samedi 2 décembre 2023

Européennes : à gauche !

Antoine Manessis

Les élections européennes ? Parlons-en !

Pour un militant de gauche, pour un marxiste plus encore, le suffrage universel est une conquête populaire obtenue de haute lutte. De plus pour Karl Marx la revendication du suffrage universel, loin d’être purement démocratique, est aussi implicitement socialiste. "L’adoption du suffrage universel en Angleterre serait par conséquent une réforme bien plus socialiste que tout ce qui a eu l’honneur de recevoir ce nom sur le continent : son résultat inévitable serait, ici, la suprématie politique de la classe ouvrière" écrit-il dans The New-York Daily Tribune

On trouve dans ce texte la première exposition claire par Marx (ou Engels) de l’idée d’un passage démocratique et pacifique au socialisme. Marx considère vraisemblablement que, une fois cette condition démocratique réalisée, l’édification d’une société communiste pourra être initiée sans en passer par une nouvelle révolution, dans la mesure où la classe ouvrière – majoritaire – possédera de fait le pouvoir.

Durant la même période Engels défend un modèle révolutionnaire jacobin et "l'art de l’insurrection". Divergence entre Engels et Marx? Non. Ce sont plutôt les spécificités de la situation socio-politique qui détermine leur positionnement respectif. Marx analyse la situation en Angleterre, Engels celle de la France et de l'Allemagne. Tous deux anticipant la célèbre sentence de Lénine "la substance même, l'âme vivante du marxisme (c'est) l'analyse concrète d'une situation concrète".

On le voit, c'est dans un contexte historique particulier que s'inscrit tel ou tel mot d'ordre concernant les élections (et d'ailleurs pas seulement les élections).

Donc quel est le contexte des Européennes qui auront lieu en juin 2024 ? 

Politiquement la montée de l'extrême-droite est inquiétante. Même sans être au pouvoir, celle-ci commence par occuper les rues, agresse et matraque. Son racisme n'est même plus caché. On imagine facilement ce qui se passerait avec Marine Le Pen à l'Elysée et une police passive et/ou complice. La sous-estimation du saut qualitatif entre Macron/Darmanin et Le Pen/Zemmour semble échapper à une fraction de la gauche. Faute politique majeure. Mais rien n'est inéluctable.

À gauche il y a éparpillement, ce qui d'ailleurs veut dire irresponsabilité préoccupante quant à ce qui précède. Mais les faits sont là. Quatre listes de gauche (La FI, le PCF, le PS et EELV) sans compter d'éventuelles listes d'extrême-gauche. Pourquoi 4 listes ? Parce que la gauche molle (PCF, PS et EELV) espère, grâce aux européennes, rééquilibrer le rapport des forces avec la gauche de gauche, le France Insoumise. Tout cela dans la perspective des présidentielles. 

Le pôle qui s'est imposé à gauche en 2022, grâce au suffrage universel, est le pôle de rupture avec le néolibéralisme et potentiellement avec le capitalisme. C'est cela qui est inacceptable pour la bourgeoisie qui, depuis, s'acharne contre la FI qui représente un véritable danger pour ses intérêts.

Donc, soutenir la gauche de rupture est une responsabilité politique et morale pour tout citoyen, toute citoyenne attaché-e à la démocratie et à la République. Pour juin 2024, dans la perspective de 2027. 

Soutenir la gauche qui a eu, contre tous, le courage d'accomplir son devoir internationaliste vis à vis du peuple palestinien doit s'imposer à tout esprit critique et lucide. 

Renforcer la gauche de gauche face à la liste du RN s'impose tout autant. Si au sortir des européennes le RN sortait vainqueur, on sait bien que ce résultat serait une rampe de lancement pour le néo-fascisme surtout dans le contexte européen que nous connaissons. Il n'y a là rien qu'un minimum de bon sens ne dicte.

Et l'UE dans tout ça ? On peut dire sans hésitation que la question est secondaire. Le crétinisme pro-UE libérale, ses institutions, son atlantisme, comme celui qui fait du Frexit un Deus ex machina révolutionnaire,  sont aussi bornés et stériles l'un que l'autre. Qui plus est, réduire la gauche de transformation (la FI) à une "euro-gauche, euro-soumise à la dissolution de la nation et obsédée par les punaises de lit" est inepte et indécent quand tous les médias et toutes les droites criminalisent comme jamais la France Insoumise.

L'abstention et plus encore le boycotte dans le contexte qui est le notre, consiste à renforcer le caractère censitaire des élections. Au contraire voter pour la France Insoumise sera confirmer le choix de la rupture, de l'internationalisme, du refus du racisme et du néo-fascisme.

Tous les partis communistes un peu conséquents et ayant encore une audience populaire se présentent aux Européennes : le PCP (parti communiste portugais) ou le KKE (parti communiste de Grèce) ou le PCE (parti communiste d'Espagne) présent sur la liste de la coalition de gauche SUMAR. Trois partis qui par ailleurs n'ont pas les mêmes lignes. Seule une mini-secte française aurait raison? Allons, soyons sérieux.

Ceux qui n'iront pas voter, qu'ils le veuillent ou non, qu'ils en aient conscience ou pas, voteront Le Pen, ils ouvriront la voie au néo-fascisme. En affaiblissant le seul vrai barrage, la FI, et la seule force politique de masse qui s'inscrit dans une dynamique qui peut aboutir à la rupture avec le capitalisme.

Nous devrons massivement voter pour la France Insoumise, pour la gauche, contre les droites et le néo-fascisme.

Antoine Manessis

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