dimanche 29 avril 2018

Casser la SNCF c’est augmenter le bilan carbone des transports


Gérard Le Puill

Le sujet est occulté par le gouvernement d’Edouard Philippe comme par le président de la République qui inventa les cars Macron quand il était ministre.

Mais l’application du projet de réforme de la SNCF se traduirait par une augmentation sensible des émissions de CO2 en France. Or, il est urgent de les réduire, tant pour préserver notre santé que pour freiner le réchauffement climatique conformément aux engagements pris lors de la Cop 21 à Paris en décembre 2015.
En page 6 du Monde, daté de ce 25 avril, une photo en couleurs nous montre Donald Trump et Emmanuel Macron, pelle en main, en train de planter un arbuste sur la pelouse de la Maison Blanche. Même quand il sera grand, ce chêne venu de France ne permettra pas, loin s’en faut , de capter autant de carbone que n’en libérera à chaque fraction de seconde la relance de l’exploitation du pétrole de schiste par Donald Trump aux Etats-Unis. D’autant que l’ami d’Emmanuel Macron a retiré la signature de son pays de l’accord de Paris, bien que ratifié par son prédécesseur Barack Obama. 
Certes, cet accord sur le climat adopté le 12 décembre 2015 est désormais ratifié par une immense majorité des pays. Néanmoins, les émissions de gaz à effet de serre (GES) continuent d’augmenter partout dans le monde. Alors qu’il conviendrait de la diviser par trois ou quatre d’ici 2050, l’Agence Internationale d l’Energie (AIE) prévoit que la consommation de pétrole continuera d’augmenter dans le monde d’ici 2040. Grosso modo, la consommation des camions passerait de 15 millions de barils par jour en 2016 à 19 millions en 2040, tandis que celle des avions passerait de 11 millions à 15,7 millions. Seule celle des voitures particulières pourrait baisser un peu via la progression des véhicules électriques, mais la consommation de l’industrie chimique augmentera de plus de 30%, tirée par la fabrication des matières plastiques.
 
Le train, un atout pour la mobilité bas carbone
 
En page 1 du cahier Eco-entreprise du Monde de ce même mercredi, Jean-Baptiste Fressoz, chercheur CNRS, rappelle que, toujours selon l’AIE, « la part des émissions de CO2 dues au transport est passée de 15% en 1970 à plus de 40% en 2017, essentiellement à cause des voitures et des camions ». À l’inverse, selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) « le train est l’un des modes de transport terrestre les plus performants du point de vue énergétique et environnemental ». Une politique ambitieuse consisterait à envisager la SNCF non comme un poids mort économique, mais comme un atout pour une mobilité bas carbone, poursuit le chercheur. C’est aussi l’un des arguments majeurs des cheminots en lutte.
Mais Jean Baptiste Fressoz explique aussi comment les Etats-Unis ont progressivement sacrifié les lignes de tramway au début du XXème siècle dans plusieurs villes américaines au profit des bus et des voitures individuelles pour finalement déboucher sur l’étalement urbain et les pollutions qui vont avec. Et de conclure ainsi son article : « L’histoire des tramways montre que, à l’heure du changement climatique, l’ouverture à la concurrence ne peut plus être la boussole de nos choix technologiques. Alors que le gouvernement se dit fasciné par « l’innovation verte », il semble oublier qu’il possède avec la SNCF une technologie bien réelle pour réduire drastiquement les émissions de CO2. Si le président Macron veut vraiment rendre sa grandeur à notre planète, il lui faudra d’abord redonner toute son importance à la SNCF », écrit leur chercheur en conclusion de sa chronique.
 
Le bilan désastreux des cars Macron pour l’écologie et pour la SNCF
 
Avant d’être président de la République, Emmanuel Macron fut ministre de l’économie et fit voter une loi qui déboucha sur la mise en place des « cars Macron » pour enlever des clients à la SNCF au nom de la sacro-sainte concurrence. Elle est entrée en vigueur en août 2015 et elle aurait permis de transporter 5,2 millions de voyageurs durant ses douze premiers mois. La majeure partie de ces clients fut enlevée à la SNCF. Depuis leur mise en service, le taux de remplissage de ces cars a oscillé entre 34,2% et 46,6% selon les trimestres, la fréquentation étant plus forte à la belle saison. La société Mégabus a fait faillite sur ce marché en novembre 2016 et Ouibus, la filiale créée par Guillaume Pépy pour concurrencer ses propres trains, n’a affiché que des pertes jusqu’à présent.
 
Ce bilan commun au président Macron, à la ministre Elisabeth Borne, ancienne directrice de la stratégie à la SNCF, et à Guillaume Pépy, PDG de l’entreprise publique, ne laisse guère d’arguments à ces trois personnages pour donner des leçons d’économie aux cheminots en lutte pour sauvegarder et développer le service public des transports le plus adapté face aux enjeux climatiques de ce XXIème siècle.
 

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