mardi 10 juillet 2018

Breil-Nantes : histoire d’une décomposition morale


Pierrick Tillet

À Breil, le policier qui a tué un jeune homme de 22 ans lors d’un contrôle a donc reconnu avoir menti, révélant crûment la décomposition morale de toute une société.
Car ce policier qui a tiré, « accidentellement » dit-il – c’est-à-dire après avoir dégainé son arme (pour un vulgaire contrôle d’identité !), enlevé le cran de sûreté, pointé le canon en direction du contrôlé, mis le doigt sur la gâchette… accidentellement, peut-être ? – n’est pas le seul à avoir menti.
Tous ses collègues présents lors de ce contrôle ont corroboré sans honte sa première version. Celle de la légitime défense et du sauvetage de plusieurs enfants menacés par la voiture du « délinquant ». Reconnaissent-ils eux aussi la thèse de « l’accident » ? Celle d’une erreur d’interprétation, peut-être, pendant qu’on y est ?
Et les policiers ne sont pas les seuls a devoir être incriminés dans ce naufrage. Faut-il rappeler l’attitude des médias et des politiques – pas seulement de droite et d’extrême droite, comme voudrait maintenant le laisser penser Libération – qui reprirent sans précaution la thèse policière désormais éventée, qui se précipitèrent dans un élan malsain sur tout ce qui, dans son proche passé, pouvait salir la victime.
Comme si le policier, en dégainant son arme, en en retirant le cran de sûreté, en pointant le canon sur Aboubakar Fofana et en lui enlevant la vie (accidentellement !!!), connaissait déjà le casier judiciaire de celui dont il ne savait même pas le nom au moment des faits ! Comme si un casier judiciaire chargé pouvait justifier a priori une condamnation à mort et une exécution.

Un pays profondément malade

Et la honte se répand aussi sur tous ceux, si nombreux, pas seulement de droite et d’extrême-droite, certains même parmi vos amis Facebook ou Twitter, qui se répandirent aussitôt sur les réseaux sociaux en propos vénéneux sur cette “racaille” à éradiquer d’urgence.
Si encore c’était un remord de conscience qui avait poussé le policier coupable à avouer son mensonge. Mais peut-être même pas. Des vidéos de la scène ont été tournées par des possesseurs de smartphone, remises à la justice. Elles montreraient qu’il n’y avait pas de policier menacé par la fuite prétendue du jeune homme comme les policiers le déclaraient, pas non plus d’enfants présents sur place à sauver. Difficile de ne pas revenir sur ses déclarations quand la vérité vous est mise sous le nez.
La vérité est que cette tragédie souligne encore un peu plus la décomposition morale dans laquelle notre société, toute notre société, est tombée. Le choc de l’aveu du policier menteur réveillera-t-il les consciences ? Probablement pas, la déliquescence des esprits est trop avancée. Les morveux regarderont leurs godasses en se trouvant mille excuses et en geignant sur le sort tragique… de leurs bagnoles et de leurs boutiques brûlées par la “racaille” en colère. 
Notre pays est vraiment malade. Profondément malade.


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