jeudi 5 juillet 2018

« Informer n’est pas une liberté pour la presse mais un devoir » (1)


Théophraste

Les incendies de forêts se faisant attendre, les juilletistes n’étant pas encore prêts à provoquer des embouteillages monstres en croisant les aoûtiens, nos médias étaient fort marris d’avoir à rabâcher la nouvelle éculée de la limitation de la vitesse à 80, mesure annoncée depuis des mois déjà.

Par bonheur, un hélicoptère se posa dans la cour d’une prison, emporta un dangereux braqueur et, là, journaleux, médiacrates, spécialistes en hélicoptères, experts en cours de prison, docteurs en évasions, débatteurs chevronnés en faits de sociétés, matons, garde des sceaux, Premier ministre, secrétaire du syndicat de police Alliance, avocats du fuyard, défenseur des victimes, paysan ayant vu passer l’hélicoptère au-dessus de son champ, éditeur d’un livre du voyou aérien, se répandirent sur les ondes jusqu’à les saturer.
Par suite, le vide redouté étant comblé par un trop plein, il ne reste plus une seconde pour parler de l’ouvrier écrasé par une dalle de béton, ou asphyxié au fond d’une cuve, ou démembré par un mécanisme, ou pulvérisé par une explosion, ou dissout dans de l’acier en fusion, ou tombé d’un échafaudage.
Et nos médias le déplorent : les accidents du travail sont de bons sujets, spectaculaires, porteurs d’émotions, toujours accompagnés des larmes des collègues, de la famille et du voisinage. Si le mort était jeune marié et père d’enfants en bas âge, c’est encore mieux. Bien, aussi, le décès brutal à quelques semaines de la retraite.
Mais, que voulez-vous, plus de temps, plus de temps !
Et donc, inspecteurs du travail, délégués à l’hygiène et à la sécurité, camarades d’atelier, pompiers, Samu, médecins, chirurgiens, experts en dalles de béton, gaz asphyxiants, écrabouillage des os, acier liquide, chutes vertigineuses, sont condamnés à rester à la porte des studios. Croyez qu’on le regrette lors des conférences de rédaction, mais on est obligés de vous parler en boucles du bandit qui s’est fait la belle.

De toute façon, les accidents de travail, il y en a trop. Impossible de les évoquer tous. De plus on a remarqué que tout corps social se porte bien si le thermomètre est cassé.

Théophraste R. Directeur-adjoint du think tank pour la production d’études sur la médiatisation des canailles et des accidents (de la route).

(1) Devise du site legrandsoir.info

Le Grand Soir

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