lundi 25 juin 2018

Macron : Jupiter est-il dangereux ?


Mathieu Morel
« Le roi possédait un miroir magique, don d’une fée, qui répondait à toutes les questions. Chaque matin, tandis que le roi se coiffait, il lui demandait :
– Miroir, miroir en bois d’ébène, dis-moi, dis-moi que je suis le plus beau. Et, invariablement, le miroir répondait :
– En cherchant à la ronde, dans tout le vaste monde, on ne trouve pas plus beau que toi. »

Une fois de plus, on aurait tort de ne voir, dans les outrances répétées – et de plus en plus sidérantes – que nous sert frénétiquement notre distingué Jupitre Überschtroumpführer, que de bénignes maladresses, des erreurs de communication ou même un anodin excès de confiance qu’il suffirait de mettre sur le compte de son ardeur juvénile et « disruptive ».
On aurait tort également, sans doute, d’y déceler la fameuse preuve d’un esprit brillant, hors du commun, qu’on nous a copieusement vendu depuis son éclosion « miraculeuse », à grands renforts de feux d’artifice et de paillettes.
Ses insultes répétées, ses provocations grossières, ses initiatives ostensiblement débiles portent un message clair derrière cette fausse candeur faussement spontanée : « je suis votre chef, je fais ce que je veux, comme je veux, quand je veux et, pour commencer, je vous emmerde ». On pourrait évidemment, puisqu’on se targue d’être en démocratie, juger la méthode un peu culottée si on oubliait que, en bon élève des années « Mitterrand » (et lui-même « bébé Hollande/Attali »), ses provocations et initiatives visent également à repousser tous ses contempteurs, en bloc et sans la moindre espèce de nuance, dans les recoins forcément sombres de l’extrême-droite qui en rappelle d’ailleurs les heures, si l’on en croit l’adage éculé. Extrême-droite qu’en langage moderne, on aime qualifier plutôt de trucosphère ou autre machinosphère (ça sonne tellement plus « cool » et 2.0). Voilà plus de 30 ans que le camp du Bien se fabrique ainsi son adversaire favori, aussi inoffensif qu’efficace. Du moins jusqu’à la prochaine surprise funeste dont ils seront, une fois encore, les seuls responsables et les vierges les plus outragées (avant, une fois de plus, de retourner promptement leur veste).
Ce sire, au fond, est un parfait produit des années 80, une version aboutie – peut-être un peu tardive, c’est l’espoir qu’il nous reste – de l’Homme que ces 30 ou 40 dernières années ont tenté de fabriquer : une imposture, une illusion, un start-up-marabout, une uber-escroquerie. Le philosophe est un cuistre infantile, le « penseur » une machine à poncifs pompeux, le bâtisseur est un vandale, le centriste ouvert est un fanatique borné, l’esthète fin révèle un plouc fini, le « subversif dérangeant » n’est qu’un banal immature inconséquent, le démocrate est un mégalomane totalitaire, et le gendre idéal bienveillant un vicelard narcissique. On ne peut même pas dire qu’il sonne faux : il sonne creux, d’où qu’on toque.
Il ne lui reste plus qu’à compter sur l’effet de sidération que produisent ses pitreries scandaleuses pour – pendant que la plèbe s’offusque à bon droit de la mise à sac sauvage de tout le séculaire édifice sur lequel ce mal élevé s’est laissé hisser pour se goinfrer – engager mécaniquement toutes les liquidations que ses maîtres lui ont commandées.
Ce qu’il fera avec d’autant plus de zèle qu’il a été élu par dépit, vainqueur d’un concours de circonstances, rescapé d’une roulette russe tellement acrobatique qu’il est permis de se demander si le barillet était tout à fait réglementaire. Et soyons sûrs qu’il mènera l’entreprise de démolition bien plus loin que tous ses prédécesseurs puisque, absolument vain et dénué de tout ce qui ressemble à des principes, il est parfaitement polymorphe.
Ce roi nu, si prompt à rabrouer avec la violence puérile qui les caractérise les enfants qui le démasquent, n’est que le zélé valet, le reflet présomptueux d’une époque qui, poussant l’imposture et l’incohérence à des niveaux olympiques, a érigé en « valeurs fondamentales » l’exhibitionnisme pudibond et le puritanisme libertaire. Par son abyssale inconsistance, il est le parfait porte-voix – et le terrifiant porte-flingue – des opportunismes de ses maîtres insatiables. Et ce n’est que parce qu’il lui fallait une histoire, une légende, qu’on la lui a écrite, jusqu’à en faire le fils spirituel d’un philosophe dont il n’était, en réalité, qu’un marque-page. C’est le pion malléable sur lequel, faut-il croire, il était opportun de miser au bon moment. De diverses manières, quelques un(e)s ont su saisir leur chance et tirer le gros lot. Il ne faudrait pas en conclure pour autant qu’un tel individu ne présente qu’un danger « superficiel ». Au contraire. Mais ça n’est pas par son idéologie – quoi qu’on pense de celle à laquelle il s’est vendu – qu’il est dangereux. Il n’en a pas (ou plus exactement, il serait prêt à se vendre à toutes… c’est d’ailleurs ce qu’il fait, à certains égards).

C’est précisément par sa vacuité, pour elle, contre elle, à cause d’elle, ou un peu tout « en même temps », que cet homme sera capable d’absolument tout, sans aucune limite.

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