La Commission des requêtes de la Cour de justice de la République vient de décider de poursuivre la procédure contre Christine Lagarde, soupçonnée d’«abus d’autorité» dans l’arbitrage de l’affaire Tapie.
Cette décision est d’autant plus importante car, alors la saisine a été faite pour abus d’autorité, la Commission des requêtes a retenu, à l’encontre de Christine Lagarde, les infractions de complicité de faux et de complicité de détournement de biens publics.
Cette décision de la Commission était attendue et espérée depuis de longs mois par tous ceux que les rapports de notre République avec l’État de droit ne laissent pas indifférents.
La question principale posée par cette affaire est : en sa qualité passée de Ministre des finances, Christine Lagarde serait-elle sciemment intervenue au bénéfice de Bernard Tapie, contre l’intérêt même de l’État, dans le règlement du litige relatif la vente d’Adidas par le Crédit lyonnais ?
La nouvelle directrice du FMI s’en défend, pourtant selon le Président de la Commission des finances de l’Assemblée nationale, le député PS du Lot-et-Garonne Jérôme Cahuzac, « un faisceau d’indices » tendrait à prouver que les interventions répétées de Christine Lagarde dans ce dossier ont eu « pour objet de favoriser des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt public ».
L’accusation est lourde, étayée par les documents que Médiapart a reproduits au fil de sa série d’articles. La liste des accusations est longue : dessaisissement illégal de la justice ordinaire au profit d’une procédure arbitrale, instruction de vote donnée aux membres de l’EPFR (Établissement Public de Financement et de Restructuration), défaut d’annulation d’une procédure défavorable à l’intérêt du contribuable en méconnaissance de maints avertissements, tromperie sur le montant des indemnisations versées à Bernard Tapie.
De nombreuses et graves anomalies, relevées par différents observateurs et organismes (Président de la Commission des finances, Cour des comptes, Cour de discipline budgétaire, Agence des Participations de l’État, le précédent Procureur général près la Cour de cassation, le député Charles de Courson, Thomas Clay, professeur de Droit et éminent spécialiste international de l’arbitrage) entacheraient la gestion de ce dossier.
Par exemple, le Code civil interdit, à son article 2060, de résoudre par la voie de l’arbitrage les conflits de droit interne qui intéressent les établissements publics. Or l’EPFR, organisme de tutelle du CDR (Consortium De Réalisations, structure de défaisance au sein de laquelle ont été cantonnés depuis 1995 les actifs douteux du Crédit lyonnais), est un établissement public. Il s’agit même d’un établissement public administratif, auquel la prohibition de conclure des conventions d’arbitrage s’applique donc au premier chef.
À l’origine de cette affaire, le vertigineux pactole perçu par Bernard Tapie, estimé à 230 millions d’euros, soit plus que le récent record de gain historique de l’euromillion (pour mémoire 185 millions), en compensation de son éviction de la revente d’Adidas, par le Crédit Lyonnais. En effet souvenez-vous : le Crédit Lyonnais a liquidé des actifs d’Adidas détenus par le groupe Bernard Tapie, alors placé en faillite judiciaire à la suite de la condamnation pour corruption et abus de bien sociaux de M. Tapie.
Le rôle du Crédit Lyonnais semblerait étrange, eu égard à sa participation au rachat, puis à la revente de la fameuse marque d’articles sportifs, celui-ci ayant possiblement profité des créances du groupe Bernard Tapie Finance, et des démêlés judiciaires de ce dernier, pour faire main-basse sur Adidas ; il s’ensuit une interminable bataille judiciaire, épuisant toutes les voies de recours.
Ce n’est qu’en 2007, dans les ultimes développements de ce litige, qu’intervient Christine Lagarde lorsque, à la suite d’un arrêt de cassation, pour faire échec au renvoi de l’affaire devant une seconde cour d’appel, elle suggère aux parties de substituer une procédure d’arbitrage au cours ordinaire de la justice, qu’elle prétend défavorable à l’intérêt de l’État.
Ce dossier, où intérêt de l’État et donc du citoyen et intérêt particulier, sont de nouveau mis en lumière justifierait à lui seul un énième motif d’indignation et de ressentiment de l’opinion à l’égard de la classe dirigeante.
Mediapart a durant des mois écrit sur cette affaire, quasiment dans le désert, et le patient travail de Laurent Mauduit est resté dans une ombre médiatique parfois bien épaisse …
http://www.mediapart.fr/journal/economie/050811/laffaire-lagarde-pas-bon-pour-le-fmi
http://www.mediapart.fr/journal/france/250711/affaire-lagarde-tapie-le-deni-de-justicevv
Anticor
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