Par Camille Loty Malebranche
Chers lecteurs, je vous propose les extraits d’un bref dialogue sous forme d’interview que nous appelons Métaphores du réel parue dans la revue interdite, Journal des Mœurs qui vous présente aujourd’hui l’histoire de l’intégration de Monsieur Oulalum M’bekele, ilien originaire du Sud, immigrant dans un pays occidental, terre de toutes les singeries, espace de tous les grotesques que nous désignons ici du nom d’Érebelande.
Notre interviewé Oulalum M’Bekele, un étranger d’apparence différente des majorités maîtresses du pays parce que ressortissants et fils de la nation dont elles portent l’identité. Oulalum relève de ceux qui sont discriminatoirement appelés « Minorités visibles » en ce pays de gonflés passablement fascistes, ethnocentristes et sociocentristes malgré leur sourire plus ou moins facétieux. Ce membre des Minorités visibles, raconte ce qu’il a vécu et vu chez le civilisé leucoderme d’un pays du centre… Voici la question unique de la rubrique Métaphores du réel.
Métaphores du réel
Monsieur M’Bekele, nous n’avons qu’une seule question à vous poser. On vous présente comme un modèle de réussite étrangère en Érebelande, vous avez, d’après nos recherches, immigré ici depuis plus de vingt ans, comment pouvez-vous nous résumer votre intégration d’étranger à la société érebelandaise ?
Réponse d’Oulalum M’bekele
Je dois, dès le départ, vous éviter cette méprise lexicale que représente le vocable intégration. Je le dis solennellement ici, il n’y a pas d’intégration en Érebelande mais de l’assimilation. Or nous savons qu’un intégré est un homme en dialogue et interaction avec son milieu alors que l’assimilé est essentiellement un réifié, un annihilé qui se laisse digérer et excréter selon l’organisme social qui le broie. Seules les sociétés vraiment libres et ouvertes intègrent, et elles sont toutes fictives et produites de la phraséologie idéologique des États. Dans les faits, ici comme partout en occident, il s’agit du primat du leucoderme gavé de complexes et crapuleries avec son comportement de maître blanc du monde… C’est une oligarchie néoféodale où les nouveaux seigneurs n’acceptent que les « citoyens » assujettis et comme immigrants, les arrivants soumis prêts à se faire garçons d’écurie quelque soit leur compétence, leur niveau intellectuel et leur capacité humaine. Nos sociétés sont menées par des dieux qui font selon leur bon plaisir, faveur à qui ils veulent dans leurs structures abêtissantes voire réifiantes... Hormis le secteur de la production comme ouvrier et celui des services, comme agent à la clientèle ou à la sécurité, très peu de places ailleurs sont alloués à la mauvaise couleur de peau et à l’origine non de souche. Et quand c’est le cas, c’est comme une faveur un privilège sous haute surveillance et avec plein de galéjades. Et dire que nos illustres décideurs oublient que tout ce qu’ils ont, ils l’ont soit pris à autrui, soit bâti avec le travail esclave d’autrui sous le fouet et la torture dans l’histoire, avant de légiférer et de déclarer que tout est à eux, que le vol, la violence sont illégaux…, eux qui continuent à fignoler le mensonge économique et la manipulation des peuples du monde entier…
Terre de contradictions inconciliables, l’Érebelande est d’une morale simiesque et scélérate. Espace extrême de barbaries qui a imposé les pires horreurs au monde par l’esclavage et la colonisation; elle planifie les pires marginalisations à l’intérieur de ses patelins; et en même temps, veut se laisser croire à force de niaiseries et de mignardises « juridiques ou démocratiques » mensongères qu’elle est civilisée, porteuse d’humanité, porte-étendard d’humanisme tout en implantant partout la misère par des politiques impérialistes qu’elle impose !!!
En Érebelande, l’homme qui arrive et qui ne ressemble pas aux érebelandais, est ipso facto nivelé par le bas, soupçonné de toutes les infériorités; c’est toujours pire qu’un étranger, qu’une alterhumanité à découvrir, mais un infrahumain à qui on signifie par toutes sortes de gestes imbéciles qu’il est la différence méprisable et donc inférieure. Qu’il doit se considérer favorisé et chanceux d’être reçu. Chose intéressante, on prétend à l’ouverture et aux droits de la personne pendant que tout est question d’argent et de clivages sociaux racistes. Par exemple, moi qui vous parle, à mon arrivée en Érèbelande, j’ai dû littéralement me vautrer dans la pire misère malgré toutes les tentatives d’intégration économique. C’est seulement après vingt ans en Érèbelande que l’aléa de la loterie ayant frappé à ma porte en m’apportant un gain 25 millions de dollars, que j’ai commencé à voir à quel point la consécration sociale de l’individu dans la société si sophistiquée en apparence, tient du vide. En effet, du soir au matin, le lendemain de ma chance au loto, l’homme de seconde zone que j’étais, par mon nom, par ma couleur, par mon accent, par ma paresse (car je ne travaillais pas ou jamais assez), était devenu Honorable Citoyen M’Bekele, modèle du bon immigrant que tout pays sensé désirerait recevoir et qu’Érebelande se félicitait d’avoir eu la clairvoyance de l’avoir accueilli d’il y a vingt ans. Leur salutation a changé et leurs dents jaunâtres se dévoilent si facilement désormais pour me sourire et me servir. Dans les bureaux de la compagnie de promotion d’artistes que j’ai ouvert, j’ai vu de ceux qui me harcelaient par leurs pitreries autrefois, venir me flagorner comme des moins que rien, tandis que la putain bancaire me suppliait de recevoir du crédit, elle qui m’avait toujours refusé tout prêt auparavant. Et le côté toujours prostitué de cette société, des appels allusifs à la fornication des deux sexes me sont continuellement formulés. Hélas ! Quelle humanité ! Ici, l’immigrant a deux destins possibles : s’il est riche investisseur, on le flatte et lui sert d’essuie-pieds. S’il est pauvre, pour sortir du gouffre il lui faut être prêt à prostituer son corps et son esprit, à dénigrer les siens et à insulter les victimes et les rejetés, alors il sera servi à satiété, comme le chien de la chasse à courre que l’on gave d’os et de curée pour mieux servir ses maîtres.
Donc vous imaginez que toute l’intumescence du bourgeois occidental toujours plus ou moins constipé et compassé dans ses manières, et la mièvrerie du petit-bourgeois arrogant et flagorneur selon les conjonctures, tout le racisme infect des ignares qui ne daignent répondre pas à votre salutation, toute la manière bestiale de ces individus qui vous piétinent quand vous avez la peau colorée sans se retourner pour s’excuser en Érebelande, toute cette engeance qui détourne le visage, tourne la tête pour vous marquer un mépris qu’eux-mêmes méritent en chose animées qu’ils sont, est attitude vulgaire de menus fretins complexés. Leur code de prestige social ne tient qu’au rudiment hasardeux d’une loterie ou aux ruses de coups de dés d’un bon joueur de casino, quand ce n’est la crapulerie prédatrice d’un banquier ou la morgue cupide d’un politicien.
En fait, nos seigneurs des pays soi disant civilisés, ne sont-ils pas pour plusieurs d’ascendance méprisable, originaires de voyous pillards, d’assassins ! Leurs ancêtres biologiques fondateurs de leur fortune, des rois, des colons, des féodaux ne sont-ils pas dans nombre de cas, passablement esclavagistes, déprédateurs, criminels contre l’humanité, prédateurs envahisseurs de paisibles gens, bandits tueurs vils exterminateurs, agresseurs méprisables et répugnants devenus honorables !? J’aime entendre la canaille parvenue, propulsée de ses propres lois, forte des richesses amoncelées sur le dos de la terre entière et de la destruction des peuples et pays, faire leur leçon de morale et d’humanité à la planète tout en continuant, d’ailleurs, leur dévastation virale de l’espace vital dit environnement. La bête fétide est restée la même dans le fond : gagnez à la loterie, vendez de la drogue, soyez proxénète, faites de l’évasion fiscale, délocalisez des entreprises après vous être faits grassement subventionnés sur le dos des travailleurs tout en vous faisant protéger par des complices de partis politiques au pouvoir; ou ce qui est plus sale encore parce qu’officiellement légal, exploitez les travailleurs d’ici tout en exterminant ceux du Sud littéralement esclaves trimant pour 1 ou 2 dollars par jour, sinon devenez banquier pour lancer des prêts et endetter tout le monde sans avoir de l’argent tout en forçant de la croissance économique qui détruit l’écoumène, faites du lobbying commercial… et les jugements de classe de la grande jungle des chacals vous feront rois et dignitaires.
Éreblande, littéralement terre des ténèbres et d’enfer, à l’image de ton nom de froideur évoquant l’Érèbe de ton climat social détestable, toi dont les neiges et les vents glaciaux ont forgé jusqu’au tempérament d’ours blancs malheureusement trop souvent mal léchés de tes « élites » et leurs serfs petits-bourgeois, tu es une terre de haine, un enfer décoré qui adore marginaliser, paupériser pour humilier et asservir! Tu n’es qu’un ramassis d’indécences de seigneurs néo-féodaux, d’anciens et de nouveaux colons qui veulent se faire croire d’une pureté originaire les autorisant de cracher sur les nouveaux arrivants, de conspuer tout ce qui n’est pas de leur clan de voyous. Toi qui as volé des pays et soumis les gens sur leurs propres terres, tu décrètes que celui qui arrive chez toi, doit désormais bécoter le cul de tes gorets. Pis encore, dans tes excentricités sous-animales, tu oses nous demander de renoncer à notre intelligence de croire à tes inepties et à tes mufles de la presse alignée, d’accepter tes vacheries dites humour, où des prostitués du rire racontent aux ineptes gonflés et aux foules méchantes, des grivoiseries dénigreuses et insultantes sur ceux que ton misérabilisme existentiel maltraite comme pour te sentir grand sur la ruine de ceux que tu écrases chez eux par tes politiques imposées, et chez toi par tes minables préjugés.
Érebelandais, érebelandais, sachez, que je vous aime malgré tout, je sais que parmi, il est une vraie minorité d’élite qui refuse l’infamie des dirigeants et des petits-bourgeois. Quant à vous bourgeois et petits-bourgeois gonflés, sachez que je ne m’abaisserai jamais à votre tristesse existentielle en vous rendant la pareille c'est-à-dire haine pour haine, vous dont la haine hypocrite sourit, coopte quelques-uns pour mieux exclure tous. Et la dèche matérielle que vous imposez à la plupart d’entre nous par exclusion pernicieuse et crapuleuse si nous ne nous prosternons devant vos conneries, ne nous ravalera jamais à votre misère ontologique dont vous ne vous déferez tant que vous demeurerez des sous-produits de votre propre matérialisme mesquin et sordide et dont vous vous enorgueillissez si primitivement, si pitoyablement comme pour en faire une valeur, un idéal.
Éreblande, Éreblande, jamais, jamais, tu ne me feras prendre - comme nombre de tes ressortissants complexés, dans leur crise de sens, leur aliénation plurale, leurs pathologies ethnocentriques, leur racisme de toutes sortes ou comme certains de tes immigrants perdus, aliénés, assimilés que tu réifies, formates selon toi et pour toi, tout en t’esclaffant lugubrement - des reflets pour des corps, ni tes horreurs, tes signes faux pour valeur et vérité !
CAMILLE LOTY MALEBRANCHE
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