jeudi 17 octobre 2024

Nouveaux CRS, couvre-feu prolongé : l’État français renforce sa répression à la Martinique

Raji samuthiram

À la Martinique, le mouvement contre la vie chère et la répression, qui a vu un saut la semaine dernière, ne décolère pas. Alors que la CGT-M appelle à une nouvelle journée de mobilisation mardi, l’État renforce son dispositif répressif avec l’envoi de deux nouvelles unités de CRS et le prolongement du couvre-feu jusqu’au 21 octobre

Autant de mesures brutales, qui témoignent de la volonté de l’occupant français de réduire au silence la mobilisation contre la vie chère. En témoigne particulièrement la présence massive de CRS depuis le début de la mobilisation, alors même que ces unités de répression étaient bannies de l’île depuis 65 ans.

La semaine dernière, après des interventions brutales de la CRS 8 dans plusieurs communes, la colère a explosé, conduisant à de nouveaux blocages, rassemblements, et pillages de commerces dont certaines enseignes du groupe Bernard Hayot. Jeudi, l’aéroport de Fort-de-France a été bloqué pour empêcher l’arrivée de CRS 8 depuis l’hexagone. Un déploiement de l’unité spécialisée dans la répression coloniale que la préfecture avait initialement démentie, mais qui s’est concrétisé ce mardi avec l’arrivée de deux unités de CRS selon des journalistes de Politis et CLPress. Craignant un autre blocage alors qu’un appel à manifester circulait sur les réseaux sociaux, l’État a envoyé plusieurs camions de la gendarmerie autour de l’aéroport.

Les deux unités CRS ont été envoyées depuis Marseille (CRS 81) et Lyon (CRS 83), à la demande directe du syndicat policier UN1TÉ selon ses communications sur les réseaux sociaux. Le syndicat avait interpellé le ministre des Outre-mer il y a quelques jours pour réclamer plus de moyens policiers afin de mater les populations sous domination coloniale dans l’ensemble des territoires français colonisés.

Mardi, alors que la CGTM maintient son préavis de grève jusqu’au 20 octobre, le syndicat a appelé à une manifestation et à une opération molokoï (escargot) pour ralentir le trafic sur les axes routiers. Face à un mouvement qui tient malgré la répression, depuis à présent plus d’un mois et demi, l’Etat maintient son cap en renforçant ses dispositifs répressifs tout en appelant à une sortie de crise par le dialogue social autour de tables rondes, réunissant élus locaux, représentants de l’État, du grand patronat, et le Rassemblement pour la Protection des Peuples et des Ressources Afro-Caribéens (RPPRAC). Une nouvelle table de négociation devait se tenir ce mardi mais a été annulée la veille. Vraisemblablement, le RPPRAC aurait appris de la décision d’annulation par le biais d’un communiqué de presse, lundi soir à 20h. Une attitude méprisante que l’organisation a dénoncée, en pointant que jusqu’ici, aucun accord n’a été trouvé pour limiter les prix des éléments essentiels comme les légumes surgelés, l’alimentation pour bébés, et les produits d’hygiène. Citant les deux points sur les 26 qui restaient à négocier, l’organisation réaffirme aussi sa fermeté ainsi que celle du peuple martiniquais face au grand patronat : « Aujourd’hui, les deux points restants non négociés avec la Grande Distribution sont le résultat d’un refus collectif du peuple, réuni autour du RPPRAC depuis le 1er septembre, de céder aux revendications des intérêts privés. »

Néanmoins, l’attitude de l’État vis-à-vis de cette table ronde, annulée au dernier moment sans communication directe tout en envoyant 120 policiers CRS en urgence depuis l’hexagone, devrait alerter sur l’impasse d’une stratégie s’appuyant sur des négociations avec un État qui réprime à feu et à sang tous ceux qui s’opposent à sa politique dans la rue. Alors que le gouvernement tente d’étouffer la colère légitime qui s’exprime, toute discussion devrait être conditionnée à l’arrêt de la répression policière et judiciaire, au risque d’accepter, au gré des négociations, des consensus sur les questions économiques sans s’attaquer à la racine coloniale de la situation. À l’heure actuelle, c’est l’entrée en jeu du mouvement ouvrier martiniquais par le blocage économique qui pourrait retourner la situation. 

Il est urgent que les directions syndicales appellent à un véritable plan de lutte articulant revendications économiques, sociales et anti-coloniales, et que le secteur ouvrier français, depuis le cœur impérialiste, y apporte son plein soutien.

Révolution Permanente

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