Jean-Luc Mélenchon
En Espagne, la télévision et la radio publique sont de grossières
officines du gouvernement.
Une situation inimaginable en France, cela va
de soi. Le journal télévisé en particulier est spécialisé dans des
manipulations et reportages à charge contre l’opposition. Une situation
dont on ne peut avoir idée en France non plus, même si l’on a dû
déplorer un trucage condamné par le CSA et un « reportage » mensonger sur mon immunité parlementaire par la direction politique de l’information sur France 2.
Le nouveau gouvernement espagnol a donc entrepris de libérer
l’information publique de l’influence directe de la droite et de
l’extrême droite sur les rédactions. Aussitôt, la sainte corporation
locale pousse ses cris habituels. Elle le fait avec une hargne qu’on ne
peut concevoir en France. On accuse directement Podemos d’être à la
manœuvre et de vouloir exercer un contrôle sur l’info. Sous-entendu : ce
contrôle revient naturellement à la droite éthique, indépendante et bla
bla bla.
Ici, le plus grotesque est permis. Là où la presse française à TF1 et
France Infaux se contentait de dire avec humour et légèreté que je
proposais de quitter l’Union Européenne pour adhérer à l’ALBA (alliance
bolivarienne pour les Amériques) de Chavez, la presse libre et éthique
espagnole accuse Pablo Iglesias de vouloir organiser l’émission « Aló
Presidente » de Chavez à la télévision espagnole. Du coup, de façon
totalement apolitique cela va de soi, toute la droite et l’extrême
droite du Parlement espagnol vote contre les nouveaux commissaires
proposés pour remplacer les sortants qui doivent élire le nouveau
président de la télévision publique.
Car, comme nous le proposons nous-mêmes d’une façon qui montre bien
notre extrémisme populiste chavézien, les institutions espagnoles
prévoient que le Parlement participe à la nomination de ce personnage.
Bien sûr, au cas particulier, il s’agit pourtant de candidatures de
journalistes reconnus dans leur profession. Mais chacun comprend qu’un
journaliste ne peut l’être vraiment s’il est dans notre mouvance
culturelle anti-libérale tandis que même un fasciste ou des menteurs et
truqueurs patentés le sont naturellement. Toutes ces nuances n’existent
pas en France heureusement.
C’est pourquoi sans aucun doute ma proposition d’un conseil déontologique des médias présentée sous forme d’amendement dans la loi sur les fake news
cette semaine sera sans doute soutenue par la profession, même si le
SNJ, qui représente 53% des votes de la profession et qui le propose
depuis des années, a déjà eu l’occasion de dire tout le mal qu’il pense
de moi en toute indépendance. De même les syndicats qui déplorent
l’instauration de conseils d’éthique dans les rédactions parce qu’ils
leur reprochent d’être des moyens de contourner la charte de Munich qui
devrait suffire selon eux et être introduite dans les conventions
d’entreprises.
Le chef de l’État avait accepté d’en parler avec moi mais, depuis six
mois, la seule date disponible pour lui a été annulée. Je le regrette
car je me crois capable de le convaincre compte tenu de ce que je l’ai
entendu dire. Il ne s’agit pas dans ce domaine de donner un avantage à
nos thèses contre d’autres ou de nous donner un quelconque pouvoir du
type de ceux qu’on observe en Espagne. Il s’agit d’un recours qui ne
comporte aucune sanction financière ni professionnelle. Seulement une
sanction morale publique.
Bref : s’éviter de tout devoir traiter devant
la justice, s’éviter de devoir subir des faux et des campagnes de
bashing sans réagir. Bref de bref : avancer vers une pratique civilisée
du droit imprescriptible de la critique et de la liberté des médias.
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