lundi 29 janvier 2024

Agriculture paysanne et anticapitaliste

Antoine Manessis

Le mouvement qui secoue le monde agricole est l'expression de la crise profonde que le capitalisme provoque au sein de l'agriculture. 

Il n'est pas question de nier que la revendication centrale de ce mouvement est juste : pour les agriculteurs pouvoir vivre de leur travail. Cela étant on doit s'interroger sur l'organisation professionnelle qui est hégémonique dans le monde agricole à savoir la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles) et qui a participé à la mise en oeuvre de la politique dont meure l'agriculture paysanne.  

À travers les divergences qui apparaissent au sein des revendications et des modes d’action des agriculteurs, transparaissent les disparités qui structurent la profession où les petits paysans et les grands capitalistes de l'agriculture n’ont pas les mêmes intérêts ni les mêmes vues sur le mouvement de colère qui agite le pays.

Après des actions pour beaucoup spontanées, la FNSEA veut reprendre la main en affirmant à la fois son rôle leader dans le mouvement mais aussi son alliance avec les droites et le pouvoir. 

Le président du puissant syndicat agricole est révélateur des contradictions qui traversent l'agriculture, étant lui-même président d'un groupe agroalimentaire international (Avril soit Isio 4, Lesieur et Puget...). Le groupe compte 73 sites industriels, dont 55 en France. Présent dans dix-huit pays.

Les difficultés matérielles des paysans ont pour corollaire l'excellente santé des grands groupes agroalimentaires. 

En fait la contradiction principale est le conflit entre la logique d'une agriculture paysanne et la logique industrielle. Une logique industrielle qui est de plus plongée dans la mondialisation capitaliste. Ainsi la France importe 40 % de ses fruits, 60 % de ses légumes, 50 % de ses poulets non par nécessité mais parce que ce qui dirige l'agriculture mondiale, c'est la loi du profit.

Les accords internationaux n'ont pas d'autre logique tel le Mercosur accord de libre-échange entre l'UE et le Mercosur. Cet accord est antidémocratique, il viole des droits des paysan-nes et des engagements climatiques. La Commission européenne et certains États membres de l’UE tentent de trouver un moyen d’approuver un tel accord, sans que le contrôle démocratique des parlements nationaux, l’impact réel ou la mise en œuvre de mesures “environnementales” soient pris en compte.

Les produits agricoles sont traités comme n’importe quelle autre marchandise, au mépris des droits de l’homme, des crises du climat et de la biodiversité, de la souveraineté alimentaire et des droits des producteurs alimentaires à un revenu équitable. Les paysans subissent les conséquences de la déréglementation des marchés agricoles par le biais du régime international de libre-échange. Les intérêts des entreprises agroalimentaires sont placés avant ceux des paysans.

La marchandisation de la terre, de l’eau et des semences conduit à l’appauvrissement des populations rurales.

Et les gouvernements soutiennent les intérêts d’une élite de l’industrie alimentaire qui est responsable du désastre écologique de la planète.

La Confédération paysanne et le MODEF sont minoritaires mais ils défendent des positions qui montrent la complémentarité de la démarche paysanne et écologique. Quand les droites, au contraire, tentent d'opposer les aspirations des uns et des autres.

On constate donc que les mesurettes ridicules de Gabriel Attal et de la Macronie, loin de régler quoi que se soit, ne sont que de la poudre aux yeux dont l'objectif est de briser un mouvement souvent parti de la base et qui n'est pas entièrement contrôlé par la FNSEA qui est le cheval de Troie du capital dans l'agriculture et l'outil de l'alliance historique du monde paysan et de la bourgeoisie. 

L'attitude de Darmanin, faisant savoir qu'il n'enverrait pas ses troupes et ses LBD contre les paysans, est révélatrice de la volonté de conserver cette base de masse aux droites. Mais les temps ont bien changé et désormais les contradictions entre différents secteurs du monde agricole sont telles qu'elles permettent d'imaginer une alliance entre les mouvements populaires des villes et des campagnes.

On peut penser que les manœuvres conjointes du gouvernement et de la FNSEA pourront venir à bout du mouvement actuel. Mais les contradictions demeurent.

À suivre aussi la Coordination rurale, orientée à droite voire à l'extrême-droite, qui peut tenter de jouer sa carte à l'approche des élections européennes.

Un autre modèle agricole est une nécessité non seulement pour l'agriculture paysanne, les paysans mais aussi de toute la société. La coopération internationale et la solidarité entre les peuples, les accords de coopération bilatéraux ou bi-régionaux sont souhaitables et possibles loin des accords de libre-échange capitalistes.

Antoine Manessis 

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