mercredi 4 septembre 2024

Allemagne : progression inquiétante du néofascisme

Antoine Manessis

En Allemagne, l'extrême droite vient de remporter sa première victoire dans un Land depuis la Seconde Guerre mondiale.

Notons d'abord que la participation a été de près de 75 %, en hausse de 8 points par rapport à celles de 2019. 

Lors des élections qui se tenaient ce dimanche dans l'ex-RDA, le parti Alternative pour l'Allemagne (AfD) a recueilli 32,8 % des suffrages en Thuringe, loin devant les conservateurs (23,6 %). En Saxe, l'extrême droite talonne les conservateurs avec 30,6 % des voix.

Pour la coalition du chancelier Olaf Scholz (SPD), ces deux élections régionales marquent un nouveau revers. Les trois partis du gouvernement, les social-démocrates, les Verts et les libéraux (FDP), ont réuni moins de 11 % des voix en Thuringe et moins de 14 % en Saxe. Le SPD évite la Berezina totale, en conservant sa représentation aux parlements locaux mais avec seulement 6,1 % des voix en Thuringe et 7,3 % en Saxe. 

L'autre événement c'est la percée de l'Alliance Sahra Wagenknecht (BSW) avec 11,8 % des voix en Saxe et 15,8 % en Thuringe. On peut craindre que le discours ambiguë de Wagenknecht sur l'immigration lui ait permis de capter une partie de l'électorat xénophobe mais qui n'a pas franchi le Rubicon du vote néofasciste. 

Pour la droite,  les chrétiens-démocrates allemands (CDU), ces deux scrutins permettent à son leader, Friedrich Merz de prétendre que les résultats valident la stratégie de droitisation, pour ne pas dire d'extrême-droitisation, qui estime-t-elle empêchera l'extrême-droite de progresser. On connait ce calcul. Absurde dans tous les sens : soit la droite fait la même politique que le néofascisme, soit les électeurs préfèrent l'original à la copie. Dans les deux cas de figure c'est le peuple qui paye la facture d'une politique anti-sociale et raciste. La CDU obtient 23,9 % des voix en Thuringe  en seconde position et réussit à conserver son statut de premier parti en Saxe, avec 31,9 % des suffrages talonné par l'AfD à 31,4%. 

Mais il faut signaler que la question de la guerre en Ukraine a aussi joué un rôle dans ces élections et explique les bons résultats de l'AfD, de l'ASW mais aussi de la CDU de Saxe qui ont tous les trois prôné la fin de l'arment de l'Ukraine et la normalisation des relations avec Moscou. La CDU de Saxe l'a fait contre le positionnement national du parti dans une optique électoraliste. 

L'ex-RDA s'est avérée un terrain fertile pour l'AfD et secondairement pour le BSW, en raison d'inégalités persistantes depuis l'annexion par la République fédérale de la République démocratique en 1990 et d'une profonde crise démographique liée au départ des jeunes vers d'autres régions et pays. Contestation donc des politiques ordolibérales de la CDU et du SPD mais aussi racisme structurel de la société allemande expliquent ce mouvement électoral.

Die Linke obtient moins de 5% en Saxe et disparait du parlement régional. En Thuringe il obtient 12,4% des voix mais en 2019 il avait obtenu 31% . Ce qui veut dire que le BSW n'a pas mordu sur l'électorat d'extrême-droite mais a grandi sur le dos de Die Linke du fait de son discours anti-migrants. Malgré tout on voit qu'un électorat potentiellement de gauche existe en RDA qu'on ne retrouve pas, pour le moment, à l'Ouest. Rappelons enfin que le président du land de Thuringe était membre de Die Linke qui subit là une grave défaite.

Reste que les partis ont tous refusé (pour le moment...) la perspective d'une alliance avec l'AfD mais qu'il leur reste à parvenir à un accord de gouvernement pour les lands concernés, ce qui sera tout de même assez acrobatique entre la CDU et le BSW...

À suivre donc, mais sans sous-estimer la progression inquiétante du néofascisme en Allemagne avec son sombre échos historique.

Antoine Manessis 

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