots à lire, à écrire, à compter !
Tu crois que ça va faire trembler le mammouth ?
- Difficile… D’autres s’y sont cassé les dents. Souhaitons-lui bon
courage. Il publie ce jeudi quatre circulaires et signe un guide très
précis à destination des professeurs. Objectif : améliorer le niveau en
lecture et en écriture. Pour cela, il veut imposer la méthode des
« quarts d’heure » : 15 minutes de lecture, 15 minutes de calcul mental,
une dictée de 15 minutes chaque jour.
- Ben il n’a pas inventé grand-chose le Blanquer, quand j’usais mes
fonds de calbar sur les bancs de la Communale, le maître nous faisait
chaque jour lire, calculer avec notre cigare et on se farcissait la
dictée !
- Et ça ne t’a pas rendu plus kon pour autant, Loulle ! L’école des
hussards de république a éduqué, instruit, unifié la France et, cerise
sur le gâteau, en ouvrant l’esprit des gamins, elle a permis de
repousser l’obscurantisme religieux. Hélas, l’école actuelle
« moderne », « ouverte », qui « met l’enfant au centre » fabrique des
ignorants. Il est vrai que dans son volet néolibéral, l’école évacue
progressivement la culture générale – les « humanités » – pour y
substituer l’acquisition de « compétences » parcellaires censées
répondre aux besoins du marché. L’enfant-roi a engendré
l’élève-dictateur.
- Et surtout l’élève « côtes-en-long » ! Il ne faut pas le traumatiser ce pauvre petit. Comme si le savoir venait tout seul…
- Eh oui Loulle., ce fameux « savoir », il s’agit de le faire émerger
dans la conscience de l’enfant, sans le contraindre, comme si le savoir
préexistait à son apprentissage par l’élève !
- Si tu veux « savoir » il faut faire travailler les boyaux de la
tête. Y a pas de miracle. Lire, écrire, compter. Lire surtout. Lire. Un
livre est du savoir en conserve ! Encore faut-il savoir lire… Et il
paraît que 25 % des élèves qui entrent en sixième ne savent pas lire
correctement. Qu’est-ce que tu veux apprendre si t’as pas les outils de
base !
- Eh ! Loulle, c’est minots paient les fantaisies de toutes ces
« réformes » de l’enseignement – il y en a eu autant que de ministres de
l’éducation – qui ont imposés les « méthodes globales », les « mots
outils » plutôt que le bon vieux b a ba de la méthode syllabique. Mais
Blanquer veut y mettre bon ordre. Il a dit : « Entre quelque chose qui
ne marche pas – la méthode globale – et quelque chose qui fonctionne –
la syllabique - il ne peut y avoir de « compromis » mixte. Ce sujet ne
relève pas de l’opinion, mais de faits démontrés par la recherche.
C’est très clair, et j’aimerais vraiment que ce débat soit une fois
pour toutes derrière nous. » Encore faudra-il impose ça au mammouth… Il
veut également réintroduire la bonne vieille grammaire. Il serait temps.
Les enfants ont besoin d’apprendre comment s’articule notre langue -
c’est la grammaire - et de connaître les mots précis qui expriment une
idée ou décrivent un paysage, une situation – c’est le vocabulaire.
- Parait que dans certaines classes, ils apprennent le français en
étudiant les textes des rappeurs et les modes d’emploi des appareils
ménagers…
- Hélas ! C’est peut-être vrai dans quelques établissements
« populaires » - dans l’acception péjorative de ce beau mot – mais pas
au lycée Henri IV, Loulle… La pédagogie est une clé majeure de lutte
contre les inégalités sociales.
- J’ai lu que Blanquer avait renvoyé à la poubelle un truc effarant qu’ils appelaient le « prédicat ». Qu’es aco Victor ?
- C’est un truc censé permettre "d’identifier les constituants d’une
phrase simple en relation avec sa cohérence sémantique". Parait que les
Québécois l’utilisent. C’est censé simplifier les accords de participes
passés, avec ces casse-tête des compléments d’objets directs placés
avant ou après, etc... Un sacré bordel, c’est vrai, mais facile une fois
qu’on en a compris le mécanisme. Eh ! C’est cette complexité qui fait la
beauté de la langue française, à cent lieues de l’anglais qui est du
« petit nègre ». Ce prédicat - qui détruit cinq siècles d’analyse
grammaticale - n’a pas eu beaucoup de succès. Blanquer fait œuvre utile.
- Mouais… Revenir à enseigner à compter, à lire, à écrire, c’est le bon sens.
- Mais lire et écrire quelle langue Loulle ? Si c’est celle des
« textos » ou des rappeurs, autant pisser dans un violon. On s’en
sortira en apprenant à tous les enfants la langue française dans ce
qu’elle a de plus abouti, de plus complexe, parce qu’on vous juge, en
France (et c’est un peu normal) en fonction de votre maîtrise du
langage. Du beau langage. Flaubert plutôt que La Fouine !
- Bonnes paroles. Allez, trinquons au « gai savoir » !
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