samedi 28 avril 2018

Blanquer et le Gai savoir !


Victor Ayoli

- T’as vu Victor, on a un ministre de l’éducation nationale qui est du métier et qui veut apprendre aux minots à lire, à écrire, à compter ! Tu crois que ça va faire trembler le mammouth ?

- Difficile… D’autres s’y sont cassé les dents. Souhaitons-lui bon courage. Il publie ce jeudi quatre circulaires et signe un guide très précis à destination des professeurs. Objectif : améliorer le niveau en lecture et en écriture. Pour cela, il veut imposer la méthode des « quarts d’heure  » : 15 minutes de lecture, 15 minutes de calcul mental, une dictée de 15 minutes chaque jour.
- Ben il n’a pas inventé grand-chose le Blanquer, quand j’usais mes fonds de calbar sur les bancs de la Communale, le maître nous faisait chaque jour lire, calculer avec notre cigare et on se farcissait la dictée !
- Et ça ne t’a pas rendu plus kon pour autant, Loulle ! L’école des hussards de république a éduqué, instruit, unifié la France et, cerise sur le gâteau, en ouvrant l’esprit des gamins, elle a permis de repousser l’obscurantisme religieux. Hélas, l’école actuelle « moderne », « ouverte », qui « met l’enfant au centre » fabrique des ignorants. Il est vrai que dans son volet néolibéral, l’école évacue progressivement la culture générale – les « humanités » – pour y substituer l’acquisition de « compétences » parcellaires censées répondre aux besoins du marché. L’enfant-roi a engendré l’élève-dictateur.
- Et surtout l’élève « côtes-en-long » ! Il ne faut pas le traumatiser ce pauvre petit. Comme si le savoir venait tout seul…
- Eh oui Loulle., ce fameux « savoir », il s’agit de le faire émerger dans la conscience de l’enfant, sans le contraindre, comme si le savoir préexistait à son apprentissage par l’élève !
- Si tu veux « savoir » il faut faire travailler les boyaux de la tête. Y a pas de miracle. Lire, écrire, compter. Lire surtout. Lire. Un livre est du savoir en conserve ! Encore faut-il savoir lire… Et il paraît que 25 % des élèves qui entrent en sixième ne savent pas lire correctement. Qu’est-ce que tu veux apprendre si t’as pas les outils de base !
- Eh ! Loulle, c’est minots paient les fantaisies de toutes ces « réformes » de l’enseignement – il y en a eu autant que de ministres de l’éducation – qui ont imposés les « méthodes globales », les « mots outils » plutôt que le bon vieux b a ba de la méthode syllabique. Mais Blanquer veut y mettre bon ordre. Il a dit : « Entre quelque chose qui ne marche pas – la méthode globale – et quelque chose qui fonctionne – la syllabique - il ne peut y avoir de « compromis » mixte. Ce sujet ne relève pas de l’opinion, mais de faits démontrés par la recherche. C’est très clair, et j’aimerais vraiment que ce débat soit une fois pour toutes derrière nous. » Encore faudra-il impose ça au mammouth… Il veut également réintroduire la bonne vieille grammaire. Il serait temps. Les enfants ont besoin d’apprendre comment s’articule notre langue - c’est la grammaire - et de connaître les mots précis qui expriment une idée ou décrivent un paysage, une situation – c’est le vocabulaire.
- Parait que dans certaines classes, ils apprennent le français en étudiant les textes des rappeurs et les modes d’emploi des appareils ménagers…
- Hélas ! C’est peut-être vrai dans quelques établissements « populaires » - dans l’acception péjorative de ce beau mot – mais pas au lycée Henri IV, Loulle… La pédagogie est une clé majeure de lutte contre les inégalités sociales.
- J’ai lu que Blanquer avait renvoyé à la poubelle un truc effarant qu’ils appelaient le « prédicat ». Qu’es aco Victor ?
- C’est un truc censé permettre "d’identifier les constituants d’une phrase simple en relation avec sa cohérence sémantique". Parait que les Québécois l’utilisent. C’est censé simplifier les accords de participes passés, avec ces casse-tête des compléments d’objets directs placés avant ou après, etc... Un sacré bordel, c’est vrai, mais facile une fois qu’on en a compris le mécanisme. Eh ! C’est cette complexité qui fait la beauté de la langue française, à cent lieues de l’anglais qui est du « petit nègre ». Ce prédicat - qui détruit cinq siècles d’analyse grammaticale - n’a pas eu beaucoup de succès. Blanquer fait œuvre utile.
- Mouais… Revenir à enseigner à compter, à lire, à écrire, c’est le bon sens.
- Mais lire et écrire quelle langue Loulle ? Si c’est celle des « textos » ou des rappeurs, autant pisser dans un violon. On s’en sortira en apprenant à tous les enfants la langue française dans ce qu’elle a de plus abouti, de plus complexe, parce qu’on vous juge, en France (et c’est un peu normal) en fonction de votre maîtrise du langage. Du beau langage. Flaubert plutôt que La Fouine !
- Bonnes paroles. Allez, trinquons au « gai savoir » !

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