mardi 24 novembre 2009

Ça Khartoom

Par Abderrahmane Zakad*

après la victoire de l'Algérie,
les frères s'en mêlent comme le ballon
Ce mercredi (ndlr 28 novembre 09), 20 heures, c’est la fête ! La fête à Khartoum, à Alger et chez nous…. à Marseille. Cette victoire est celle d’une femme : l’Algérie. L’Algérie, femme déjà fleurie avant même de naître, l’Algérie où sommeillent des victoires possibles, l’Algérie des Hauts Plateaux aux lèvres tentantes, lançant déjà ses lucioles là-bas, vers Johannesburg. L’Algérie est qualifié pour le mondial 2010. Par un tout petit but aussi beau que la cerise sur le grand gâteau de la FIFA. Blatter espérait que l’Egypte l’emporte, il l’a dit, la presse l’a rapporté. Hélas pour lui et pour l’Egypte, le fennec, ce renard des sables sahariens a été plus renard qu’eux en s’enfouissant dans le silence des sages épuisant à jamais les avalanches des dunes pyramidales. Un pauvre petit but qui fait tomber le ciel égyptien dans les eaux du Nil. Les Pyramides s’endeuillent, s’effacent et meurent avec le crépuscule qui poudroie. Un peu en retrait, après avoir baraqués, quelques chameaux blatèrent du côté de la FIFA que le New York Times dénonce en condamnant les incidents savamment provoqués par les égyptiens. Diable ! Il faut être fou pour déclarer que les joueurs algériens ont cassé eux-mêmes les vitres de leur bus et ont monté les incidents de toutes pièces pour prévenir leur défaite prévisible. C’est battre sa mère. Bof ! Laissons jaser et re-joignons le pays des fennecs.

la promenade des jonglés !
J’ai vu à Alger, au sortir du tunnel des facultés, des fanfares jeter des pamoisons félines, de ces jeunes, filles et garçons, défilant au couchant bigarré. J’ai humé une vieille femme galonnée sous son voile blanc casbéen, une voix crissant de chemin de fer, jeter des youyous qui m’ont ramené 40 ans en arrière, lors de ces folles journées d’indépendance. Elle avait peut-être 20 ans, elle a aujourd’hui 70. Cette mama napolitaine, aussi ronde qu’un ballon de foot, aura vécu trois coupes du monde. « Tu sais, mon fils, quand l’Algérie est en danger, il faut arrêter de manger, quitter la table ». De honte, j’ai arrêté de mâcher mon chwingum et je quitte le tunnel pour tenter d’entrer dans la rue Didouche Mourad, impénétrable. Les trottoirs sont jonchés de produits aux couleurs nationales : brassards, chapeaux, drapeaux et…qarqabous. Tout est confectionné par des ateliers chinois qui se sont pris trois mois à l’avance. Ils savent faire vite, mais leurs produits sont douteux. Les tissus médiocres, la façon mauvaise et les dessins naïfs. C’est Taiwan et ça s’arrache. Que ne ferait-on pas pour l’aâlam. Bravo les chinois ! J’ai trompé mes pieds las dans la cohue de la place Audin, et tandis que râlent quelques garçons insatisfaits par ce petit but d’écart, les filles écumeuses, méditerranéennes, claironnent leur amour à ces chercheurs d’or et de podium. Cependant, sur des bancs, le vent de la victoire épuise les somnolences de quelques retraités à qui on vole un jour de leur longue vie sans foot. Ils s’en foutent ! Ils semblent plutôt garder en mémoire, les dribles frénétiques de Lalmas, la statique de Zerga et les mélopées dansantes de Aouadj, l’inter droit d’antan. Ils chuchotent le clapotement aquatique et monotone des souvenirs. Ah ! Ce match Algérie-Brésil de juin 1965, annulé pour cause de sursaut révolutionnaire. « Vois-tu, mon fils, me susurre l’un d’eux. De mon temps, Lalmas mangeait de la loubia avant le match et il marquait des buts de toute beauté. Au-jourd’hui votre foot c’est de la zoubia, vous avez toujours mal au ventre dans vos 18 mètres ». Je laisse nos vieux allant du trottoir au trottoir, du trottoir au banc …de la fenêtre au lit et du lit au lit.

on entre comme 
on peut dans le bus-foot
Maître Brahim, un ami avocat, me coince à la sortie de la librairie Socrate encore ouverte dans les palabres de fin de match : « Je t’avais dis qu’ils joueraient en 4.4.2, c’était la seule solution pour contenir les égyptiens ». Oui maître, t’as raison, en 4.4.2 ou en 1.3..4.2, cycle du moteur à explosion, la voiture Algérie avance. On discute de livres et on livre nos impressions sur les chances de l’Algérie au Mondial. « On ira loin cette fois », chante Mohammed le libraire. Ah ! ça ira, ça ira, ça ira…Certainement qu’on ira loin mes frères, encore faut-il que les têtes de la FAF mettent de l’ordre dans la boutique pour ne pas rééditer la scabreuse affaire du RCK. Et c’est reparti dans la tchatche. Mais que fait la conférdération Africaine de Foot, on ne l’entend pas ? Ou sont Mekhloufi, Madjer, Belloumi, Fergani, on ne les voit pas ? Sont-ils en train de mâcher l’ombre d’une hypothétique victoire face à l’Egypte ? Doutaient-ils ? Les voilà rassurés, parce qu’ils croient aux fennecs, les mecs. Ils ont certainement cru en Rabah Saadane dont il ne peut être que « rabah ». Et crions ensemble : Shehata chetha oua saadane rabah !

Le jour est parti, avalé par la nuit qui timidement disperse les chahuteurs d’une victoire diarrhéique et dans un long suintement de généreux baisers, un jeune enlace une fille derrière la somptueuse porte d’un immeuble colonial que la France nous a laissé comme bulletin de nerfs, cette France que nous affronterons peut-être à Johannesburg. One, Two, Three, Viva l’Algérie. Inaâbouha baloune, meredna ! A+

* Urbaniste

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