mardi 19 juillet 2011

Marre de DSK, revenons au “débat politique”® !

SuperNo

[Note aux allergiques : ce billet est garanti sans femme de chambre, sans Sofitel, sans New York Post, sans viol, sans tache de foutre et sans pâtes au truffes. Néanmoins, malgré tout le soin que nous portons à sa qualité, veuillez noter que ce billet est fabriqué dans un atelier qui utilise du DSK, et qu’il ne faudra pas vous plaindre après].

J’avoue avoir bien ri en lisant un billet de Hervé Nathan sur le site de Marianne.

“Pendant qu’on disserte sur un avenir improbable de Dominique Strauss-Kahn, le débat politique français tombe sous le niveau de la mer. Aucune des vraies questions qui se posent au pays, si importantes soit-elle (sic), ne trouve place dans les médias. Pour Hervé Nathan, il est urgent de refaire de la politique.”

D’un côté, il a évidemment raison : l’affaire DSK a envahi l’espace médiatique et a bouffé tout le reste. Elle aura au moins eu le mérite de nous faire découvrir des personnalités aussi improbables que Michèle Sabban ou François Pupponi, qui, sans cela, seraient restées dans un anonymat mérité.

Mais pour le reste, de quoi parle Hervé Nathan ? Qu’est-ce donc que ce “débat politique” qu’il appelle de ses voeux ?

Le problème, c’est que, DSK ou pas DSK, il n’y a plus de débat politique en France depuis… euh… 30 ans ? Les plus anciens me contrediront peut-être, mais les derniers souvenirs de débat présidentiel que j’aie remontent à 1981. Certaines personnes ont, à cette époque, cru à un véritable “changement”. À une politique de Gauche. Qui n’a en fait jamais eu le temps de se mettre en place et a rapidement disparu sous les coups de boutoir de la droite et sous ceux des fossoyeurs de la gauche, qui ont engendré les “socialistes” d’aujourd’hui. Tiens, Delors, le père d’une certaine Martine Aubry… Le père de la rigueur budgétaire, le prototype du ouiouiste bêlant, de cette engeance qui nous a foutus dans une merde noire dont rien ne semble pouvoir nous sortir.

Aujourd’hui, droite et “gauche” sont d’accord sur presque tout, et en particulier sur les dogmes libéraux. Ils prétendent vouloir changer plein de choses, font mine d’avoir du pouvoir, alors que la plupart des décisions qu’il font semblant de prendre leur sont dictées de Bruxelles : ce sont les transpositions de directives européennes, de décisions prises “en haut”, par la sulfureuse “Commission”, cette institution non-élue, anti-démocratique, aux mains des banksters et des mutinationales, et qui possède le vrai pouvoir.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est de trancher la grave question de savoir si les pays endettés (notre tour viendra bientôt) doivent rembourser leur dette tout de suite, ou s’ils doivent implorer les banksters pour obtenir des délais de paiement.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est de savoir si on repousse l’âge de la retraite parce qu’on vit plus longtemps, ou si on repousse l’âge de la retraite parce qu’on n’a pas le choix.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est la page 2 du Canard, ces bisbilles navrantes dans le microcosme de nos oligarques. C’est Baroin et Lemaire qui étaient les meilleurs amis du monde avant que Sarkozy ne désigne le second pour succéder à Lagarde au ministère des finances, et que le premier ne se “roule par terre” pour obtenir finalement le poste, bien qu’il ne parle pas anglais et qu’il ait une sainte frousse de l’avion. Sarkozy ne pouvait pas se mécontenter le dernier des chiraquiens, qui menaçait de rejoindre Borloo. C’est ça, le “débat politique”.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est la bagarre de chiffonniers entre Aubry et Hollande, qui ont par ailleurs signé exactement le même “programme” libéral de “gauche”, qui ferait mourir d’ennui un sénateur centriste qui le lirait. Ayrault (le chef d’escadrille) soutient Hollande, Cambadélis soutient Aubry, mais qu’est-ce qu’on en a à branler, des états d’âme de ces minus et de leurs guéguerres sans intérêt ?

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, ce sont des politicards médiatiques qui débitent à la télé les salades sous vide que leur ont fabriquées leurs équipes de “communicants”, des marchands de lessives fortunés qui se sont reconvertis dans la politique, plus valorisante.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, ce sont les éternels débats sur “l’emploi”, “la sécurité”, “l’immigration” et le “pouvoir d’achat”. Or, au bout de 30 ans de “débat politique”, on observe une hausse quasi continue du chômage, parallèle à celle de la délinquance, un afflux permanent d’immigrés des pays du Sud pillés par ceux du Nord, et un appauvrissement des masses qui fait battre tous les ans le record des repas aux Restos du Coeur, pendant qu’une minorité, généralement proche du pouvoir, s’en met plein les fouilles.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, ce sont les commentaires ineptes et sans fin des sondages (truqués) quotidiens.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est Arlette Chabot qui demande sans hurler de rire à François Hollande ce qu’il compte faire pour “créer des zemplois”.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est se demander si une rumeur d’alcoolisme atteint davantage Martine Aubry que Jean-Louis Borloo.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est donner la parole à Xavier Bertrand et François Baroin qui expliquent qu’ils vont résoudre la crise pétrolière en engueulant le patron de Total qui remonte ses prix trop vite.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est qu’aussi bien le “socialiste” DSK et la libérale UMP Lagarde peuvent prendre la tête du FMI, et que tout le monde s’en réjouisse, sans jamais pointer le rôle d’asservisseur nuisible de cette institution.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est quand la quasi-totalité des députés décident de débloquer des centaines de millions d’euros supplémentaires tirés sur un budget en ruine, pour officiellement éjecter le dictateur frappadingue (que l’on recevait naguère en grande pompe et auquel on prétendait vendre une centrale nucléaire) d’un pays avec lequel nous n’avons aucune relation historique, mais en réalité pour redorer le blason de notre Président politiquement à l’agonie, faire de la pub à ses amis marchands de canons et empêcher nos Rafale de rouiller…

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est quand Hollande et Sarkozy font ensemble la couverture de Paris-Match pour vendre le TCE.

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique”, c’est l’unanimité autour du concept de croissance infinie, de compétition universelle, et de libéralisation absolue des échanges économiques. Le consensus sur l’obligation de la “baisse des charges” et l’obligation de “réduire les dépenses” pour “résorber la dette” et “garder son triple A

Ce qu’Hervé Nathan appelle “le débat politique” a donné lieu à des escroqueries verbales qui n’ont même pas conduit leurs auteurs à mourir de honte, ni à ceux qui sont tombés dans le panneau d’être plus pertinents le coup d’après. Rappelez-vous “La fracture sociale” en 1995, “la sécurité et l’immigration” en 2002, “travailler plus pour gagner plus” en 2007… Pourquoi se languir de ne pas connaître encore la dernière bouffonnerie qui emportera le morceau ?

Pourquoi faire des “débats politiques” entre menteurs multirécidivistes qui vont faire des promesses qu’ils ne tiendront pas et sur lesquelles personne ne leur demandera des comptes ?

Bon, après, pour amuser la galerie, on peut faire des débats aussi considérables que la dépénalisation du cannabis, le mariage homosexuel ou la castration chimique, mais personne ne s’offusquera si je considère qu’il s’agit de sujets marginaux.

Alors oui, je veux bien qu’on arrête de parler de DSK en attendant son très hypothétique procès, à condition qu’on fasse de vrais débats politiques, avec de vrais morceaux de questions dedans.

Exemples :

La production de pétrole sera fortement réduite d’ici 20 ans, comme les ressources métalliques. C’est le Peak Oil, les pics métalliques, bref, le “Peak Everything” (lire à ce sujet l’excellent article du non moins excellent Philippe Bihouix dans le numéro de juillet de “La Décroissance”). Gouverner, c’est prévoir, alors comment on fait pour maintenir 4% de croissance mondiale annuelle ? (Merde, on peut pas répondre “il faut baisser les charges” ou “il faut relancer la croissance”… C’est achement dur, comme question! Virez-moi ce blogueur qui n’y connaît rien, et rendez-moi Arlette Chabot !)

Toutes les industries dépendantes du pétrole (automobile, aéronautique, tourisme) vont donc couler, que fait-on des millions de salariés concernés ?

Vu que le système électoral français n’élit que des valets serviles des multinationales qui en tirent grand avantage et qui n’ont jamais simplement imaginé qu’un autre monde pût exister, quel système alternatif pourrait-on imaginer et mettre en place pour avoir des dirigeants compétents et désintéressés ?

Et, si on veut du court terme : les banksters, alliés à une classe politique incompétente et corrompue (ceux-là même qui briguent nos suffrages), ont mis l’Europe dans la mouise en lui prêtant de l’argent qu’ils ne possédaient pas, mais que les États sont sommés de rembourser avec intérêt. Qui leur dira merde, aux banksters ? Qui s’élèvera contre leur dictature, qui enverra des Rafale bombarder (oh pardon j’ai dit un gros mot : je voulais évidemment dire “frapper”…) “les agences de notation”, ces terroristes ? Qui rétablira une banque publique qui aura le droit de créer sa monnaie ? Qui redonnera un peu de noblesse à “l’économie” ?

Bon, on les commence quand, ces “débats politiques” ?

SuperNo

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