Anticor
Dans le cadre du projet de loi contre la fraude fiscale, le Sénat a voté un aménagement très limité du verrou de Bercy.
Le Sénat a examiné ce mardi 3 juillet le projet de loi contre la fraude fiscale, défendu par Gérald Darmanin.
Suite à des débats nourris sur la
question du verrou de Bercy, la majorité sénatoriale, avec le soutien du
gouvernement, a voté un aménagement très limité de cette exception
française qui donne au ministère des Finances le monopole en matière de
poursuites pénales pour fraude fiscale, et institue une justice à deux
vitesses et une impunité pour les fraudeurs fiscaux.
Malgré plusieurs amendements qui auraient
permis une véritable ouverture, sur la base notamment des propositions
du récent rapport de la mission d’information parlementaire, le verrou
de Bercy persiste encore largement.
Les dispositions votées aujourd’hui par
la majorité des sénateurs, ne permettent pas, loin s’en faut, de donner à
la justice un rôle dissuasif effectif et de garantir que les cas de
fraude les plus graves et les montages douteux de grandes entreprises
soient jugés et sanctionnés de manière exemplaire. En effet, très peu de
dossiers resteront transmis à la justice, sur la base de critères très
restrictifs. De plus, l’examen conjoint par l’administration et la
justice, tout comme la possibilité pour la justice de s’autosaisir ne
sont pas prévus.
Le Sénat a également étendu la Convention
Judiciaire d’Intérêt Public (CJIP) à la fraude fiscale : cette
disposition très dangereuse permettra aux entreprises poursuivies par la
justice pour fraude fiscale de passer une convention transactionnelle
validée par le juge, et de simplement payer une amende, sans
reconnaissance de culpabilité. C’est un nouveau système de justice à
deux vitesses qui est introduit, où les fraudeurs fiscaux sont traités
différemment des délinquants de droit commun. Cela permettra à des
sociétés responsables de fraudes d’ampleur de conserver tous les
bénéfices de l’innocence, contre le versement d’une amende qui ne pourra
par définition jamais être dissuasive.
Les derniers scandales d’évasion fiscale,
en tête desquels les Panama et Paradise Papers, ont pourtant montré que
les dispositifs actuels de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale
sont insuffisants. Pourtant, la majorité sénatoriale a aussi refusé de
créer un registre public des propriétaires des sociétés permettant de
lutter contre les sociétés écrans, alors que la France devra à terme se
conformer à cette obligation dans le cadre de la transposition de la 5e
directive anti-blanchiment.
Par ailleurs, la transposition de la
liste européenne des paradis fiscaux dans le droit français, proposée
par le gouvernement, doit poser question : il est hypocrite que la
France considère désormais comme paradis fiscaux des pays qui ne jouent
aucun rôle dans les schémas d’évasion fiscale tout en continuant
d’exclure d’office des pays européens comme l’Irlande de sa liste noire.
Qui a déjà entendu parler de la Namibie dans des montages d’évasion
fiscale ?
C’est maintenant à l’Assemblée nationale
d’étudier le texte, qui devrait être examiné début septembre dans
l’hémicycle : les députés devront saisir cette opportunité pour
rectifier le tir et prévoir enfin des mesures qui ne se réduiront pas
aux apparences et aux déclarations d’intention.
Anticor - Attac - CCFD -Terre Solidaire - Oxfam France - Sherpa -
Syndicat de la Magistrature.
anticor.org
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