jeudi 18 juin 2009

Manifeste des écrivains du Pérou et du monde (en français)

Manifeste des écrivains du Pérou et du monde à propos du massacre en Amazonie péruvienne


À nouveau le visage livide de la Bête, le fascisme, ultime recours du capitalisme assassin désespérément accroché à ses privilèges séculaires, massacre impunément le peuple péruvien. Les seigneurs du caoutchouc se sont réincarnés en épouvantables gouvernants d’une république bananière : Alan García Pérez, génocidaire des détenus(1), le cabinet ministériel en réunion plénière, les congressistes de l'APRA, Unidad Nacional et le fujimorisme, tous compères du massacre, mentent au peuple péruvien en prétendant que la population amazonienne et ses dirigeants sont responsables du massacre perpétré sous l’entière responsabilité d’Alan García Pérez. Le silence, comme la négligence nous rendent complices du crime et nous, poignée d’écrivains écœurés par le cirque médiatico-raciste qui travestit la vérité sur la tuerie ordonnée par Alan García Pérez, nous ne voulons pas nous taire.

Nous avons vu –en dehors des chaînes de télévision- comment des centaines de policiers de la DINOES, armés comme des rambos métis, ont provoqué le peuple amazonien. Nous avons vu comment des dizaines de francs-tireurs postés sur les toits des maisons, ont commencé la boucherie en tirant pour tuer avec des fusils de guerre, nous avons vu et reçu des informations sur la manière dont les artilleurs héliportés bombardaient le peuple sans défense, dérisoirement protégé par des flèches et des lances (évidemment, ce sont des sauvages et de féroces chunchos(2) réducteurs de têtes) et si ce peuple révolté, lassé par les mensonges et les négociations stériles et rusées, a pris des armes à feu, c’est parce qu’il les a courageusement arrachées aux mains des policiers, protégés par des gilets pare-balles et entraînés pour mater les révoltes ; et que voudrait Madame Cabanillas ? Que le peuple se laisse assassiner en tendant la poitrine, comme dans tant d’autres carnages dont furent victimes des Péruviens désarmés ?

Des volontaires belges (http://catapa.be/en/north-peru-killings) et des amis présents sur les lieux du massacre, nous ont envoyé des photos, des vidéos et des témoignages de la boucherie organisée par le gouvernement à l’encontre de nos frères amazoniens. Les émissaires de Loreto parlent de 150 villageois assassinés et de la désertion de dizaines de soldats, fils des natifs massacrés. À ce stade nous savons de source sûre que les forces du désordre sont en train de carboniser au lance-flammes les cadavres – qu’ils se refusent à rendre à leurs familles- ils les jettent dans les cours d’eau et les ravins, ils fusillent les leaders capturés, ils arrêtent tout ce qui a une « tête d’indigène », ils menacent les journalistes locaux et régionaux, afin qu’ils ne répandent pas l’épouvantable vérité du génocide. Et par la suite, le cercle médiatico-raciste dira que ces autochtones disparus étaient des délinquants terroristes enfuis dans la montagne, justifiant ainsi une association commode pour l’État créole : indien, terroriste et délinquant.

L’État créole-bourgeois a lui-même déclaré la guerre au peuple révolté qui réclame le respect de cette institution juridique prétendument défendue par ledit État lorsque ça l’arrange. Le fameux Décret Législatif 10903 est ANTICONSTITUTIONNEL, il n’a jamais pris en compte le mécanisme consultatif ordonné par la Convention OIT 1694, souscrite par l’État créole et aujourd’hui ignorée. La triste vantardise de Yehude Simon Munaro(5) ne devrait pas nous surprendre : "c'est le pire des traîtres", a dit une fois de lui Alfonso Barrantes Ligán et beaucoup se souviennent de son attitude servile face au délinquant Kenya Fujimori pour obtenir des avantages lorsqu’il était emprisonné pour terrorisme : le cynisme absolu des Alan García Pérez, Yehude Simon Munaro, Mercedes Cabanillas, Ántero Flores-Araoz, Javier Velásquez Quesquén, Rosario Fernández et l’hypocrisie du oxapampino(6) Antonio Brack Egg, feraient pâlir d’envie Diogène, surnommé le chien. L’État créole, incarné par ces misérables, fait à nouveau couler le sang innocent de ceux qui n’ont que leurs terres, leurs forêts et leurs rivières et ces misérables ne veulent même pas leur laisser cela, car tout s’achète et tout se vend dans cette démocratie de porcherie, parce que c’est ce que veulent les transnationales nord-américaines et chiliennes, parce qu’ainsi San Dionisio Romero Seminario, le gauchiste de l’Opus Dei se tient coi, parce que si le chien du jardinier fait chier, Alan García ordonne de tuer le chien du jardinier.

Il y a peu de temps au Venezuela, l’écrivain Mario Vargas Llosa, admirateur de Sancho Pança (“un citoyen beaucoup plus respectueux de la loi et de son prochain que son maître”, a dit du bon Sancho le romancier indiscret), gribouilla un article pour contester une affirmation d’Antero Flores-Araoz(7), ministre de la Défense du régime apriste(8), ex-fonctionnaire de Fujimori et extrême-droitiste bien connu du Parti Populaire Chrétien : « le Pérou n’a pas besoin de Musée de la Mémoire ». Or, les oisives paroles de Vargas Llosa ne servirent à rien, car comme dirait n’importe quel gamin déluré, Alan García chie sur la mémoire, sur la réconciliation et sur tout concept qui conduirait à la paix nationale. Dans sa vulgarité Flores-Araoz a dit quelque chose que Vargas Llosa n’accepte pas rationnellement, mais avec quoi il est inconsciemment en accord, comme le démontre le Rapport Uchuraccay, dans lequel le romancier qualifie les Uchuraccainos de barbares, primitifs, tout juste bons à mettre sous tutelle. Il y a quelques jours Vargas Llosa, qui n’appréciait pas Alan Gacía Pérez auparavant, est apparu à la télévision donnant l’accolade au génocidaire. Il semble que ce soit Vargas qui ait convaincu García de l’intérêt face à la communauté internationale, d’accepter la création du Musée de la Mémoire. Avec cette nouvelle tuerie, Alan García a en effet prouvé à MarioVargas Llosa le grand intérêt qu’il porte au projet de Musée de la Mémoire.

Nous voulons exprimer avec la plus grande énergie notre condamnation de cet ordre inique qui s’est imposé dans notre patrie depuis Fujimori. L’imposition à feu et à sang du MODÈLE ÉCONOMIQUE NÉOLIBÉRAL – celui que défend Mario Vargas Llosa- a causé le massacre de centaines de Péruviens humbles de l’Amazonie, un massacre que ces “messieurs aux commandes”, auraient pu éviter, s’ils n’avaient pas préféré légaliser l’agression, le mépris et l’oubli des communautés natives de l’Amazonie, comme il y a 500 ans. Nous demandons que l’État créole corrompu et génocidaire, abroge les décrets de la mort et exigeons la vacance de la Présidence de la République, ainsi qu’un procès international pour délit de génocide à l’encontre d’Alan García Pérez et de ses comparses du cabinet ministériel.

Si Julio Ramón Ribeyro(9) a été suffisamment lâche pour se taire lors de la tuerie des détenus en 1986 et pour n’avoir pas rendu La Orden del Sol(10) remise par le génocidaire durant son premier gouvernement, Varga Llosa aura-t-il suffisamment de couilles pour affronter publiquement son nouvel ami, le génocidaire Alain García et exiger la vacance immédiate de la Présidence de la République ? Cette fois, les petits mots ne suffiront plus parce que « la façon dont on a réprimé ces mutins suggère -pour la seconde fois- plus un règlement de comptes contre un ennemi qu’une simple opération de rétablissement de l’ordre ».

Un grand sorcier amazonien, Ino Moxo, a dit il y a longtemps, “lorsque je pense à Fitzcarrald(11) et à ses mercenaires, lorsque je pense que ces génocidaires étaient des hommes, cela me donne envie de me naturaliser couleuvre ». Nous doutons que le Vargas Llosa, ami d’Aznar, de Bush et de Tatcher, démontre son prétendu humanisme en renonçant à la charge offerte par le génocidaire. Nous doutons que le romancier renonce à présider la Commission de Haut Niveau qui développe le projet du Musée de la Mémoire : il persistera dans l'engagement, persistera dans l’injure faite aux centaines de villageois massacrés par les balles assassines de l’État créole. En fin de compte chacun des deux, García et Vargas, appartiennent à la bande néolibérale et nous finirons comme Ino Moxo par nous naturaliser couleuvres.

7 Juin 2009


NdT

1 Matanza de los penales : répression sanglante organisée par Alan García en 1986, d’une mutinerie de prisonniers politiques accusés de terrorisme et ayant abouti à la mort de 300 d’entre eux.
2 Indiens natifs de la forêt amazonienne
3 Décret autorisant la concession et l’exploitation de la forêt amazonienne à des entreprises privées
4 Convention adoptée à Genève en 1989, lors de la Conférence Générale de l’Organisation Internationale du Travail, pour protéger et sauvegarder les institutions, les biens, le travail, la culture et l'environnement des peuples
5 Actuel Président du conseil des ministres. Auparavant emprisonné durant huit ans pour ses actions en faveur des droits de l’homme, créateur du Mouvement Humaniste Péruvien, parti de centre-gauche, dont il est toujours le Président.
6 Originaire de Oaxpampa, ville fondée en 1891 par des Européens, principalement originaires du Tyrol et de Prusse.
7 Président du Congrès en 2004, ministre de la Défense depuis 2007 et nommé par Alan García en 2006 représentant permanent du Pérou auprès de l’Organisation des États Américains.
8 Partido Aprista Peruano : Parti créé en 1930 et dirigé par l’actuel Président Alan García
9 Écrivain péruvien, nommé ambassadeur à l’UNESCO à la fin des années 80.
10 Décoration délivrée par le gouvernement péruvien pour les arts, lettre, culture, politique et autres services extraordinaires rendus à la nation
11 Carlos Fermín Fitzcarrald (1862 –1897) Aventurier ayant fait fortune dans l’exploitation du caoutchouc, en réduisant à l’esclavage la plupart des Indiens et en massacrant les insoumis. A inspiré le personnage du même nom, anti-héros du film de Werner Herzog Fitzcarraldo.

Traduit par Alain Caillat-Grenier et révisé par Fausto Giudice, Tlaxcala

Source (et liste des signataires) : http://www.tlaxcala.es/detail_artistes.asp?lg=es&reference=328

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