Pierrick Tillet
À chaque Mundial de foot, c’est la même chose : les donneurs de
leçons sortent de leurs gonds et fustigent l’opium du peuple au nom
duquel ils parlent si souvent.
Voilà que pour ceux-là, le “peuple” en question serait soudain devenu
une vulgaire “meute” de “dégénérés” et de “moutons” écervelés à qui on
en profiterait pour faire tout avaler.
Il aurait pourtant suffi aux donneurs de leçons, pour se convaincre
du contraire, d’assister à la dernière finale de coupe de France, quand
le président Macron, en remettant le trophée à l’équipe victorieuse,
s’est fait copieusement huer par toutes les travées du stade (sauf
peut-être la tribune officielle).
À propos de jeux du stade, on leur rappellera aussi que le geste de
deux sprinters américains levant leurs poings gantés eut un impact
subversif planétaire bien plus considérable que ne l’aura jamais leur
activisme révolutionnaire confidentiel.
Vous savez sur quoi je lis les commentaires des matchs de ce Mundial ? Sur Cubadebate,
un webmagazine de l’île révolutionnaire castriste. Le foot est loin d’y
être le sport le plus populaire (le base-ball – un sport US ! – vient
avant), mais ils n’en ratent pas une miette et leurs analyses sont d’une
pertinence rare. Croyez-vous pour autant qu’ils soient vendus aux
intérêts des méchants capitalistes ?
Doit-on condamner les passions humaines parce que des salopiots les pervertissent ?
Que des gougnafiers tentent de récupérer toutes les passions humaines
pour vendre leurs salades ou faire passer leurs saloperies, c’est
évident. Bien sûr que l’argent du foot est obscène. Bien sûr que
d’aucuns vont tenter de profiter du succès éventuel de leur équipe pour
tenter de redorer leur blason politique bien terni.
Et alors ? Doit-on condamner les passions humaines parce que des
salopiots les pervertissent ? Le foot, ce n’est pas seulement du pognon
et de la dope, c’est aussi la passion de mômes qui vont taper le ballon
(même en chiffon) à la première occase. Et c’est aussi ceux-là, de 7 à
77 ans et des poussières, qui ne rateront pas un match de la Coupe du
monde en Russie. Au nom de je ne sais quelle éthique étriquée vous
arrogez-vous le droit de leur gâcher le plaisir ?
On a parfaitement le droit de ne pas aimer le foot, bien sûr, mais de
là à lâcher vos anathèmes de commissaires politiques sur ceux qui y ont
goût, vous devriez faire gaffe, les gars : non seulement vous êtes
chiants, mais votre révolution, vous allez pouvoir continuer un bon bout
de temps à vous la ruminer tout seuls dans vos réduits.
Le peuple, lui,
n’est peut-être pas toujours aussi malin que vous, mais il se fout de
vos aigreurs comme de son premier maillot de minime.
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