vendredi 3 mai 2024

Raciste, malhonnête et ignoble

Antoine Manessis

" Je suis ravie qu'Oriane Mancini se mette à l’arabe, il y a du bon à comprendre une autre langue, même si je préférerais qu’elle se mette à l’histoire et au droit international pour traduire la réalité palestinienne. J’ai hâte de venir sur votre plateau Mme Mancini."

(Rima Hassan)

Sur LCP (la chaîne parlementaire Public sénat)) la journaliste Oriane Mancini, si l'on ose encore utiliser ce terme pour la qualifier, présentatrice de la matinale de la chaîne "Bonjour Chez Vous !", s'est livrée à une agression raciste absolument stupéfiante, alors qu'elle recevait l’élu Insoumis Manuel Bompard.

Voici la scène de crime  : https://www.dailymotion.com/video/x8xngk8

Résumons

Parce que Rima Hassan est franco-palestinienne, les mots qu'elle prononce devraient être traduits en arabe et c'est ce que fait l'intervieweuse de Manuel Bompard, député de la FI, en lui disant que Rima Hassan avait incité les étudiants de Sciences Po Paris au soulèvement et que ce mot se traduit en arabe par Intifada. Et donc Bompard et la FI  appellent-ils aussi à une Intifada à Paris ?  "On imagine que Rima Hassan qui est franco-palestinienne n'a pas utilisé ce mot complètement au hasard" ajoute-t-elle. Et cela après les propos de Mélenchon qui a reproché à la présidente de l'Assemblé nationale de "camper à Tel-Aviv" on est en droit de s'interroger, dit-elle. Comme Bompard la remet à sa place, Mancini insiste et demande à Bompard s’il est "cynique ou irresponsable". Bompard, faisant preuve d'un sang-froid méritoire, lui demande si sa question est "malhonnête ou ignoble".

LCP et Public sénat sont deux entités qui ne sont pas soumises à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). Leurs présidents respectifs sont nommés par le Bureau de chaque assemblée. Et c'est peut-être là une explication possible à cette saillie grossièrement raciste. Les présidents des deux Chambres sont Yaël Braun-Pivet (Macronie) et Gérard Larcher (LR). On est donc en droit de penser que les deux initiateurs d'une pseudo "marche contre l'antisémitisme" avec le Rassemblement National* ne sont pas des barrages aux racismes. Leur soutien "inconditionnel" au gouvernement fasciste d'Israël permet au contraire de penser qu'ils sont des vecteurs de propagation et de légitimation du virus raciste.

Le propos délirant et odieux de Mancini ne nous semble pas une bavure individuelle. Cela possède tous les stigmates de la préméditation. Il a bien fallu qu'elle se renseigne sur la prétendue traduction de soulèvement comme intifada. Il y a bien eu un comité de rédaction pour valider cette ignominie. Quoi qu'il en soit, cette ou ces personnes n'ont rien à faire sur une chaîne publique. À moins de se livrer à des excuses publiques. Un signe de plus, particulièrement inquiétant de la pénétration du racisme dans les médias. 

Citons quelques réactions 

"Mais où sommes-nous ? Où sont les questions sur les charniers découverts à Gaza ? Sur la libération des otages ? Il faut que cesse ce débat médiatique asphyxiant", a déclaré Clémentine Autain. "Mais quelle honte. Parce que Rima Hassan est franco-palestinienne, on traduit ses mots en arabe parce qu'on soupçonne qu'elle ait voulu dire autre chose ? Cette séquence est écœurante. Public Sénat, c'est ça votre vision du service public ?", a lancé Clémence Guetté.

Pour Paul Vannier, député LFI du Val d'Oise, il s'agit de "journalisme raciste". "Du jamais vu ! Traduire les tweets de Rima Hassan en arabe pour lui prêter des mots et des intentions cachés. La honte. De CNews à Public Sénat, l'axe du racisme décomplexé. Dégueulasse !", s'est indigné Bastien Lachaud, élu de Seine-Saint-Denis. "Vous êtes à vomir !", a lâché Thomas Portes, qui a aussi considéré la séquence comme du "racisme ordinaire".

Oui, racisme ordinaire mais aussi décomplexé par un lent processus de pourrissement du discours des partis de droite (Macronie, LR...) qui ont adopté le même discours que celui de l'extrême-droite. Ce phénomène est historiquement connu. L'archétype se trouve sans doute, on peut en trouver d'autres, en Autriche dans les années 1930 où la droite est devenue fasciste tout en étant aux prises avec les nazis locaux qui ont finalement assassiné le chancelier fasciste Engelbert Dollfuss. Tout ce beau monde ayant préalablement massacré les ouvriers socialistes et communistes. 

Aujourd'hui tous les racismes s'expriment dans l'espace public. Du "bruit et des odeurs" de l'un, Chirac (1991), à "Un ça va. C'est quand il y en a plusieurs que ça peut poser des problèmes" de Brice Hortefeux (2009) jusqu'à Manuel Valls (2009) qui dans les allées d'une brocante, soupire : "Belle image de la ville d'Evry..." Et demande à l'homme qui l'accompagne: "Tu me mets quelques Blancs, quelques white, quelques blancos."

À l'époque ceux qui avaient ainsi cédé à des propos racistes se sentaient dans l'obligation de s'en excuser. Aujourd'hui c'est le ton général des médias, aux mains de la grande bourgeoisie et de ses chiens, qui est raciste. Au point que Macron nous fait une loi migration sous la dictée du RN.

Alors ne cédons rien à cette peste. Ripostons à chaque instant, à chaque seconde à tout propos à connotation raciste, xénophobe, islamophobe, antisémite, homophobe, anti-féministe.

Cette peste ne passera pas par nous.

* Mouvement néo-fasciste fondé par d'anciens nazis, d'anciens miliciens, d'anciens Kollabos et alors présidé par le père de l'actuelle cheffe du mouvement néo-fasciste qui estimait que la Shoa était "un détail de l'histoire". 

Antoine Manessis

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