par Louis Maurin
Une nouvelle fois, la violence des jeunes est montrée du doigt. Alors que le phénomène ne progresse pas spécialement.
Incapable de réduire l'insécurité, le gouvernement multiplie les annonces de mesures censées lutter contre la délinquance des jeunes. La proposition de loi Estrosi de lutte contre la violence en groupes (autrement dit les « bandes »), déposée en mai dernier, est en discussion au Parlement. Début novembre, le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, a annoncé qu'il souhaitait mettre en place un « couvre-feu » pour les enfants délinquants de moins de 13 ans…
Fantasme ou réalité ? Aucun élément statistique ne permet d'affirmer que la violence des jeunes s'accroît, comme le montrent une note de la revue Champ pénal rédigée par le sociologue Laurent Mucchielli [1] ainsi qu'un ouvrage plus fourni, corédigé par celui-ci avec Véronique Le Goaziou, La violence des jeunes en question [2] .
Du milieu des années 1970 à nos jours, le nombre de mineurs mis en cause pour une infraction par les services de police et de gendarmerie a bien été multiplié par 2,5, passant de 80 000 à 200 000, mais le nombre de majeurs a lui aussi beaucoup progressé. La part des mineurs dans l'ensemble des personnes mises en cause a augmenté de 10 % à 14 % dans les années 1970, puis de 14 % à 22 % entre 1994 et 1998. Si un phénomène de rajeunissement a eu lieu, c'est durant ces périodes, mais on ne sait pas dire si cette évolution résulte d'une précocité dans les actes ou d'une plus forte sévérité des forces de l'ordre vis-à-vis des mineurs. De 1998 à 2007, la part des mineurs mis en cause a… diminué, pour revenir à 18 % de l'ensemble.
La répartition par âge des personnes condamnées ne change pas, et les moins de 13 ans n'en représentent toujours qu'une part infime, autour de 0,3 %. C'est même plutôt chez les 40-60 ans que l'on remarque la plus forte hausse. Contrairement aux discours officiels, les plus jeunes sont plutôt moins impliqués dans des violences graves : l'ensemble des faits qui peuvent être qualifiés de criminels ne représentent que 1,3 % des infractions reprochées aux mineurs. « Au sein de chaque type d'infractions, plus les faits sont graves, et moins l'on trouve de mineurs », note Laurent Mucchielli.
Les seuls faits de nature criminelle assez nombreux pour être significatifs d'un point de vue statistique et qui augmentent chez les mineurs sont les agressions sexuelles et les viols. Mais ce phénomène résulte probablement davantage de déclarations plus fréquentes de la part des victimes (souvent des personnes de l'entourage direct) que d'une croissance des faits eux-mêmes.
L'objectif des mesures présentées par le gouvernement est clairement de frapper l'opinion à partir de ses peurs supposées. Outre qu'elles sont le plus souvent inapplicables ou inappliquées, faute de moyens, ces mesures ne règlent en rien des problèmes d'insécurité qui, eux, ne sont pas que des fantasmes. « La frénésie sécuritaire qui tient actuellement lieu de politique n'est en réalité qu'une forme particulière de gestion de l'urgence. Elle ne voit guère plus loin que le bout de son nez », estiment Laurent Mucchielli et Véronique Le Goaziou.
Louis Maurin
18 Novembre 2009
Notes
(1) « Note statistique de (re)cadrage sur la délinquance des mineurs », revue Champ pénal, décembre 2008. <
(2) Collection Questions de société, Champ social éditions, juillet 2009. <
Texte reçu de Patrick Mignard
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