mercredi 20 juillet 2011

Hadopi s’attaque au gaz

Gilles Devers

Hadopi, c’est très important et très sérieux. C’est un truc génial pour défendre les droits d’auteur, donc la culture, donc la France. Enfin, ça c’est pour le discours, parce que la réalité est franchement plus drôle.

Lundi dernier, Hadopi, du haut de ses ergots et de sa haute autorité, a rendu publics les premiers résultats chiffrés, après une année d’action éreintante. Jugez en vous-même : plus de 18 millions d’infractions ont été constatées. Pratiquement 1,5 millions par mois, soit 50 000 par jour. 18 millions d’infractions, … les tribunaux ne manqueront pas de taf ! Eh ben, c’est pas évident si on examine la suite. Vous allez voir que c’est vraiment du n’importe quoi.

Premier déchet pour les identifications des adresses IP : seules 1 million ont pu être recherchées, car Hadopi n’a pas assez de moyens. Géniale Haute Autorité qui abandonne d’emblée 90% des infractions.

Après viennent les premiers avertissements par e-mail. Nouveau déchet de 50% : seulement 470 000 avertissements ont été adressés. Pour les autres, ce sera quand Hadopi aura le temps.

Nouvelle étape, la lettre recommandée, et là le déchet s’accroit encore : seuls 20 000 internautes sont concernés. Ce qui, sur les 18 millions d’infractions constatées, est une vraie institution de l’impunité, me direz-vous.

Le jeu de massacre continue. Hadopi explique sur cette short list, seule une dizaine ont été désignés passibles de poursuites. Risible.

Mais pourquoi ces dix ? Qu’ont-ils fait de si terrible ? Là, nous entrons dans le Royaume d’Ubu, car il se trouve que Le Parisien a retrouvé la trace d’un de ces bandits de l’Internet, détrousseur de droits d’auteur.

Notre ami s’appelle Robert Tollot. Agé de 54 ans, il est professeur de sciences économiques et sociales au lycée François-Mauriac de Forez (Loire), et il fait partie de ceux qui ont reçu une convocation devant pour récidive de téléchargement illégal. Hi, mon pote, ça sent la taule… Sauf que tout est bidon dans son affaire.

On lui a d’abord reproché d’avoir téléchargé David Guetta, puis Rihanna, ce dans l’envoi des 470 000 mails. « Quand j’ai reçu la première lettre, en novembre 2010, j’ai cru qu’ils faisaient du zèle, et j’ai répondu par écrit en expliquant qu’il y avait erreur », expliquant que cette musique n’était «pas sa tasse de thé».

Second avertissement, parmi les 20 000 courriers recommandés. Il contacte alors l’Hadopi, qui lui conseille de vérifier que sa connexion est bien sécurisée. Il fait la vérification, et tout est OK, ce dont il informe Hadopi, qui n’en a rien à faire. Hadopi arrive à peine à envoyer 20 000 courriers sur les 470 000 nécessaires, alors ce n’est pas pour perdre du temps à répondre à ceux qui ont des remarques à faire.

Mais suit un troisième courrier. « On m’accuse d’avoir téléchargé le film Iron Man 2, alors que je ne sais même pas comment on fait! » et qu’il était en cours à l’heure du méfait. Là, il est obligé de se rendre à Paris, où il est convoqué car il risque 1 500 d’amende et la suspension de l’abonnement ! Il a la possibilité de repousser la date, mais ne peut éviter le déplacement. « J’habite à plus de 500 km de Paris, c’est énorme, surtout pour une telle erreur ! »

C’était dans notre série : « Nous sommes bien gouvernés ».

Gilles Devers, avocat.

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