vendredi 29 décembre 2023

Buisson : ça sent le soufre

Antoine Manessis

Le Figaro, qui perd l'un des siens, titre de façon révélatrice : "Patrick Buisson, figure intellectuelle et politique de la droite conservatrice, est mort".

Droite conservatrice ? Certes il y a de ça chez Buisson. Mais nous aurions écrit de l'extrême-droite conservatrice.

Si, en effet, l'extrême-droite n'est pas un bloc homogène et que différentes sensibilités la composent, et parfois s'opposent, il reste les dénominateurs communs qui font cette famille politique. Et Buisson en est sans conteste.

Il en portait tous les stigmates: membre de l’Action française dans sa jeunesse, il dirige la Fédération nationale des étudiants de France (FNEF) de Nanterre, il a été journaliste à l’hebdomadaire néo-fasciste et raciste Minute de 1981 à 1987 puis a rejoint le magazine néo-fasciste et raciste Valeurs Actuelles.

Comme beaucoup des ses amis politiques il a eu maille à partir avec la justice condamné en 2014 pour avoir enregistré à l’Élysée des discussions avec Nicolas Sarkozy, à son insu.  Il a été condamné en janvier 2022 à deux ans de prison avec sursis et 150.000 euros d'amende pour recel de favoritisme, abus de biens sociaux et détournement de fonds publics dans l’affaire des sondages de l’Élysée, 130 factures pour des conseils, dont une quinzaine de sondages, payées par la présidence de la République sans appels d’offres préalables.

L'amour de la messe en latin ne dispense pas des tentations sonnantes et trébuchantes.

Conseiller de Nicolas Sarkozy, qui lui doit "droite décomplexée et identité nationale", des thématiques dont l'omniprésence actuelle au sein de toutes les droites (y compris macroniste) montre les progrès idéologiques de l'extrême-droite, il fut proche et soutien (éphémère) de François Fillon, de Philippe de Villiers, de Nicolas Dupont-Aignant.

Il fut, ce n'est pas anodin car l'histoire est un front de lutte essentiel, de 2007 à 2018, directeur de la chaîne de télévision Histoire. Chaîne du groupe Bouygues-TF1. Un fasciste placé à un tel poste par l'un des poids lourds du capitalisme français, on vous laisse formuler les conclusions évidentes.

On ne peut que constater qu'il n'y a pas de Muraille de Chine entre le néo-fascisme et la droite, combien grande est la proximité idéologique de la droite et de l'extrême-droite. La question sur ce qui les sépare est très schématiquement : faut-il ou non briser les os de l'adversaire, qu'est-ce qui est le plus opportun ? Cela a des conséquences politiques, sociales, institutionnelles... de la plus haute importance pour la gauche et le mouvement social et sombrer dans le bordiguisme est une faute politique gravissime à nos yeux. Mais la lucidité, quant à la matrice commune de toutes les droites, ne peut être négligée : il y va de sa nature de classe, le bourgeoisie peut être libérale ou autoritaire, sociale-libérale ou fasciste. C'est son analyse de la situation qui détermine ses choix, et donc certainement pas des considérations éthiques, les "valeurs de la République" ou autres fariboles.

Marion Maréchal-Le Pen et Eric Zemmour furent ses dernières amours. Ce qui prouve que lorsque Le Figaro parle de "droite conservatrice" il confirme notre analyse et démontre que le fascisme est dans les gènes de toutes les droites. Car ne pas classer Zemmour et Maréchal parmi les néo-fascistes est impensable pour un esprit rationnel, exceptons quelques politologues pointilleux et aveugles qui ne considèrent qu'on ne peut parler de fascisme que si le chef du mouvement d'extrême-droite s'appelle Benito et que ses troupes ont un tropisme marqué pour les chemises noires.

L'union des droites fut un axe du projet politique de Patrick Buisson, l'union des droites contre la gauche. Une union sur un programme d'extrême-droite. Les réactions à son décès sont encourageantes pour lui, même à titre posthume. D’Éric Ciotti à Marine Le Pen en passant par Éric Zemmour, les hommages affluent à droite pour cet homme d'Ancien Régime qui détestait la Révolution française dans laquelle il voyait le début d'un inexorable déclin, d'une chute "loin de Dieu et du Roi". Ils en sont là.

On attend, avec curiosité, la réaction de Macron, son frère en pétaino-maurrassisme.

Antoine Manessis 

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