samedi 5 mai 2018

Le cancer et la ruine


Olivier Cabanel

Tout le monde connait l’anagramme, cette pratique qui permet de changer le sens d’un groupe de mots. Ainsi l’anagramme de l’« énergie nucléaire » est : « le cancer et la ruine »...

Faut-il pourtant s’inquiéter, ou se rassurer, en se disant, ce n’est après tout qu’une simple coïncidence... ?
Pourtant les catastrophes nucléaires à répétition qui frappent aux 4 coins de la planète pourraient bien valider cette étrange anagramme.
D’autant qu’au-delà d’Hiroshima et de Nagasaki, de Three Miles Island, de Tchernobyl et Fukushima, il existe d’autres catastrophes souvent ignorées du grand public.
Ainsi qui avait entendu parler de l’accident de Chalk River, au Canada, qui, en 1952, une toute petite année après son inauguration, suite à une panne de refroidissement du réacteur nucléaire, a déclenché plusieurs explosions, lesquelles ont soulevé le toit des laboratoires, et provoqué la fuite de gaz radioactifs dans l’atmosphère. lien
On pourrait aussi évoquer la catastrophe de Kychtym, en 1957, en URSS, au cours de laquelle, suite à une panne de refroidissement d’une piscine de stockage, une explosion chimique dispersa entre 70 et 80 tonnes de déchets ultra dangereux, soufflant par la même occasion le toit en béton, et dispersant un nuage radioactif jusqu’à 350 km du site dévasté, provoquant l’évacuation de 10 000 personnes qui vivaient dans le secteur. lien
La même année eut lieu la catastrophe de Sellafied, en Grande Bretagne, dans laquelle le réacteur n°1 a pris feu, libérant dans l’air, pendant plusieurs jours des tonnes de combustibles nucléaire.
Lorsque l’incendie fut enfin éteint, la seule parade fut de sceller le réacteur avec, à l’intérieur, 15 tonnes de combustible nucléaire. Le lait produit dans un rayon de 500 km autour du site fut détruit. lien

Et qui a entendu parler de l’accident nucléaire de Goiânia, au Brésil, catastrophe au cours de laquelle, à la suite d’un appareil médical de radiothérapie, récupéré par des ferrailleurs, provoqua la mort de 4 personnes, et la contamination de 245 autres personnes.
En tout, 112 000 personnes furent examinées, et 600 d’entre elles étaient encore sous surveillance en 2003. Il a fallu démolir beaucoup de bâtiments, prélever de la terre (3500 m3 de déchets radioactifs), et la décontamination a nécessité le contrôle des maisons à 1 km à la ronde et de 2000 km de routes : 85 maisons avaient été contaminées.
Plus de 10 ans ont été nécessaires pour trouver une solution de stockage définitif des déchets constitués de 12 500 fûts et de 1500 containers à 30 km de la ville. lien 
L’accident s’était passé en 1987.
L’année précédente, c’était Tchernobyl, puis en 2011, Fukushima, qui a affecté 32 millions de personnes au Japon, selon le rapport de Green Cross. lien

Mais la France n’est pas épargnée, car serait oublier le double accident nucléaire de St Laurent-des-Eaux, en octobre 1969 et en 1980..., la France a frôlé le pire. lien
Il y eut aussi, en 1999, la destruction des digues de protection de la centrale nucléaire du Blayais, en Gironde, noyant tous les systèmes de sécurité, provoquant l’arrêt d’urgence de la centrale, Alain Juppé, déjà maire de Bordeaux avait envisagé l’évacuation de sa ville. lien


2000, 2004, 2005, 2009, 2010, 2012... ce sont les dates où la centrale de Fessenheim a multiplié les problèmes, (lien) et le 12 mai 1998, un des réacteurs de la centrale de Civaux a perdu son réfrigérant, suite à une rupture de canalisation. lien
Ajoutons pour la bonne bouche l’incendie d’un lieu de stockage à la Hague, en 1981, (lien) la perte de plutonium à Cadarache en 2009, (lien) les déboires à répétition des sites du Tricastin, Gravelines, Bugey, et quelques autres, qu’il faudrait fermer en priorité avec le Blayais, et Fessenheim. lien


Au sujet de Bugey, une lettre ouverte a été envoyée à Nicolas Hulot, demandant la fermeture immédiate du site, sans plus de réaction du ministre, qui depuis sa nomination, multiplie les reculades. lien
Finalement, il y a peu d’années, depuis 1952, où l’on ne constate pas un problème lié à l’activité nucléaire.
Le terme ruine concernant cette énergie n’est donc pas usurpé, surtout si l’on songe aux milliards que va coûter, au Japon, la catastrophe de Fukushima, qui se prolonge encore aujourd’hui.
Il y a 2 ans, la facture se montait déjà à 170 milliards d’euros. lien
Chiffre vraisemblablement optimiste si l’on songe que la fusion d’un seul réacteur à Tchernobyl a coûté, selon l’ONG Green Cross, 577 milliards d’euros en 30 ans, et à Fukushima, 3 réacteurs ont fondu. lien
Mais la ruine n’est pas seulement la conséquence des catastrophes qui se suivent et se ressemblent.
L’EPR de Flamanville, annoncé comme le « fleuron » de l’industrie nucléaire française, accumule les déboires.
Le budget initial a été multiplié par plus de 3 et devrait dépasser au moins les 10 milliards, augmentant ainsi le prix du KW nucléaire, et rendant celui-ci moins attractif que celui des énergies propres, toujours de moins en moins cheres, (lien) pour le plus grand bonheur des protecteurs de la planète, d’autant que les récents problèmes signalés par l’ASN (autorité de sureté nucléaire) vont augmenter la facture d’autant.
D’ailleurs, l’an dernier, c’est EDF qui déclarait renoncer à être compétitif face aux énergies propres. lien
Revenons à l’EPR...
Il faudrait d’ici fin 2024 remplacer le couvercle, et pas seulement, puisque d’autres problèmes ont été signalés par les experts, notamment en ce qui concerne la qualité de l’acier de la cuve.
Quant au délai, le retard pris est considérable puisque la centrale devait être inaugurée en 2012...et il est question maintenant de fin 2019, pour ne pas dire 2020. lien
Ruine donc... mais cancer ? Aussi ?!
S’il faut en croire le site « cancer-environnement », toutes les personnes exposées à la radioactivité ne développent pas toutes un cancer (...) plus la dose est élevée, plus le risque de développer un cancer est fort. lien
À ce risque s’ajoute la radioactivité naturelle, qui n’est pas innocente, même si la durée de vie (demi-vie) du Radon 222 ne dépasse pas 4 jours, alors que le plutonium 239 a une demi-vie de 24 000 ans.
Les experts britanniques estiment que le risque de cancers lié à l’exposition au plutonium a été largement sous-estimé, alors qu’il est notoire que plusieurs tonnes de plutonium ont été libérées dans l’environnement au cours des 60 dernières années. lien
Si l’on prend l’exemple de l’usine russe de Seversk, au nord de la ville de Tomsk : elle a stocké dans des piscines découvertes des milliers de litres de déchets liquides, et de 113 000 tonnes de déchets radioactifs, dont du plutonium, dans des conteneurs qui fuient, provoquant une mortalité importante dans le secteur.
À Sella Field, c’est aussi du plutonium qui a été relâché, et on estime que l’évaporation des fumées radioactives seraient à l’origine de 240 cas de cancers...Ajoutons, pour la bonne bouche, que la centrale libère encore aujourd’hui 8 millions de litres de déchets contaminés par jour, ce qui fait de la mer d’Irlande, la mer la plus radioactive du monde.
Sur le site d’Hanford, lieu le plus radioactif des USA, lequel a entreposé le plutonium qui a servi à fabriquer les bombes d’Hiroshima/Nagasaki, le gouvernement US fait de son mieux pour atténuer les effets radioactifs des millions de déchets toxiques et des centaines de mètre cubes d’eau contaminée.
À Maïak, (Kychtym), plus de 400 000 personnes ont été exposées aux radiations, provoquant cancers et leucémies, mais c’est Tchernobyl qui bat, provisoirement, les records : on estime que 6 millions de personnes ont été exposées au rayonnement, provoquant la mort d’au moins 93 000 personnes, même si d’autres sources en donnent 10 fois plus. lien
Il est probable que la catastrophe de Fukushima va dépasser Tchernobyl dans tous les domaines, ceux de la santé, et ceux de la finance.


En France, tant qu’un accident majeur n’aura pas eu lieu, avec un 1er ministre issu d’Areva, entreprise dont il était chargé de faire la communication, le changement paraît bien improbable. lien

Comme dit mon vieil ami africain : «  l’héritier du léopard hérite aussi de ses taches »

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