jeudi 2 avril 2009

Ce monde-là


Deux poèmes, l'un de Denise Bernhardt et l'autre de Duccha


CE MONDE-LÀ

Ce monde-là, je vous le laisse

De policiers, de flics, de gardiens, de prisons, de caméras de
surveillance,
De radars, de grilles étouffant les maisons, de portails électroniques,
D’interphones, de codes.
Ce monde de mouchards et de mouchoirs.

Ce monde-là, je vous le laisse

De Sans Abris, de SDF, de Mal Lotis, de Mal Logés, de Mal en Peine,
de Mal en Pis. De chômeurs, d’assistés, de mendiants dont on ne sait
plus
les noms.
Ce monde où l’on recueille les gens la nuit pour les rendre à la rue au
matin.
Où les jeunes sont déjà vieux.
Où des igloos de toiles bleues essaiment en toutes saisons
en bords de Seine.

Ce monde-là, je vous le laisse

De désespérés, d’émigrés, immigrés, quelle est la différence posée sur le
Dénominateur commun de l’exclusion.
Immigrés qui s’entassent à l’entrée de la Manche en rêvant du paradis
anglais.
Immigrés ayant accompli le voyage initiatique du malheur.
Survivants, prisonniers de Centres de Rétention, incontrôlables, incontrôlés.
Suicidés, défenestrés. La Mort, plutôt qu’une Reconduite à la Frontière.

Ce monde-là, je vous le laisse

D’oppressions, d’arrestations, d’humiliations, de fonctionnaires
complices, D’inter dits, de journalistes muselés.
De mainmise sur la presse – monopoles- de mainmise sur l’audio-visuel,
sur l’odieux.
De terroristes, de terrorisme, qui ne sont que la face cachée de l’iceberg,
Qui ne sont que le Titanic, répétant inlassablement le naufrage sanglant
De l’histoire.

Ce monde-là, je vous le laisse

Il n’est pas le mien.
Ce monde où il vaut mieux être chien ici,
Plutôt qu’ hommes, femmes, enfants de la boue, ailleurs.
Ce monde où nous n’avons plus que nos plumes
Pour épées.
Ce monde virtuel et futile où le bonheur de vivre
Est vendu aux enchères chaque jour.

Ce monde
Il est désespérément le mien.

Denise Bernhardt

* * *

Las de ce monde

Personne n’a demandé à venir user ses veines
Sans le savoir dans les arrière-cours de ce monde
Encore vieux de ses propres douleurs
Ses propres couleurs
Sans garantie de plaisir

Lourde la menace du pire qui nous entoure
Ruine de l’humain vis-à-vis du monde
Sans mode d’être valide pour tous
Les regards se déséquilibrent dans la boue
Des kilomètres carrés de misère

Personne n’a voulu recueillir le feu de l’ennui
Entre ses seins
Dans ce monde sans porte ouverte sur le monde
Où est assise en force l’iniquité formalisée
Dans les districts de l’impotence

Les bafoués ici, les ignorants là
Les paumés sans avenir ici, les plumés aveugles là
Le cancer de Ploutos a déjà mangé le cœur
De ce monde
Depuis des temps irréversibles
Les subprimes suppriment les nerfs de l’amour
Comme d’autres gadgets de civilisation ont apologisé
Le sauve-qui-peut destructif

Partout la plume est déplumée et perd sa force
La fatigue gagne les esprits des plus faibles
Et les rend plus vulnérables sur le chemin possible
Des émergences heureuses
Ils sont las de ce monde

Mais
Personne n’est las de ce monde qui doit venir
Personne n’est las de voir les choses changer
Pour plus de lumière
Pour plus de justice
De bonheur
De liberté
D’amour

DUCCHA

le 19 Décembre 2008 Port-au-Prince HAÏTI

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