Jean-Luc Mélenchon
Ouf ! L’insupportable suspens prend fin. On n’avait plus d’ongle à ronger, plus de cheveux à s’arracher, et plus de mains à se tordre d’angoisse.
Ce matin trente juin, Éric Piolle annonçait sa candidature à l’élection présidentielle. Ce soir ce fut Yannick Jadot. Avant cela, David Cormand, influent ancien secrétaire national des Verts avait asséné : « une candidature commune d’EELV et du PS n’aurait pas de sens ». Avant-hier Olivier Faure avait non seulement répété qu’il y aura une candidature du PS mais qu’elle seule serait en « état-de-rassembler-bla bla bla ». Le contraire de ce avec quoi il avait réussi à berner pendant des mois (presque) tout le petit monde des commentateurs et autres choristes de l’unité à tout prix. Le contraire des réunions « pour la candidature commune » convoquées par Jadot lui-même et stoppées sans crier gare et sans question à ce sujet de qui que ce soit. Et puis, Anne Hidalgo vient de reprendre à zéro sa campagne de lancement : elle « réfléchit », « prépare un groupe pour un projet », réunit des soutiens de notables. Après avoir dit qu’on verrait bien en février prochain… Ainsi se confirme en fait ce que tout le monde savait depuis des mois et des mois : il y aura une ou plusieurs candidatures issues du pôle écolo, dans et hors la primaire de ce parti. Et il y aura au moins une candidature du PS. Tout le monde le savait. Tout le petit monde ! Mais le feuilleton de cette comédie devait avoir lieu. Chacun joua de gré ou de force le rôle que lui assignait la petite galaxie du commentaire politique pourtant bien au courant de la situation réelle.
Pour ma part, c’est en le sachant que j’ai pris ma propre décision d’être candidat en novembre dernier. Je ne m’en suis jamais caché. On me demanda seulement doctement si ce n’était pas « trop tôt », question de fond, on le sait bien !! Quand leur demandera-t-on si ce n’est pas trop tard de se déclarer candidat seulement huit mois avant l’élection, sans programme et sans équipe ?
Puis je fus rendu responsable de la « division ». Enfin commença la petite musique selon laquelle je serais « le problème à gauche » dont il faudrait « se débarrasser » selon les mots délicats de l’ancienne bras droit de Julien Dray devenue depuis l’égérie du club islamophobe, le « Printemps Républicain ». Alors mesdames, messieurs, le problème c’est toujours moi ? Pas les 3 ou quatre autres candidatures dans chaque famille et qui s’annoncent en concurrence assumées dans votre merveilleux espace fraternel de la gauche traditionnelle ? Moi… et pas votre sectarisme venimeux qui vous a fait exclure tous ceux que vous pouviez aux deux tours des élections régionales ?
Le problème ? Oui il y a en a un pour vous quand il s’agit de moi ! C’est que je cote deux fois plus que chacune de vos candidatures dans les sondages, même quand on m’inflige une abstention différentielle de trois ou quatre points de plus qu’à vous sans le dire ! Problème parce que l’annonce de Jadot provoque 14 retweets en tout et pour tout une demi-heure après son annonce de candidature sur TF1 quand j’avais provoqué 30 000 signatures de parrainage dans le même délai ! Je ne me vante pas : je sais bien que je suis encore loin du compte pour franchir la barre d’accès au deuxième tour. Mais pourquoi refuser de m’aider ? Pourquoi relayer la moindre infamie possible contre moi ? Il y a un problème parce que j’ai un programme clair et charpenté dans le détail que tout le monde peut connaître. Et il a encore donné lieu déjà à quatre numéros d’une revue vendue à dix mille exemplaires de moyenne chacun depuis janvier. Et vous ? Un problème parce que je dispose, avec 23 parlementaires aguerris, connus de millions de Français de quoi faire un gouvernement en état de fonctionner. Et vous ?
Le problème le voici : pourquoi avez-vous un problème avec moi ? Mon rejet des manifs de flics factieux auxquelles vous avez participé ? L’islamo-gauchisme dont Darmanin et Vidal m’accusent ? Le complotisme dont m’accuse le CRIF et le Printemps Républicain ? Êtes-vous devenus seulement le miroir des modes du bashing permanent qui tient lieu désormais d’info en continu à mon sujet ? Avez-vous vu ces cent vingt mille tweeteurs exprimer à visage découvert leur lassitude d’être traités « d’ennemis de la République » et affichant leur soutien aux insoumis ? Comprenez-vous le sens d’une telle vague sans précédent ? Celle de la dignité de nos choix et de notre indignation d’être traités de cette façon odieuse ?
Alors je fais un pari. Je vous crois. Je crois que vous avez en tête mieux que vous même ou vos logos. Je crois que vous acceptez d’assumer que nos programmes ne sont pas les mêmes. Je ne parlerai pas pour vous, je m’en tiens à nous. Nous sommes le mouvement de la rupture avec les règles du jeu de ce monde qui épuise les êtres humains et la nature. La rupture ! Et vous ? Puisque l’union de la gauche n’existera pas parce que les programmes sont faiblement compatibles et que nous le savons tous depuis des mois, tournons la page dans la dignité d’un divorce par consentement mutuel ! Sans casser la vaisselle ni accabler nos voisins de nos éclats de voix. À mes yeux, aujourd’hui le temps n’est plus celui de « l’union de la gauche » de François Mitterrand et Georges Marchais, l’un et l’autre d’heureuse mémoire pour maints d’entre nous. Mais désormais si loin de toute actualité, si pleine de piques, d’hypocrisie et de haines recuites depuis les mystifications de « l’ennemi de la finance » avec qui vous avez gouverné ! Pour les Insoumis, pour moi, l’heure est à l’union populaire. C’est à dire au rassemblement majoritaire du peuple. Comment ? Avec le programme qui rend possible cette union et donc cette majorité.
Faisons confiance à l’intelligence que nous sollicitons chacun de notre côté. Les électeurs vont choisir un programme, une sincérité, une crédibilité. C’est le cap de la campagne que nous engageons.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire