mercredi 30 mai 2018

Glyphosate : la souveraineté populaire empoisonnée


François Cocq

Triste anniversaire. Dans la nuit du 29 mai 2018, 13 ans après le Non au TCE galvaudé par les émissaires coloniaux de Bruxelles, le Parlement national a une nouvelle fois dû céder sous les coups de boutoir du gouvernement LREM et avaler la farce de la fausse interdiction du glyphosate concédée à l’UE et à Mme Merkel.

L’interdiction dans les trois ans du glyphosate, substance classée cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé[1] et principe actif du Roundup de Monsanto, a en effet été rejetée dans la nuit à l’Assemblée nationale. Jusque dans la majorité présidentielle, des députés avaient pourtant posé des amendements en ce sens. Las ! Elèves obéissants voire serviles, M. Macron et son gouvernement s’en tiennent à l’accord qu’ils ont avalé à Bruxelles : la reconduction du glyphosate pour 5 ans et la vague promesse d’interdire le glyphosate en France dans trois ans. Seulement voilà : il est désormais clair que cette dernière ne tient plus après le camouflet infligé cette nuit par le ministre de l’agriculture aux partisans de l’interdiction réelle.
Le gouvernement se dédit donc aujourd’hui et renonce dans les faits à son engagement non sans avoir au préalable déjà cédé face à Bruxelles. M. Hulot avait en effet beau prétendre vouloir imposer l’interdiction du glyphosate au bout de 3 ans, le 27 novembre 2017 l’Allemagne votait en « comité d’appel » en faveur de la prolongation de l’utilisation de l’herbicide de Monsanto alors que M. Macron pensait l’avoir convaincue de s’abstenir. La majorité qualifiée requise était ainsi obtenue de justesse grâce à cette voie décisive. Non seulement le délai était porté à cinq ans mais il n’était pas, même à cette date, garanti qu’une interdiction entre en vigueur, seulement qu’un nouvel examen de la question ait lieu.
Il faut dire que les Allemands avaient quelques intérêts dans l’affaire : la firme germanique Bayer était au même moment en train de racheter Monsanto. Un détail…Matignon en était réduit à « regretter » le résultat du vote européen. Encore n’était-ce pas le cas de tous les membres du gouvernement, le ministre de l’agriculture, Stéphane Travert, premier concerné, s’étant au contraire déclaré « heureux » que les États membres de l’UE soient parvenus à un accord. Quoi qu’il en soit, la position de M. Macron de reconduction pour trois ans de l’herbicide a été battue en brèche, la logique commerciale européenne s’imposant sur les intérêts des populations. Le président s’est donc replié comme à son habitude sur le ministère de la parole, promettant pour la France une interdiction au bout de trois ans…mais refusant donc cette nuit de la voir inscrite dans la Loi (éléments à retrouver plus en détails dans le livre Alerte à la souveraineté européenne ! La chimère de Macron contre la souveraineté populaire).
Deux logiques se mêlent donc en la matière : la première est l’avilissement de la France aux politiques de l’UE et aux intérêts contradictoires de ses états membres. Ou tout du moins aux logiques mercantiles qui prennent le pas sur l’intérêt des populations. Rien de plus facile pourtant que de s’affranchir de ces règles, pour peu que l’on change la nature des votes sur ces questions en restaurant le droit de veto, ou en mettant en place un principe de non régression sociale et écologique qui permettrait de voter et d’appliquer une loi dans un pays qui ne se retrouve pas corsetée par le cadre législatif et réglementaire de l’UE. Ou plus simplement encore en assumant de désobéir aux traités, ce qui est toujours possible sans même disposer d’un rapport de force favorable au sein de l’UE. La volonté et la légitimité populaire suffisent.
Si cela n’est pas fait, c’est qu’une seconde logique prolonge la première : la soumission du pouvoir aux lobbys et aux intérêts des multinationales qui, on l’a vu sur ce débat, ont leurs entrées privilégiées jusqu’au sein de l’Assemblée et bénéficient des documents avant même les parlementaires ! Voilà qui explique dès lors que derrière les simagrées des effets d’annonce, M. Macron et son gouvernement refusent d’inscrire dans la Loi leur promesse. À coup sûr parce que celle-ci ne verra jamais le jour. Pour quelle autre raison sinon ?
Treize ans après le Non au TCE, la souveraineté populaire est donc prise sous un tir croisé : celui de l’UE d’un côté, et celui de ses valets qui renient leur parole et leurs engagements de l’autre.

Dans un an presque jour pour jour, lors des élections européennes, il faudra reprendre la main contre les uns et les autres qui sont, on le voit, en réalité les mêmes.

[1] Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies notamment, qui a classé le glyphosate cancérogène probable en mars 2015.


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