Bernard Gensane
François Ruffin est tombé récemment sur un sujet de bac en sciences économiques conçu pour les candidats libres, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent, pour diverses raisons, suivre les cours en lycée :
« Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail permettent de lutter contre le chômage structurel. »
On note que ce sujet ne pose pas une question mais demande de justifier une affirmation (zum Befehl !). Tout aussi scandaleusement tendancieuse eût été la proposition inverse : « Á l’aide de vos connaissances du dossier, vous montrerez que les politiques de flexibilisation du marché du travail contribuent à l’aggravation du chômage structurel. »
François Ruffin qui, comme le banquier éborgneur est amiénois, a fait ses études au collège-lycée confessionnel La Providence à Amiens. Je suis toujours amusé de voir des enfants issus de milieux pas foncièrement catholiques étudier « chez les curés », comme on disait de mon temps. Mais, dans La Distinction, Bourdieu nous a expliqué tout cela en 700 pages. Laurent Delahousse, Jean-Paul Delevoye, Gilles de Robien, Wallerand de Saint-Just ont traîné leur fond de culotte dans ce prestigieux établissement sur les traces fictives du chevalier des Grieux dans Manon Lescaut et celles bien réelles du, pour sa part, très catholique Maréchal Leclerc de Hautecloque.
Feignant, j’imagine, l’innocence, Ruffin demande si c’est le banquier éborgneur qui choisit les sujets du bac. C’est plus grave que cela. Le banquier n’a pas à donner d’ordre, comme dans une dictature vulgaire. Désormais, les fonctionnaires anticipent. Un sujet de bac est mis au point par une commission d’enseignants qui transmet à l’Inspection générale le produit de ses réflexions par la voie hiérarchique. L’horreur banquière citée ci-dessus a été élaborée, connue, remaniée par une bonne dizaine de personnes avant d’atterrir sous les yeux des candidats.
On peut parler d’une Bérézina dans l’École de la République.
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