jeudi 14 juin 2018

Du doute à la désillusion


François Cocq

La semaine dernière, je relatais ici comment la politique de M. Macron apparaît désormais aux yeux du grand nombre sous une forme nouvelle : elle n’est plus seulement vue comme socialement injuste et moralement cynique, elle est aussi, et finalement peut-être avant tout, inefficace.

C’est une chose de l’analyser et de le prévoir en amont. C’en est une pour les gens que de pouvoir le constater. Or désormais, tant dans le champ de la politique nationale, et notamment dans son volet économique, que dans celui de la politique internationale, la politique du président se trouve dans des impasses.
L’INSEE annonçait donc fin mai que la croissance du produit intérieur brut (PIB) avait été limitée à 0,2% au premier trimestre, plus faible progressions depuis l’automne 2016. Après quatre trimestre de hausse entre 0.7% et 0.8% en 2017, c’était là ce que les commentateurs à la solde du pouvoir devaient pourtant se résoudre à qualifier de « ralentissement brutal ». En cause ? L’atonie de la consommation des ménages bien sûr (+0.1%), mais aussi, et il faut le souligner car la contradiction avec les promesses et objectifs de M. Macron s’avère flagrante, celle de l’investissement des entreprises (+0.1% au premier trimestre 2018 contre +1,7% fin 2017 !). La politique présidentielle plombe donc les ménages, mais cela, chacun mis à part les plus riches s’en était aperçu. On s’aperçoit qu’elle plonge par contre en retour l’ensemble du pays dans l’expectative, crée un climat de désordre et n’offre donc aucune garantie aux entreprises pour qu’elles puissent raisonnablement se tourner vers l’avenir.
Cette semaine, ce sont les chiffres de l’emploi qui viennent confirmer cette tendance. Sur les trois premiers mois de l’année, 48.800 nouveaux postes ont été créés selon l’Insee, un chiffre en net ralentissement par rapport à la fin de l’année 2017. C’est là plus de deux fois moins de créations que lors du trimestre précédent. Autrement dit la politique de M. Macron commence à se décliner dans le champ du réel et force est de constater qu’elle crée des ravages.
Sur la scène internationale, M. Macron ne rencontre pas plus de succès. Sa danse du ventre devant Mme Merkel est restée sans effet pour l’orientation de la construction européenne. Et voilà que ce week-end, M. Macron a fait passer la France à côté de l’occasion qui s’offrait à elle de se placer en fer de lance d’un ordre international pour répondre à M. Trump. Enfermé dans son « multilatéralisme », M. Macron a dû se résoudre à entendre le président américain plaider pour le retour de la Russie à la table des discussions, et plus encore à se trouver à la remorque à la fois du Canada qui a osé défier M. Trump mais aussi de Mme Merkel qui a pu l’envoyer dans les cordes en ayant déjà réorienté son modèle économique vers l’est de l’Europe et l’Asie pour garantir les excédents commerciaux qui sont au coeur de sa politique économique. Bref, au moment-même où l’Empire se voyait ébranlé et où le monde entre en phase d’instabilité,  la France non seulement n’avait pas son mot à dire mais qui plus est restée embourbée dans le multilatéralisme théorisé par son président et auquel ce pathétique sommet du G7 donnait pourtant le coup de grâce. L’Empire se désagrège et tout conduit à penser que transition ne se fera pas sans casse. Et c’est pourtant dans ce contexte que la France s’éclipse de la scène internationale et abandonne la tâche qui devrait être la sienne de porter la légitimité du seul cadre d’action qui vaille, celui d’un ordre international basé sur l’ONU et réunissant toutes les parties prenantes.
Des militants sincères de LREM, des parlementaires du groupe à l’Assemblée nationale, jusqu’aux économistes de la campagne de M. Macron prennent conscience de l’impasse dans laquelle s’enferme par dogmatisme la politique de M. Macron.  Deux phénomènes s’entrechoquent alors : d’un côté ceux qui regardent avec lucidité les résultats de cette politique et en appellent pudiquement à un « rééquilibrage » ; de l’autre ceux qui ont désormais la sensation d’avoir été floué pendant la campagne. Car si jusqu’à présent M. Macron s’est réfugié dans le fait de dire qu’il faisait ce qu’il avait annoncé – quand bien même nombre de mesures ont été en cours de route sorties du chapeau – l’engagement présidentiel ne tient plus car il présupposait à la fois le retour d’une dynamique économique et la restauration de l’image de la France sur la scène internationale. Deux domaines sur lesquels M. Macron est incontestablement en échec.
C’est donc un moment de bascule important qui s’opère. Tardivement diront certains. Peu importe, il fallait qu’il émane d’une réalité palpable pour les gens. Nous y voilà. Et M. Macron peut bien jouer la montre pour essayer d’atteindre ce qu’il croit être le refuge médiatique de la coupe du monde de football, une vérité qui se révèle d’elle-même ne pourra plus être à l’avenir masquée. 

L’An II de la macronie commence donc sous d’autres auspices.

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