Charles Sannat
Je voulais partager avec vous un léger moment de lassitude.
Remarquez, sont sympas tous ces protestataires, car grâce à eux, j’ai
déjà en stock dans mes fichiers aussi bien des photos de jerrycans ou
encore de camions-citernes, et même… de files d’attente chez Leclerc, ou
ailleurs.
Oui, je suis prêt. Entièrement, totalement, car cela fait la
troisième fois que l’on nous fait le coup du blocage des raffineries, et
ben moi, du coup, j’en ai marre, je ne trouve pas ça très intéressant,
et je dirais même que cela manque cruellement d’imagination…
Pourtant, je les aime bien nos paysans, et puis, à la FNSEA, ils sont
vachement sympas aussi. Bon, faut dire qu’ils avaient appelé à voter
Macron lors de la dernière érection pestilentielle. Comme le
Glandsident, une fois élu, a décidé de ne pas franchement écouter les
paysans, ils sortent les tracteurs pour aller nous bloquer les
raffineries.
Je vous disais donc que je les aime bien les paysans moi, en plus, ce
qui emmerde le Glandsident me fait toujours un tantinet plaisir, et
puis, ils n’ont pas tort sur le sujet, à savoir l’huile de palme que
l’on va importer pour faire de l’essence éthanol ou autre bio-essence
alors que l’on pourrait faire la même chose avec du colza bien de chez
nous.
Blocage des raffineries : « Nous ne voulons pas importer de l’étranger des choses qu’on ne s’autorise pas à produire en France »
« Le président de la Fédération des producteurs d’oléagineux et de
protéagineux, Arnaud Rousseau, invité dimanche sur franceinfo, a
notamment réclamé de la « cohérence » dans la politique agricole du
gouvernement alors que Total prévoit d’importer 300 000 tonnes d’huile
de palme de Malaisie et d’Indonésie pour produire du biocarburant. »
« La FNSEA a appelé au blocage de treize raffineries et dépôts de
carburant d’ici lundi pour dénoncer le « double langage du
gouvernement ». Le syndicat agricole lui reproche d’imposer de plus en
plus de normes et de contraintes aux agriculteurs français tout en
autorisant l’importation de denrées qui ne répondent pas à ses normes.
Arnaud Rousseau ne veut « pas importer de l’étranger des choses qu’on ne
s’autorise pas à produire en France et en Europe » car, selon lui, on
risque de « déstabiliser les productions ». »
Je ne peux pas donner tort à nos amis agriculteurs, d’ailleurs, vous
savez ce que je pense des Chinois qui rachètent nos terres, ou nos
chênes en nous laissant juste les glands… Si seulement ils nous les
prenaient aussi, il y aurait moyen de trouver un accord convenable pour
tout le monde.
Le problème c’est que la cohérence, cela vaut pour le gouvernement et… pour la FNSEA !
Oui,
j’aime bien relever les paradoxes, appuyer là où cela fait mal,
titiller les parties (je parle du gouvernement d’un côté et des
syndicats agricoles de l’autre, n’allez pas vous imaginer autre chose,
je suis un garçon sérieux). C’est mon côté poil à gratter génétique.
La cheftaine de la FNSEA donc appelait de manière fort grandiloquente
à « faire le choix de l’Europe », ce qui voulait dire à voter Macron
lors des présidentielles.
Parfait.
Voilà un choix « responsable ».
Voilà la voix de la « raison ».
Voilà le chemin de la « sagesse » blablablablablabla…
Sauf que l’Europe est là pour couillonner les paysans, et les
organisations syndicales pour faire avaler la pilule aux petits paysans
d’en bas.
C’est l’Europe qui organise les accords de libre-échange qui ont pour
conséquence de permettre d’importer plein de produits qui viennent
directement concurrencer nos propres productions. C’est le cas pour
l’huile de palme, comme pour la viande aux hormones d’Argentine ou du
Canada.
N’oubliez pas cette terrible citation. Terrible de vérité : « Dieu se
rit des hommes qui se plaignent des conséquences alors qu’ils en
chérissent les causes. » La FNSEA est en plein dedans.
Voilà ce qu’il va se passer
Comme j’ai une boule de cristal et que je suis directement connecté
aux forces divines, je suis en mesure de prévoir l’avenir avec une
facilité déconcertante. Je peux donc vous dire exactement ce qu’il va se
passer.
La FNSEA va bloquer des raffineries en mobilisant quelques idiots
utiles appelés « syndicalistes ». La CGT fait la même chose, avec les
mêmes idiots utiles appelés « camarades cheminots syndiqués ». Et comme
nous sommes tous les idiots utiles de quelqu’un, je m’ajoute bien
volontiers dans le lot, puisque j’ai le rôle de bouffon du roi.
D’ailleurs, vous voyez comme la France est une démocratie, regardez tout
ce que je peux écrire (sauf qu’il y a autant de choses que je ne peux
pas écrire)…
Bref, ils vont nous bloquer les dépôts. Il va y avoir une pénurie
dans les stations-service. Le gouvernement dira que la situation est «
normale » et qu’il y a quelques tensions d’approvisionnement liées
uniquement à des achats de précaution. Cela signifie que le peuple de
sans-dents est prié de ne pas lui-même créer la pénurie (« bande de
cons » étant presque prononcé c’est de votre faute).
Ma tendre épouse m’a déjà demandé inquiète ce matin si le plein de la
voiture était fait. Je lui ai répondu sans conviction que oui, ce
qu’elle a fait mine fort aimablement de croire, me laissant le soin
d’assumer mon imprévoyance si par malheur l’essence disparaissait
définitivement de notre pays dans les jours qui viennent et pour
toujours.
Puis, quand Paris sera touché et que même les journaleux boboïsés de
BFM auront du mal à faire le plein de leurs « sckoters », alors on
enverra les gendarmes mobiles… enfin ceux qui ne sont pas en train de
vider les « crasseux » (c’est de Canteloup pas de moi) de la ZAD de
Notre-Dame-des-Landes, libérer une ou deux raffineries.
La présidente de la FNSEA obtiendra une ou deux concessions de façade pour pouvoir dire allez les gars, on rentre les tracteurs.
Les tracteurs rentreront.
Nous aurons eu droit à notre séance collective d’expiation de la
souffrance agricole. Nous attendrons le prochain coup pendable, en
attendant, on continuera à demander (enfin pas moi, la FNSEA) aux
agriculteurs de voter bien, en faisant le choix de l’Europe qui les
étrangle dans leur sommeil…
Et dans trois mois, il y aura bien à nouveau des blocages de raffineries
Je suis fatigué. Même pas eu envie de faire le plein du réservoir de
la Dacia ni même de remplir 4 ou 5 bidons d’avance pour faire du marché
noir.
Je suis las, las, las…
En fait, au cas où vous ne l’auriez pas compris, j’aime beaucoup les
paysans, j’aime nettement moins la FNSEA et les syndicats, mais je ne
peux pas le dire trop fort. Eux et moi avons le même métier. Nous sommes
les idiots utiles d’un système. Nous donnons l’illusion du combat, de
la liberté et de la contestation.
Vous allez me dire que nous faire un papier là-dessus, ça ne sert pas à grand-chose… Faux, mes amis.
Ce que je viens de vous dire est éminemment subversif.
Il ne faut pas confondre un exutoire avec une véritable action politique.
Il ne faut pas confondre la gestion émotionnelle des troupes avec l’action politique.
Pour que l’action politique collective puisse retrouver sa place, il
convient de pointer pour ce qu’elle est la gestion émotionnelle
actuelle.
Le mouvement de la FNSEA a déjà échoué, et la FNSEA le sait, car à
aucun moment il est prévu que ce mouvement réussisse. C’est juste une
séance d’expiation. Un rituel qui n’a strictement aucune utilité autre
que celle d’une cellule d’aide psychologique.
Il faut comprendre cela pour comprendre pourquoi les luttes syndicales actuelles sont vouées à l’échec.
Créer les conditions de cette compréhension, vous l’aurez compris, est subversif. À vous d’amplifier ce mouvement.
« Ceci est un article ‘presslib’, c’est-à-dire libre de reproduction
en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à
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