Mathieu Morel
« Le roi possédait un miroir magique, don d’une fée, qui répondait à toutes les questions. Chaque matin, tandis que le roi se coiffait, il lui demandait :
– Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis le plus beau. Et, invariablement, le miroir répondait :
– En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus beau que toi. »
Une fois de plus, on aurait tort de ne voir, dans les outrances
répétées – et de plus en plus sidérantes – que nous sert frénétiquement
notre distingué Jupitre Überschtroumpführer, que de bénignes
maladresses, des erreurs de communication ou même un anodin excès de
confiance qu’il suffirait de mettre sur le compte de son ardeur juvénile
et « disruptive ».
On aurait tort également, sans doute, d’y déceler la fameuse preuve
d’un esprit brillant, hors du commun, qu’on nous a copieusement vendu
depuis son éclosion « miraculeuse », à grands renforts de feux
d’artifice et de paillettes.
Ses insultes répétées, ses provocations grossières, ses initiatives
ostensiblement débiles portent un message clair derrière cette fausse
candeur faussement spontanée : « je suis votre chef, je fais ce que je
veux, comme je veux, quand je veux et, pour commencer, je vous
emmerde ». On pourrait évidemment, puisqu’on se targue d’être en
démocratie, juger la méthode un peu culottée si on oubliait que, en bon
élève des années « Mitterrand » (et lui-même « bébé Hollande/Attali »),
ses provocations et initiatives visent également à repousser tous ses
contempteurs, en bloc et sans la moindre espèce de nuance, dans les
recoins forcément sombres de l’extrême-droite qui en rappelle d’ailleurs
les heures, si l’on en croit l’adage éculé. Extrême-droite qu’en
langage moderne, on aime qualifier plutôt de trucosphère ou autre
machinosphère (ça sonne tellement plus « cool » et 2.0). Voilà plus de
30 ans que le camp du Bien se fabrique ainsi son adversaire favori,
aussi inoffensif qu’efficace. Du moins jusqu’à la prochaine surprise
funeste dont ils seront, une fois encore, les seuls responsables et les
vierges les plus outragées (avant, une fois de plus, de retourner
promptement leur veste).
Ce sire, au fond, est un parfait produit des années 80, une version
aboutie – peut-être un peu tardive, c’est l’espoir qu’il nous reste – de
l’Homme que ces 30 ou 40 dernières années ont tenté de fabriquer : une
imposture, une illusion, un start-up-marabout, une uber-escroquerie. Le
philosophe est un cuistre infantile, le « penseur » une machine à
poncifs pompeux, le bâtisseur est un vandale, le centriste ouvert est un
fanatique borné, l’esthète fin révèle un plouc fini, le « subversif
dérangeant » n’est qu’un banal immature inconséquent, le démocrate est
un mégalomane totalitaire, et le gendre idéal bienveillant un vicelard
narcissique. On ne peut même pas dire qu’il sonne faux : il sonne creux,
d’où qu’on toque.
Il ne lui reste plus qu’à compter sur l’effet de sidération que
produisent ses pitreries scandaleuses pour – pendant que la plèbe
s’offusque à bon droit de la mise à sac sauvage de tout le séculaire
édifice sur lequel ce mal élevé s’est laissé hisser pour se goinfrer –
engager mécaniquement toutes les liquidations que ses maîtres lui ont
commandées.
Ce qu’il fera avec d’autant plus de zèle qu’il a été élu par dépit,
vainqueur d’un concours de circonstances, rescapé d’une roulette russe
tellement acrobatique qu’il est permis de se demander si le barillet
était tout à fait réglementaire. Et soyons sûrs qu’il mènera
l’entreprise de démolition bien plus loin que tous ses prédécesseurs
puisque, absolument vain et dénué de tout ce qui ressemble à des
principes, il est parfaitement polymorphe.
Ce roi nu, si prompt à rabrouer avec la violence puérile qui les
caractérise les enfants qui le démasquent, n’est que le zélé valet, le
reflet présomptueux d’une époque qui, poussant l’imposture et
l’incohérence à des niveaux olympiques, a érigé en « valeurs
fondamentales » l’exhibitionnisme pudibond et le puritanisme libertaire.
Par son abyssale inconsistance, il est le parfait porte-voix – et le
terrifiant porte-flingue – des opportunismes de ses maîtres insatiables.
Et ce n’est que parce qu’il lui fallait une histoire, une légende,
qu’on la lui a écrite, jusqu’à en faire le fils spirituel d’un
philosophe dont il n’était, en réalité, qu’un marque-page. C’est le pion
malléable sur lequel, faut-il croire, il était opportun de miser au bon
moment. De diverses manières, quelques un(e)s ont su saisir leur chance
et tirer le gros lot. Il ne faudrait pas en conclure pour autant qu’un
tel individu ne présente qu’un danger « superficiel ». Au contraire. Mais
ça n’est pas par son idéologie – quoi qu’on pense de celle à laquelle
il s’est vendu – qu’il est dangereux. Il n’en a pas (ou plus exactement,
il serait prêt à se vendre à toutes… c’est d’ailleurs ce qu’il fait, à
certains égards).
C’est précisément par sa vacuité, pour elle, contre elle, à cause
d’elle, ou un peu tout « en même temps », que cet homme sera capable
d’absolument tout, sans aucune limite.
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