Jean-Luc Mélenchon
Comme vous le savez, le président des riches a l’intention, à présent,
de s’attaquer aux petits droits des pauvres pour financer les faveurs
qu’il compte encore faire aux dodus de la finance.
Une loi contre les
pauvres va donc être bientôt proposée. Dans la novlangue du pouvoir,
elle s’intitulera sans doute « loi pour libérer l’énergie des pauvres
sans être bridés par les aides sociales ». Ou quelque chose dans le
genre. Quel que soit le titre et le contenu, on forme des vœux pour que
le régime ne décide pas d’enfiler encore ce texte de plus dans le train
sans fin des lois qui naviguent déjà entre les deux assemblées. Car on
se perd entre les annonces provocatrices, les projets de lois qui
pleuvent sur les assemblées et le chaos de « l’organisation » du travail
parlementaire, nuit et jours. Les macronistes aussi d’ailleurs, car ils
ont fini par se prendre les pieds dans le tapis avec leur loi sur les
fake news qu’ils n’ont pu faire adopter dans les délais.
Dans ce tohu bohu arrive cette semaine une loi sur des sujets
essentiels regroupés dans un fourre-tout auquel un communiquant a trouvé
un titre chapeau qui fait croire à un dénominateur commun. Avec les
macronistes, c’est simple : on lit le titre et on est certains que le
contenu dit le contraire. « Loi pour sauver la sécurité sociale », « loi pour sauver la SNCF », « loi pour la liberté de choisir ses études en fac », etc... Ici, il s’agit de la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel ».
On comprend qu’il s’agit au contraire d’enfermer les gens dans le monde
des contrôles sans fin et la jungle des choix pré-contraints. Le texte
traite de l’apprentissage pour y envoyer sans autre choix le plus grand
nombre possible de gens à tous âges, de la production de diplôme
régionaux qui assigneront à résidence ceux qui les passeront.
Après ce galop d’entrée arrive un chapitre sur la formation
professionnelle. Tarte à la crème comprise : la formation est la clef de
la lutte contre le chômage. Le chômage comme résultat de l’incompétence
des salariés est une vieille rengaine réactionnaire qui va être
entonnée comme une tyrolienne. On va donc ressortir la vieille sottise
de « la formation pour rendre adaptable et productif » et autres
tautologies sous lesquelles se nichent en général la dévaluation du
contenu des diplômes et la déqualification durable des salariés.
Après quoi arrive le chapitre sur l’assurance chômage qui est une
toute autre question mais qui pourrait ici être vite assassinée sans
trop de temps perdu à en discuter et à retenir l’attention des futures
victimes. On devine qu’il s’agit d’étatiser le régime et de faire passer
dans l’impôt ce qui est dans la cotisation car celle-ci « nuit à la
compétitivité ». Bref, encore un cadeau aux actionnaires. Plus une pluie
de contrôles de toutes sortes et de sanctions contre les chômeurs qui
n’auront pas répondu à l’appel téléphonique, au mail, à l’offre d’emploi
à 90 km de chez eux, dans une autre branche que la leur, pour un
salaire de misère et ainsi de suite.
Même tarif au chapitre suivant, celui du travail pour les handicapés.
Récemment brutalisés dans la loi logement avec l’objectif de 10%
d’accessibilité là où était prévu avant un objectif de 100%, ils vont
être encore passés à la râpe au boulot. Évidemment ce sera dit en
novlangue : « simplifier l’emploi des travailleurs en situation de handicap ».
Autrement dit : pas d’obligation « excessive », pas de « contraintes
asphyxiantes » donc « libérer l’énergie... blablabla ». Il y aura bien sûr
la touche tendance : des phrases creuses sur le sexisme au travail et
l’égalité professionnelle des hommes et des femmes. Bien sûr sans
« contraintes excessives » ni « d’obligations contraignantes ». Adieu
l’incroyable « dénoncer et flétrir publiquement » (name and shame) et le « référent sexisme » dans l’entreprise annoncé il y a peu. Vu ? Juste libérer l’énergie et blablabla.
Le plus exogène si j’ose dire est le chapitre sur « les travailleurs
détachés » que tous ces gens avaient prévu comme un temps pour célébrer
leur victoire sur le sujet… et qui va nous permettre de montrer de quoi
il retourne vraiment.
Je prie mon lecteur d’excuser cette litanie. Elle est tellement
rébarbative par son hétérogénéité que l’on devine l’intention
d’embrouiller des auteurs de cette loi fourre-tout. Chaque chapitre que
je viens d’évoquer est en soi un sujet spécial et lourd de conséquences.
Empilé de cette façon, il devient totalement indigeste et difficile à
suivre. Passant en juin, elle est quasi imparable dans la rue ou par les
organisations syndicales. Ceux qui vont souffrir dans les mois et les
années qui viennent, c’est-à-dire aussi longtemps que nous ne serons pas
au pouvoir pour annuler tout cela, ne sauront sans doute rien de
l’affaire car leur « temps de cerveau disponible » va être gorgé par les
diversions les plus diverses.
Sentinelles fidèles, les députés et leurs
collaborateurs seront au poste, nuit et jour pour défendre la tranchée.
Un peu de soutien leur ferait du bien aussi.
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